Les thyroidites

 

Professeur Jean-Louis WEMEAU

Clinique Endocrinologique Marc Linquette

Hôpital Claude Huriez – 4ème Ouest

CHRU- 59037 LILLE CEDEX

Tel :     03.20.44.41.18

Fax :    03.20.44.69.85

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Le diagnostic des thyroïdites est l’un des plus difficiles de la pathologie.

Aiguës ou chroniques, d’expression sévère ou latentes, responsables de goitres ou d’atrophie de la glande, préservant l’euthyroïdie ou à l’origine de dysthyroïdies, répondant à des étiologies diverses (infectieuses, auto-immunes ou médicamenteuses), les inflammations du corps thyroïde sont d’expression très polymorphe.

On en citera les expressions les plus communes

 

 

Thyroïdite aiguë infectieuse

Thyroïdite subaiguë de De Quervain

Thyroïdites lymphocytaires chroniques auto-immunes

            Thyroïdite de Hashimoto

            Thyroïdite lymphocytaire chronique de l’adolescent

            Thyroïdite atrophique

            Thyroïdite silencieuse (postpartum ou postabortum)

            Thyroïdite auto-immune asymptomatique

Thyroïdite de Riedel

Thyroïdites iatrogènes

            Amiodarone

            Lithium

            Irradiation

 

 

THYROIDITE AIGUE INFECTIEUSE

 

Le plus souvent d’origine bactérienne, plus exceptionnellement virale, mycosique ou parasitaire, elle est devenue très rare. Elle s’observe encore chez l’enfant et l’adulte, favorisée par l’immunodépression (hémopathies, sida, corticothérapie…) ou une cause locale (otite, cancer ORL, fistule entre thyroïde et sinus piriforme).

Le début est brutal, avec un syndrome infectieux, des signes inflammatoires locaux, une masse thyroïdienne douloureuse, généralement unilatérale, parfois fluctuante. Des signes compressifs sont fréquents.

L’échographie caractérise une lésion hétérogène, hypoéchogène, kystique, et repère l’éventuelle abcédation. A ce stade la ponction permet la mise en évidence du germe et la prescription d’une antibiothérapie adaptée. Le drainage chirurgical est nécessaire au stade d’abcès.

 

 

 

 

THYROIDITE SUBAIGUË DE DE QUERVAIN

 

La thyroïdite subaiguë de De Quervain constitue une modalité inflammatoire de la thyroïde, réactionnelle à une infection virale.

Typiquement trois à six semaines après un épisode infectieux rhinopharyngé, apparaissent des douleurs cervicales antérieures souvent intenses, irradiant vers les mâchoires, les oreilles, les muscles cervicaux, s’accompagnant volontiers de dysphagie. Il existe une hyperthermie à 38-39,5 °C, une asthénie, parfois des signes cliniques modérés de thyrotoxicose. La thyroïde est hypertrophiée de façon diffuse, parfois un peu asymétrique, ferme et surtout électivement douloureuse, difficilement palpable.

à la phase initiale un syndrome inflammatoire biologique intense et une hyperthyroïdie modérée. Les anticorps antithyroïdiens sont généralement absents. L’échographie révèle une glande hypertrophiée, hypoéchogène. La scintigraphie est blanche (absence de fixation  de l’iode 123 ou du technétium 99m).

A la thyrotoxicose initiale succède habituellement une période d’hypothyroïdie plus ou moins intense et prolongée, avant le retour à l’euthyroïdie. Des cas d’hypothyroïdies définitives sont possibles, tous comme des récidives.

A la phase initiale, le traitement vise à limiter les phénomènes inflammatoires et douloureux : paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens dans les formes d’intensité modérée, tandis que la traditionnelle corticothérapie n’a plus guère d’indication pour cette pathologie bénigne. Des b-bloquants sont utiles si la thyrotoxicose est patente. Une hormonothérapie thyroïdienne substitutive transitoire peut être nécessaire à la phase d’hypothyroïdie.

 

THYROÏDITES LYMPHOCYTAIRES AUTO-IMMUNES

 

Toutes ces thyroïdites ont en commun un terrain familial, une prédisposition génétique, des facteurs favorisants environnementaux, la possibilité d’associations à d’autres maladies auto-immunes et sont caractérisées par la présence d’anticorps circulants dirigés contre les antigènes thyroïdiens, en particulier d’anticorps antithyroperoxydase.

 

La thyroïdite de Hashimoto survient le plus souvent chez la femme, entre 30 et 60 ans.

Le goitre est caractéristique de la maladie : habituellement de volume modéré, homogène à peine irrégulier, indolore, très ferme (de la consistance d’un pneu d’automobile). Au stade initial, la fonction thyroïdienne est le plus souvent préservée. Parfois existe d’emblée une hypothyroïdie modérée. Très rarement existe une phase thyrotoxique initiale, transitoire, régressant  rapidement ou évoluant vers l’hypothyroïdie.

