• Accueil
  • Vertiges : les manoeuvres

Vertiges : les manoeuvres

 

Docteur Catherine ARROUET

5 rue de la Gare

59280 ARMENTIERES

 

Ils sont caractérisés par des épisodes de vertiges rotatoires de courtes durées survenant quelques secondes après un changement de position de la tête.

 

            A – Physiopathologie

Elle est assez bien établie et met en cause une pathologie d’un canal semi-circulaire secondaire à une atteinte dégénérative de la macule utriculaire.

Deux théories s’affrontent :

 

Ø  La théorie de la cupulolithiase de Schuknecht suppose que l’essaimage d’otolithes se constitue dans l’ampoule du canal semi circulaire postérieur, niveau le plus bas du labyrinthe. Le dépôt d’otolithes sur la cupule du canal semi circulaire entraîne une déformation de celle-ci lorsque le patient adopte la position déclenchante transformant ainsi la cupule en capteur d’accélération linéaire. Cette théorie est actuellement battue en brèche car elle n’explique pas certains caractères du nystagmus : latence, durée, fatigabilité.

 

Ø  La théorie de la canalolithiase, les otolithes se déposent dans le canal semi circulaire postérieur ou éventuellement externe et non directement sur la cupule Lors du mouvement de la tête, du fait de l’action de la pesanteur, les otolithes se déplacent dans le canal, entraînant avec eux l’endolymphe et déformant ainsi la cupule. A l’arrêt du mouvement, l’élasticité de la cupule lui permet de revenir à sa position d’équilibre faisant cesser nystagmus et vertige. Cette théorie explique mieux la latence et la durée du nystagmus.

 

La théorie de la cupulolithiase ne contredit pas la théorie de la canalolithiase et il est certain que les pathologies dues aux otolithes sont beaucoup plus fréquentes qu’on ne le pense, d’où l’intérêt de pratiquer systématiquement un bilan positionnel chez toute personne se plaignant de vertige ou de déséquilibre.

 

Il est maintenant bien établi que les 3 canaux semi circulaires peuvent être atteints. L’atteinte du canal postérieur est la plus fréquente suivie de l’atteinte du canal horizontal et enfin de l’atteinte du canal antérieur.

 

            B – Signes cliniques et diagnostic

L’interrogatoire et l’examen clinique sont habituellement suffisants pour poser le diagnostic. Les explorations fonctionnelles complémentaires n’ont pas d’intérêt diagnostic dans les formes typiques.

 

 

 

 

a – L’interrogatoire

 

Il est à lui seul très évocateur.

Dans la forme typique, le patient se plaint d’un vertige rotatoire, très anxiogène, violent, d’installation brutale et rapide (environ 10 secondes) après un changement de position de la tête, toujours le même.

Le changement de position de la tête le plus typique est la rotation droite ou gauche lorsque le patient est en position de décubitus dorsal. Mais, il peut aussi se déclencher à l’orthostatisme lorsque le patient place sa tête en hyper extension ou lorsqu’il se penche en avant. 

Le vertige s’accompagne habituellement de signes neurovégétatifs, nausées parfois vomissements, sueurs…

Il n’y a pas de trouble cochléaire associé.

Le patient se plaint souvent de troubles de l’équilibre associés.

L’attitude précautionneuse, très caractéristique, du patient pour éviter le vertige lors des changements de position de la tête s’accompagne très souvent d’algies cervicales.

 

b – Les manœuvres de provocation

 

L’élément clé du diagnostic est le déclenchement du vertige et du nystagmus lors des manœuvres de provocation, alors que l’examen clinique est normal par ailleurs (absence de nystagmus spontané, absence de signes neurologiques). Cependant tous les vertiges ou nystagmus positionnels ne correspondent pas à un vertige de position paroxystique bénin, il est donc essentiel d’identifier le nystagmus et ses caractéristiques :

 

Ø  Latence, le vertige et le nystagmus apparaît après une latence de 1 à 3 secondes,

Ø  La durée, celle-ci est variable en fonction du canal atteint allant d’une vingtaine de secondes pour le canal postérieur à 2 à 3 minutes pour le canal horizontal.

