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Spasticité : mécanisme, prise en charge thérapeutique médicamenteuse et non médicamenteuse

INTRODUCTION

          Tonus musculaire:

Au repos le muscle est soumis à une tension de base qui maintient la posture, c’est le tonus musculaire

L’augmentation de cette tension musculaire de repos est appelée hypertonie, sa diminution est appelée hypotonie

La spasticité est une variété particulière d’hypertonie musculaire en rapport avec une lésion du système pyramidal appelée syndrome pyramidal

DEFINITION

          Lance 1980: « la spasticité est un désordre moteur caractérisé par une augmentation vitesse dépendante du réflexe tonique d’étirement (c’est à dire du tonus musculaire) et par une exagération des ROT, résultant d’une hyperexcitabilité du réflexe d’étirement » 

          C’est une composante du syndrome pyramidal qui se caractérise essentiellement par:

Un déficit de la commande motrice

Spasticité

Perte de sélectivité de mouvement

 

          C’est la seule composante du syndrome pyramidal accessible à un traitement


PHYSIOPATHOLOGIE

Complexe et non encore bien élucidée

Le tonus musculaire est régulé au niveau médullaire par un contrôle permanent de l’activité du motoneurone alpha en fonction des informations sensitives musculaires provenant des FNM via les fibres Ia et II, et tendineuses via les fibres Ib

Les FNM sont à leurs tour sensibilisés par les motoneurones gamma qui joue un rôle modulateur de la boucle du réflexe myotatique

L’ensemble du système médullaire et sous contrôle inhibiteur descendant


Une lésion du SNC entraîne la levée de l’inhibition descendante et par conséquence la libération des motoneurones alpha et gamma donc l’exagération des réflexes médullaires qui entraîne la spasticité

BOUCLE DU REFLEXE MYOTATIQUE




ASPECTS CLINIQUES

La spasticité est une hypertonie musculaire élastique comme un ressort

Elle augmente avec la vitesse d’étirement

Elle cède brutalement en « lame de canif »

Rentre dans le cadre du syndrome pyramidal appelé aussi syndrome du motoneurone supérieur

 

Ne pas confondre la spasticité

          Avec l’hypertonie extra-pyramidal: c’est une hypertonie plastique en tuyau de plomb non vitesse dépendante, elle cède par accoue réalisant le phénomène de la roue dentée, associée à l’akinésie et au tremblement caractéristiques du syndrome extra-pyramidal

          Avec la dystonie: contraction involontaire soutenue résultant à des postures anormales en contorsion

Évolution naturelle de la spasticité

          Elle s’installe progressivement dans les semaines qui suivent la lésion du SNC

          Chez les blessés médullaires (lésion supra-sacrée) la spasticité apparaît après une phase flasque dite phase de choc spinal, en général après 6 semaines

          Elle présente une variabilité au cours du temps chez un même patient:

          Facteurs extrinsèques: froid/chaud

          Facteurs intrinsèques: stress, fatigue, trouble de sommeil, présence d’une épine irritative: fécalome, escarre, infection urinaire, rétention urinaire, calcul vésical…

          Elle est responsable en dehors d’un traitement précoce de rétraction tendino-musculaires, déformations orthopédiques

          Il existe un risque de retentissement sur la croissance chez l’enfant IMC avec déformation rachidienne et articulaires des membres

Sièges habituels de la spasticité

          Au niveau des MS elle prédomine sur:

          Les adducteurs d’épaule

          Fléchisseurs de coude

          Fléchisseurs du poignet                      

          Fléchisseurs des doigts

          Le pouce




          Au niveau des MI:

          Fléchisseurs/adducteurs de hanche

          Extenseurs, un peu moins les fléchisseurs de genou

          Fléchisseurs plantaires de pied       


Évaluation clinique de la spasticité

          Échelles analytiques du tonus musculaire:

1- Échelle d’Ashworth modifiée

          0 : pas d’augmentation du tonus musculaire

          1 : augmentation discrète du tonus musculaire se manifestant par un ressaut suivi d’un relâchement

          1+: augmentation discrète du tonus musculaire se manifestant par un ressaut suivi d’une résistance minime perçue sur moins de la moitié de l’amplitude articulaire

          2 : augmentation plus marquée du tonus musculaire touchant la majeure partie de l’amplitude articulaire, l’articulation pouvant être mobilisée facilement

          3 : augmentation importante du tonus musculaire rendant la mobilisation passive difficile

          4 : l’articulation concernée est fixée en flexion ou en extension (abduction ou adduction)