La présence de titres considérablement accrus d’anticorps antithyroperoxydase (dans 97,5 % des cas) est caractéristique de la maladie. L’échographie révèle une thyroïde hypertrophiée dans son ensemble, globalement hétérogène avec des plages hypoéchogènes plus ou moins bien limitées. En scintigraphie, la fixation serait hétérogène « en damier »

Au fil des années, l’évolution se fait vers l’hypothyroïdie patente et l’atrophie progressive de la glande. Cependant la coïncidence d’un cancer papillaire de la thyroïde ou l’apparition d’un lymphome thyroïdien (1% des cas) est rare mais possible, justifiant la surveillance morphologique tant que persiste l’hypertrophie thyroïdienne.

Le traitement repose sur l’administration d’hormone thyroïdienne, à dose substitutive. Introduit précocement, au stade d’hypothyroïdie sub-clinique, il contribue à la régression du volume du goitre. Chez la femme jeune, il faut garder à l’esprit l’augmentation des besoins en hormones thyroïdiennes au cours de la grossesse et la nécessité d’augmenter la posologie du traitement dès le diagnostic de grossesse.

 

La thyroïdite lymphocytaire chronique de l’adolescent constitue une variante de la thyroïdite de Hashimoto. Elle se manifeste vers l’âge de 10 à 15 ans, par un goitre diffus et ferme et la présence d’anticorps anti-thyroperoxydase. L’euthyroïdie est généralement respectée, et une hypothyroïdie initiale n’est pas nécessairement définitive. Le traitement par hormone thyroïdienne peut permettre la régression du volume du goitre et atténuer les stigmates d’auto-immunité si la TSH est accrue.

 

La thyroïdite atrophique est la première cause des hypothyroïdies acquises de l’adulte. Elle survient électivement chez la femme après la ménopause, ou à distance des accouchements, mais n’épargne pas l’homme et l’enfant. Elle peut constituer l’évolution ultime d’une thyroïdite de Hashimoto passée initialement inaperçue. L’hypothyroïdie peut être de degré variable et les anticorps anti-thyroperoxydase sont assez constamment retrouvés. L’hormonothérapie thyroïdienne substitutive est indiquée à vie.

 

La thyroïdite silencieuse ou indolore survient préférentiellement chez la femme dans le post-partum. Elle est caractérisée par la survenue quelques semaines après l’accouchement d’une thyrotoxicose modérée et fugace, suivie d’un retour à l’euthyroïdie, puis d’une phase d’hypothyroïdie plus ou moins symptomatique et prolongée. Il existe en général un petit goitre homogène et ferme. La présence d’anticorps antithyroperoxydase permet le diagnostic. A la phase de thyrotoxicose, la scintigraphie est blanche (du fait de la lyse des thyréocytes) et la thyroïde est hypoéchogène. L’évolution peut se faire vers le retour à l’euthyroïdie ou la persistance d’une hypothyroïdie définitive. La récidive après chaque grossesse est possible.

 

La thyroïdite auto-immune asymptomatique ne détermine ni goitre, ni signe de dysfonction. Présente chez 10-20% des femmes adultes, 3-5% des hommes, elle se caractérisée par la présence d’anticorps antithyroïdiens, un aspect globalement hypoéchogène finement hétérogène et discrètement vasculaire du parenchyme thyroïdien en échographie. L’évolution vers l’hypothyroïdie est possible. La surveillance annuelle de la TSH est recommandée. Les sujets atteints de thyroïdite auto-immune asymptomatique sont particulièrement exposés à la thyroïdite silencieuse du postpartum, aux hypothyroïdies par surcharges iodées.

 

THYROIDITE DE RIEDEL

 

La thyroïdite chronique de Riedel (thyroïdite sclérosante ou thyroïdite fibreuse invasive) est exceptionnelle. Son étiologie n’est pas connue. Elle s’associe parfois à la fibrose médiastinale ou rétro péritonéale, à la cholangite sclérosante.

Le motif de consultation est représenté par un goitre de volume variable mais surtout très dur, « pierreux » ou « ligneux ». Celui devient progressivement fixé et responsable des signes compressif, du fait de la fibrose envahissante de la glande qui finit par déborder les limites de la capsule. Le diagnostic différentiel est le carcinome anaplasique. L’euthyroïdie est généralement préservée, mais on peut observer une hypothyroïdie en cas de processus très extensif et de destruction massive des vésicules thyroïdiennes. Il peut exister un syndrome inflammatoire biologique modéré. Les anticorps anti-thyroïdiens sont en règle générale absents. La chirurgie est souvent difficile et rarement curative, seulement indiquée au stade initial. Les traitements médicaux (corticothérapie, anti-estrogènes, ciclosporine) sont imparfaitement codifiés.

 

 

 

THYROIDITES IATROGENES

 

Certaines thyropathies iatrogènes relèvent d’un mécanisme de thyroïdite.

 

Thyropathies liées à l’amiodarone :

Les hypothyroïdies liées à l’amiodarone résultent

soit d’une atteinte fonctionnelle, par trouble de l’organification, liée à l’accumulation intra thyroïdienne de l’iode. Dans ce cas l’hypothyroïdie est lentement réversible à l’arrêt de l’amiodarone.

beaucoup plus rarement d’une atteinte lésionnelle par réduction de la masse parenchymateuse fonctionnelle, que favorise la thyroïdite auto-immune préalable. Dans ce cas l’hypothyroïdie est définitive et nécessite une hormonothérapie substitutive.