Ø  L’inversion du sens du nystagmus au retour à la position initiale, accompagné d’un vertige moins intense

Ø  La fatigabilité, lorsque l’on renouvelle la manœuvre diagnostique du même côté, le vertige et le nystagmus sont moins intense. Dans certains cas, la manœuvre ne déclenche plus ni vertige, ni nystagmus ; c’est le phénomène d’habituation.

Ø  L’inhibition du nystagmus par la fixation.

 

Parfois, alors que le patient se plaint manifestement de crises de vertiges positionnels paroxystiques, la manœuvre de provocation ne déclenche ni vertige, ni nystagmus ; il est nécessaire de revoir le patient plus tard de préférence tôt le matin car l’on peut être dans une phase réfractaire.

 

Le vertige positionnel paroxystique bénin par atteinte du canal postérieur

Il est mis en évidence par la manœuvre de Dix et Hallpike. Le patient assis sur le divan d’examen, tête tournée sur le côté de 45° et relevée de 30°, est couché rapidement. Ce mouvement s’effectue dans le plan du canal semi circulaire postérieur. Il apparaît alors un nystagmus rotatoire avec une composante verticale supérieure ; sur l’œil ipsi latéral au canal atteint, la composante est essentiellement rotatoire, sur l’œil controlatéral, la composante verticale est plus marquée. Le nystagmus rotatoire est dirigé vers le bas, c’est pour cela que l’on dit qu’il est géotropique ; il désigne l’oreille atteinte.

Au redressement, le nystagmus observé est inverse ; parfois seul un nystagmus vertical inférieur est observé.

 

 

 

Le vertige positionnel paroxystique bénin par atteinte du canal horizontal

Il est mis en évidence par des manœuvres de rotation droite et gauche de la tête en position couchée (dans le plan du canal horizontal). Le nystagmus déclenché a une composante horizontale pure dont le sens varie en fonction de la position de la lithiase dans le canal horizontal, géotropique (le nystagmus bat vers l’oreille la plus basse) si la lithiase est située en plein canal, agéotropique si la lithiase est proche de la cupule :

 

 

Ø  Forme géotropique, la plus fréquente, le nystagmus est déclenché par les deux positions de décubitus et bat du côté où est couché le patient. Le nystagmus disparaît en position assise. La latence d’apparition du vertige et du nystagmus est plus longue que pour le canal postérieur (10 secondes) de même que sa durée (supérieure à la minute). Le côté atteint est plus difficile à définir, le nystagmus serait plus intense lorsque la tête est couchée du côté atteint. L’on peut, aussi, définir le côté atteint si l’on voit apparaître un nystagmus horizontal, patient assis, tête penchée en avant ; le sens du nystagmus désigne le côté atteint. Ce nystagmus s’épuise et s’inverse en remettant la tête en position verticale.

 

Ø  Forme agéotropique, le nystagmus est là aussi déclenché par les deux positions de décubitus mais bat en sens inverse du coté où est couché le patient. Le vertige et le nystagmus seraient plus intenses lorsque la tête est tournée du côté sain. Ce type de nystagmus peut s’observer dans certaines atteintes vestibulaires centrales ; il y a donc lieu de prévoir des explorations complémentaires si l’évolution n’est pas rapidement favorable.

 

Le vertige positionnel paroxystique bénin par atteinte du canal antérieur

Cette variété est rare, compte tenu de l’orientation du canal antérieur qui permet une évacuation rapide des otolithes. Sa description n’est pas totalement codifiée. Il est déclenché par la manœuvre de Dix et Hallpike controlatérale au côté atteint et entraîne un nystagmus vertical inférieur avec une composante rotatoire agéotropique peu marquée.

 

Les formes associées

Parfois, l’atteinte concerne 2 ou 3 canaux uni ou bilatéraux. Il est alors important de bien noter les caractéristiques des nystagmus observées. Ces formes associées s’observent essentiellement dans les suites de traumatisme avec brutale décélération.