2-Échelle de Tardieu

          V : la réaction à l’étirement est notée pour une vitesse donnée:

          V1 : aussi lentement que possible

          V2 : vitesse intermédiaire

          V3 : aussi vite que possible

          X : Grade de la réaction musculaire

          0 : pas de résistance tout au long du mouvement passif

          1 : discrète augmentation de la résistance au cours du mouvement passif sans que l’on puisse distinguer clairement un ressaut à un angle précis

           2 : ressaut franc interrompant le mouvement passif à un angle précis, suivi d’un relâchement

          3 : clonus épuisable (moins de 10s lorsque l’on maintient l’étirement) survenant à un angle précis

          4 : clonus inépuisable (plus de 10s lorsque l’on maintient l’étirement) survenant à un angle précis

          Y : angle de la réaction musculaire

Avantage de la spasticité

Substitut de la force, elle va permettre la position debout et la marche

Elle peut améliorer la circulation, prévenir les thromboses veineuses profondes et l’œdème

Elle peut réduire le risque de décalcification osseuse

 

Inconvénients de la spasticité

Les déformations orthopédiques: dislocation de hanche, varus/équin du pied, limitation articulaire d’épaule, coude et poignet, scoliose notamment chez l’enfant IMC

Gène l’autonomie lors des activités de la vie quotidienne: toilette, bain, habillage, transferts, déplacements, alimentation…

Risque d’escarre au niveau des zones à risque par hyperpression et cisaillement cutané ainsi qu’au difficultés de positionnement

Troubles de sommeil

Douleur articulaire (épaule notamment)et musculaire


 

ETIOLOGIES DE LA SPASTICITE

          Ce sont toutes les pathologies où on rencontre un syndrome pyramidal:

Traumatisme cranio-encéphalique

Les lésions vértebro-médullaires

Accidents vasculaires cérébraux

Sclérose en plaque

Infirmité motrice cérébrale

Paraplégie spastique héréditaire

 


TRAITEMENT DE LA SPASTICITE

1.       Traitements généraux per os:

A ce jour, aucun médicament ne permet de réparer la lésion des voies descendantes, le traitement de la spasticité visera donc:

Soit à inhiber les circuits facilitant le réflexe d’étirement à l’étage segmentaire

Soit à agir sur le nerf périphérique, la plaque motrice ou le muscle lui même

Il existe essentiellement 3 grandes classes pharmacologiques:

Les agonistes GABA-ergique: baclofène

Les agonistes alpha2 adrénergiques centraux: tizanidine

Les modificateurs des courants ioniques

Les agonistes Gaba-ergiques

GABA= Acide Gamma Amino Butyrique

Le GABA constitue avec la glycine le neuromédiateur inhibiteur le plus répandu dans le SNC

Il réduit l’excitabilité neuronale par sa médiation sur l’inhibiteur présynaptique au niveau des interneurones de la moelle spinale

Son effet inhibiteur sur la transmission synaptique est également recensé au niveau du tronc cérébral, cervelet, ganglion de la base et du cortex cérébral

Il existe 2 type de récepteur pour le GABA: le GABA A et le GABA B

          Les GABA B agonistes: baclofène = liorésal = Acide béta-4-chlorophényl-amino-butyrique = analogue structural du GABA

Action: réduction de l’excitabilité des circuits réflexes médullaires mono et polysynaptiques ce qui permet de réduire la spasticité

Dose max 80 mg/jour chez l’adulte et 60mg chez l’enfant de plus de 8 ans et 30 mg entre 2 et 7 ans

Effets indésirables: dépendant de la dose et sont en rapport avec l’action cérébrale et sembles être plus fréquent chez les cérébro-lésés: sédation, asthénie, vertige, baisse du seuil épileptogène chez les épileptiques

Un arrêt brutal entraîne un syndrome confusionnel, hallucination et effet rebond sur la spasticité avec fièvre

          Les GABA A agonistes: ce sont les benzodiazépines: rarement utilisés car car présentent un mauvais rapport bénéfice/risque

Les agonistes alpha-2-adrénergiques centraux:

          La clonidine: son effet hypotensif interdit son utilisation dans la spasticité

          La tizanidine: efficacité similaire à celle du baclofène, pas d’AMM en France

Les antispastiques d’action périphérique : le Dandrolène sodique = Dantrium: seul antispastique d’action périphérique agissant directement sur la fibre musculaire

Il agit en inhibant la libération du calcium du réticulum sarcoplasmique, provoquant un découplage entre l’excitation et la contraction au niveau musculaire