On oppose deux types d’hyperthyroïdies liées à l’amiodarone :

les hyperthyroïdies relevant d’un hyperfonctionnement thyroïdien, survenant habituellement sur une glande thyroïde préalablement dystrophique. Elles peuvent bénéficier d’un traitement par les antithyroïdiens à fortes doses.

les hyperthyroïdies relevant d’un mécanisme de thyroïdite iodée, survenant sur une glande thyroïde préalablement saine. L’évolution est analogue à celle des thyroïdites subaiguës réactionnelles aux infections virales. La phase thyrotoxique est plus ou moins intense et peut durer quelques semaines à quelques mois, puis faire place à une hypothyroïdie en règle générale transitoire. A la phase thyrotoxique, la fixation de l’iode 123 est nulle, les anticorps antithyroïdiens sont absents. La thyroïde est hypoéchogène et hypovasculaire en échographie-doppler. L’intensité de la thyrotoxicose peut justifier un traitement glucocorticoïde, ordinairement spectaculairement efficace.

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Thyropathies liées aux cytokines :

Des dysfonctions thyroïdiennes sont observées chez environ 9% des patients soumis à un traitement par interféron alpha. Elles peuvent survenir durant le traitement par interféron ou après l’arrêt du traitement par interféron. Elles relèvent principalement de mécanismes auto-immuns, plus rarement d’une toxicité directe de la molécule d’interféron sur la thyroïde. Différentes présentations cliniques sont décrites :

hypothyroïdie, relevant d’un mécanisme de thyroïdite lymphocytaire auto-immune, par anticorps anti-thyroperoxydase ou plus rarement anticorps bloquants dirigés contre le récepteur de la TSH. L’hypothyroïdie est le plus souvent régressive à l’arrêt du traitement, ou plus rarement définitive.

hyperthyroïdie, pouvant relever de deux mécanismes différents : maladie de Basedow (présence d’anticorps stimulants anti récepteur de la TSH, fixation intense en scintigraphie) ou le plus souvent thyroïdite destructrice, caractérisée par une thyrotoxicose transitoire suivie d’une hypothyroïdie secondaire (présence d’anticorps anti-thyroperoxydase, scintigraphie blanche).

Des dysfonctions thyroïdiennes ont également été décrites au cours des traitements par interleukine 2 ou interféron béta.

 

Thyropathies liées au lithium :

Les traitements prolongés par lithium peuvent être responsables d’hypothyroïdies, d’hyperthyroïdies et très fréquemment de thyroïdites silencieuses.

 

 

 

Thyroïdites radiques :

Au décours immédiat d’un traitement radiométabolique par iode 131 pour goitre ou hyperthyroïdie, on peut observer des douleurs cervicales antérieures, des signes inflammatoires locaux ou compressifs, une aggravation de la thyrotoxicose et une augmentation transitoire des anticorps antithyroïdiens. Une hypothyroïdie précoce transitoire, liée à la présence d’anticorps bloquants, peut également être observée.

L’irradiation externe de la région cervicale, telle qu’on l’observe lors des traitements de la maladie de Hodgkin par exemple, peut être à l’origine de dysfonctions thyroïdiennes, relevant le plus souvent d’une thyroïdite silencieuse.

 

 

Les caractéristiques des thyroïdites les plus fréquemment rencontrées sont résumées dans le tableau

 

 

Thyoïdite

infectieuse

Thyroïdite subaiguë de

De Quervain

Thyroïdite

silencieuse

Thyroïdite

de Hashimoto

Terrain

femme

ou homme

femme 20-50 ans

HLA B 35

contexte infectieux viral

femme 20-40 ans

HLA DR4, DR5

révélation dans le post partum

femme 40-50 ans

HLA DR3, DR5

association à une autre maladie auto-immune

Douleur



-

-

Goitre

abcès

empâté, ferme

ferme

très ferme

Signes généraux



-

-

Syndrome inflammatoire

 

 

 

±

 

±

Etat hormonal

euthyroïdie

euthyroïdie ou thyrotoxicose suivie d’une hypothyroïdie transitoire

euthyroïdie ou thyrotoxicose suivie d’une hypothyroïdie transitoire

euthyroïdie ou

hypothyroïdie

Auto-anticorps antithyroïdiens

-

±



Cartographie

hypofixation

blanche

blanche

hétérogène

Echographie

anéchogène

hypoéchogène

hypoéchogène

hypoéchogène

Evolution

guérison sous traitement

guérison ou récidives

guérison, récidives ou hypothyroïdie

hypothyroïdie

 

 

BIBLIOGRAPHIE

C Cardot-Bauters. Les Thyroïdites,  in Les Maladies de la Thyroïde, Jean-Louis Wémeau, Masson éditeur 2010, pages 85-88.

C Cardot-Bauters, JL Wémeau. Thyroïdites. EMC du Praticien, Traité de Médecine AKOS  3-04902006, 2009