 

Les formes post traumatiques

Dans les formes post traumatiques, on ne retrouve pas la prévalence féminine de la forme idiopathique, l’âge moyen des patients est plus faible.

Les formes bilatérales et associant plusieurs canaux sont plus fréquemment observées après traumatisme.

Les formes post traumatiques sont plus résistantes aux manœuvres thérapeutiques et plus volontiers récidivantes dans les mois suivants.

 

 

L’observation d’un nystagmus vertical inférieur positionnel sans composante rotatoire, lors de la manœuvre de Dix et Hallpike et à la position de Rose (hyper extension de la tête en position médiane) est rare et très évocatrice d’une lésion neurologique centrale. Généralement, il ne s’accompagne pas d’une sensation vertigineuse. Il s’accompagne parfois d’une poursuite oculaire saccadique et d’un nystagmus.

Une atteinte centrale à l’origine d’un vertige de position paroxystique n’est observée que dans 1% des cas.

 

            C – Le traitement

Aucun traitement médicamenteux n’a fait sa preuve tant sur le plan curatif que préventif. Le seul traitement est une manœuvre permettant de faire sortir les débris d’otolithes du canal semi circulaire atteint. Ces manœuvres ont une action sur le vertige mais ne préviennent pas les récidives.

Dans les suites des manœuvres thérapeutiques, peuvent survenir des sensations d’instabilité qui disparaissent habituellement en quelques jours. En cas de persistance, une rééducation vestibulaire est souvent efficace.

Elles sont, le plus souvent réalisées dans les suites de la manœuvre diagnostique, après avoir vérifié que le nystagmus remplit toutes les caractéristiques. Elles sont différentes en fonction du canal atteint.

Le principe des manœuvres libératoires est de faire passer les débris otolithique du canal vers la zone riche en cellules de résorption de l’utricule et du canal réunies.

 

a - Les manœuvres pour le canal semi circulaire postérieur

Deux grands types de manœuvres sont actuellement pratiqués, avec un taux de réussite à peu près identique. Le choix se fait en fonction des habitudes du praticien mais aussi en fonction du patient.

 

La manœuvre de Semont dite libératoire

Décrite par Semont et Toupet en 1980, elle consiste à basculer de 180° le patient dans le plan du canal postérieur.

Le patient est assis sur le divan d’examen, jambes pendantes, face au médecin. Le patient est alors couché dans la position déclenchante, tête orientée vers le haut de 45°. Après épuisement du vertige, le patient est rapidement redressé et recouché de l’autre côté tête positionné vers le bas de 45° (nez dans le divan). Lors de cet exercice, il n’y a pas de rotation du cou. Les jambes du patient sont alors ramené sur le divan afin qu’il soit confortablement allongé. C’est dans cette position que l’on attend l’apparition d’un vertige et d’un nystagmus dits de libération. Le nystagmus peut apparaître avec une latence allant parfois jusqu’à 5 minutes, il a les mêmes caractéristiques que le nystagmus initial et donc est agéotropique. L’apparition du nystagmus et du vertige signe la sortie des débris otolithiques du canal postérieur, c’est le critère habituel du succès de la manœuvre.

L’absence de succès de la manœuvre ne veut pas dire que le patient n’est pas guéri.

Il est important de rester à côté du patient car le vertige libératoire peut être violent.

Il faut ensuite aider le patient à se relever en se méfiant de l’apparition d’une instabilité importante (due au retour des otolithes vers l’utricule). Cette instabilité peut durer quelques jours et il est important d’en avertir le patient.

Selon certains auteurs, il est nécessaire que le patient, dans les jours suivants, évite de trop mobiliser sa tête et de se coucher trop à plat. Pour d’autres, ces consignes n’ont aucun intérêt, n’empêchant pas les récidives.

Cette manœuvre est contre indiquée chez les patients porteurs d’implants cristallins, de prothèse de hanche et atteints de pathologie vertébrale.