Efficace sur la spasticité médullaire et cérébrale et les IMC

Effet indésirable: dépendant de la dose (>300 mg), de l’âge (>30 ans), sexe (femme) et de la prise concomitante d’autre médicaments à métabolisme hépatique: hépatotoxicité (contrôle des transaminases, 1x15jours les 2 premiers mois puis 1x/mois la première année), arrêter le traitement si les transaminases dépassent 2x la normale, fatigue

Indications

          Cérébro-Lésés: utiliser plutôt le dandrolène

          Blessés médullaires: plutôt le baclofène

          Possibilité d’association des 2 molécules au cas par cas

          Ne pas oublier de chercher et traiter les épines irritatives

2.       Traitement local de la spasticité

Injection IM de toxine botulique:

Traitement de 1ère intention de la spasticité focalisée

Doit être toujours associée à une prise en charge en rééducation avec assouplissement des muscles injectés et renforcement des muscles déficitaires


          Aspects pharmacologiques:

Identifiée par Van Ermengen au XIX siècle

Burgen et col en 1949 : mise en évidence du rôle de la TB dans le blocage de la transmission neuro-musculaire

Il existe 6 toxines (ABCDEF), seules les toxines A et B existent sur le marché, la toxine A est la plus ancienne et la plus utilisée

Commercialisée sous 3 formes: Dysport (IPSEN), BOTOX (Allergan) et XEOMINE (Merz)

          Mode d’action:

La neurotoxine bloque au niveau des plaques motrices la libération présynaptique des vésicules d’acétylcholine

Ce blocage est irréversible, on assiste à une repousse axonale au niveau des MN avec formation de nouvelles plaques motrices

L’effet de la toxine est maximum en 2 à 3 semaines après l’injection et se prolonge pendant 3 mois


          Contre-indication:

Absolue: encombrement bronchique chez l’enfant polyhandicapé, myasthénie, syndrome de Lambert-Eaton (maladie musculaire auto-immune), allaitement

Relative: grossesse, les aminosides dont on sait qu’ils aggravent les manifestations du botulisme

          Toxicité: les doses maximales autorisés sont de l’ordre de 800 UI (400 UI MS et 400 MI)

          Effets indésirables: douleur au niveau du site d’injection, hématome en cas de piqûre vasculaire, faiblesse générale et asthénie transitoire survenant 2 ou 3 jours après l’injection et réversible en 1 à 2 semaines, risque de chute quelques jours après l’injection du triceps, réaction fébrile, rare, survenant pendant les 2 ou 3 premiers jours

          Résistance immunologique à la toxine botulique: production d’anticorps anti-toxine botulique après injection répétées = principale effet indésirable à long terme, elle semble favorisée soit par les doses importantes soit par le non respect du délai entre 2 séances d’injection

Neurolyse chimique

Il s’agit de destruction chimique du nerf réalisée par agent chimique au point moteur ou à proximité du tronc du nerf

Les produits utilisés: alcool, phénol, glycérol

Baclofène Intrathécale

Proposée par Penn (USA) en 1984 et introduite en France par Lazorthes

Consiste à injecter directement le baclofène dans les espaces sous arachnoïdiens

Effets positif sur la spasticité avec des doses 1000 fois moins que la voie orale


          Indication:

Spasticité sévère diffuse chronique ou multifocale gênante et résistante aux thérapeutiques classiques

Améliorer la qualité de la marche chez les blessés  médullaires conservant une déambulation

3.       Traitement Neurochirurgical

Il s’agit essentiellement de:

Neurotomie sélective périphérique: spasticité focalisée à un muscle ou groupe musculaire

Les radicotomies: section de 60% des fibres des racines postérieures dorsales chez les enfants IMC

La thermorizothomie = radicotomie per-  cutanée par lésion thermique

4.       Traitement Orthopédique

Il s’agit de corriger les déformations orthopédiques gênantes causées par la spasticité, varus/équin du pied, fléssum de genou ou de hanche…etc.

Il peut s’agir d’une ténotomie simple, d’un allongement tendineux, d’une désinsertion musculaire, d’un transfert tendineux, d’une arthrodèse, d’une ostéotomie, d’ablation d’ostéome…etc.

CONCLUSION

          Penser à la spasticité chaque fois qu’il y a une lésion du SNC cérébrale ou médullaire

          C’est le seul symptôme du syndrome pyramidal accessible à un traitement

          Le traitement précoce réduit les conséquences physiques et fonctionnelles

          Le rôle du médecin généraliste dans le suivi des patients spastiques n’est plus à démontrer