 

 

La manœuvre d’Epley dite de repositionnement des particules

Décrite par Epley, à la fin des années 80, elle est surtout utilisée depuis 1995 quand elle a été reprise par plusieurs auteurs.

Beaucoup plus douce, elle tend à être de plus en plus préférée.

Elle utilise une séquence de 5 positions successives de la tête.

Le patient, assis sur le divan, est couché sur le dos, tête tournée de 45° vers le côté atteint, légèrement en arrière. Après avoir attendu la fin du vertige, la tête est tournée doucement vers le côté opposé, à 90° de rotation, le corps et la tête poursuivent la rotation de 90° supplémentaire de façon à aboutir à une position de tête, nez en bas, touchant le divan. Un vertige et un nystagmus agéotropique signent la sortie des otolithes du canal. Il faut alors rasseoir le patient en se méfiant de l’instabilité résiduelle qui eut être source de chute.

De nombreuses variantes ont été décrites qui n’apportent pas de différence dans le taux de réussite.

Cette manœuvre est de réalisation plus aisée chez les personnes âgées et les patients obèses.

 

Le taux de réussite de ces manœuvres est de l’ordre de 80%. En cas d’échec, il est nécessaire de réaliser de nouvelles manœuvres soit dans la foulée de la première, soit dans les jours suivants.

Dans les cas rebelles à ces manœuvres, on peut proposer au patient des exercices d’habituation (Brandt et Daroff) qui consiste à adopter la position déclenchante 5 fois de suite matin et soir en attendant plusieurs minutes dans chaque position.

 

b - Les manœuvres pour le canal semi circulaire horizontal

Différents exercices ont été proposés dans la forme géotropique. Pour la forme agéotropique, il n’y a pas actuellement de traitement validé, mais, un mouvement exercé dans le sens du canal semi circulaire horizontal a des chances de guérir le patient ou de transformer la forme agéotropique en une forme géotropique qui peut alors être traitée.

 

La manœuvre de Lempert dite « rotation barbecue »

Le patient est allongé sur le dos, la tête tournée de 90° vers l’oreille saine. Le corps est ensuite tourné de 180° vers l’oreille saine, puis la tête est tournée de 90° vers le bas, le patient est alors allongé sur le ventre. L’on poursuit la rotation de la tête de 90° toujours dans le même sens. Le patient poursuit sa rotation du corps pour se positionner en latéro cubitus du coté de l’oreille atteinte tête tournée de 45° vers le haut. Chaque variation de position de tête s’effectue  rapidement et chaque position différente est maintenue entre 30 et 60 secondes, le temps que  les nystagmus déclenchés s’épuisent. Enfin le patient est redressé en position assise.

De nombreuses variantes ont été décrites, Toupet propose au patient de réaliser lui-même cet exercice dans son lit le matin et le soir en le répétant 3 fois de suite. Il conseille d’attendre 5 minutes à chaque fois dans les positions de procubitus tête tournée du côté sain et tête tournée du côté atteint. Il réévalue la situation 3 jours plus tard.

 

La manœuvre de Vanucci

Le patient est couché sur le dos, face vers le haut, il tourne alors la tête et le corps du côté sain et doit rester dans cette position pendant environ 12 heures (la nuit). Elle serait efficace en 48 heures dans la majorité  des cas. Cependant, la lithiase du canal horizontal a fortement tendance à guérir spontanément si l’on empêche le patient de dormir sur le ventre.

 

L’évaluation de l’efficacité de ces manœuvres est difficile car l’évolution spontanément favorable se fait souvent de façon très rapide.

 

c – Les manœuvres pour le canal antérieur

Ce sont les mêmes manœuvres que celles décrites pour le canal postérieur. Elles s’effectuent en sens inverse, tête positionnée du côté sain au départ.

 

        

Pour aller plus loin :

 

www.vestib.org (site de la société internationale de réhabilitation vestibulaire dont le président est Alain Sémont)

www.otoneuro.com (site de la société internationale d’otoneurologie)

« Les vertiges aides au diagnostic – thérapeutique, conseils au patient, examens complémentaires. » André Chays. Elsevier-Masson.