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Maladie de Parkinson : quoi de dans le diagnostic et la prise en charge ?

Maladie de Parkinson : quoi de dans le diagnostic et la prise en charge ?

Gestion du traitement au quotidien, effets secondaires, optimiser le suivi et la prise en charge

Eric OVELACQ

Neurologue

445, Boulevard Gambetta - 59200 - TOURCOING
 
             LES SIGNES PRE-MOTEURS DE LA MALADIE DE PARKINSON

 

 

Le diagnostic de la Maladie de Parkinson Idiopathique (MPI) reste clinique, reposant sur la triade : bradykinésie , signe clinique indispensable, tremblement et hypertonie. Cependant, l’accent a été mis, ces dernières années, sur la découverte de signes non-moteurs qui peuvent précéder de plusieurs années les signes moteurs classiques. Leur liste s’enrichit au fil des ans ;ils sont liés au fait que le processus neuropathologique de la MPI ne débute pas dans le locus niger, mais que les premières structures atteintes siègent notamment dans le bulbe olfactif, le noyau dorsal du vague et le système nerveux autonome périphérique .Les principaux signes non moteurs précoces sont les suivants :                                                                              


> Hyposmie et perte d’odorat, dans 80 % des cas,                                                          

> Trouble de la vision des couleurs,                                                                                    

> Constipation , qui peut apparaître 20 ans avant les signes moteurs !

> Amaigrissement ,perte d’appétit, déclenchant parfois un bilan gastro-entérologique complet, qui se révèle négatif

> Dépression

> Anxiété, qui est l’une des principales plaintes des patients                                                                                                                -> Fatigabilité anormale, perte  précoce de la force musculaire

> Apathie, ralentissement idéatoire, trouble cognitif léger

> Douleurs multiples, parfois à présentation pseudo-rhumatologique :80 % des parkinsoniens se plaignent d’avoir mal                                   > Troubles du comportement en sommeil paradoxal (TCSP):durant son sommeil,le patient se bat, crie, gesticule. Cette agitation motrice, parfois violente et dangereuse pour le patient et l’entourage, est en rapport avec le rêve en cours. Les TCSP touchent la moitié des patients parkinsoniens ,pouvant précéder de plusieurs années les signes moteurs. La prise en charge repose sur la sécurisation nocturne du patient et du partenaire de lit, voire la prescription de clonazépam RIVOTRIL (hors-AMM) 

> Somnolence diurne excessive, qui n’est pas rare au début de la maladie ,et incite à la prudence quant à la prescription d’un agoniste dopaminergique.

> Une forte odeur corporelle particulière, puissante, légèrement musquée… ?

 

              Pris isolément, chacun de ces signes a une faible valeur prédictive positive (sauf les TCSP qui tous annoncent tôt ou tard, l’apparition d’un syndrome parkinsonien) ;c’est leur association qui a une meilleure sensibilité pour évoquer un début de MPI. Ce diagnostic précoce est cependant impossible à confirmer aujourd’hui, en l’absence  d’un marqueur biologique fiable, comme c’est  le cas dans le LCR pour la maladie d’Alzheimer. Faire le diagnostic de MPI au stade pré-moteur aura un intérêt pratique évident quand nous disposerons de médications neuro-protectrices.

 

LA DEFERIPRONE,C’EST POUR QUAND ?


       En 2015,une équipe lilloise a publié les résultats de l’étude FAIR PARK  concernant l’effet d’un chélateur du fer,la défériprone, sur l’évolution de la MPI . La dégénérescence nigro-striée observée dans la MPI est notamment la conséquence d’une accumulation de fer intra-cérébrale, à l’origine du stress oxydatif,  en raison d’une faible activité feroxydase  dans la maladie . Cette étude, menée sur 40 patients, a montré la supériorité ( à 6 mois, qui persiste à un an) de la défériprone sur le groupe placebo sur des critères cliniques, biologiques et d’imagerie cérébrale . Ce résultat  a soulevé beaucoup d’espoirs chez les patients : il convient cependant  de tempérer leur légitime enthousiasme . La commission européenne a sélectionné le projet FAIR PARK II du Pr David DEVOS , dont l’objectif sera de tenter de démontrer le rôle (anti-oxydant ,voire neuro-protecteur) de la défériprone sur le ralentissement de la MPI. Plusieurs années vont s’écouler avant  les résultats et une éventuelle AMM.

 

LA DOPA ,C’EST MAINTENANT ! 

 

Définitivement, la dopa-thérapie (DOPA) n’est pas toxique, c’est le médicament le plus efficace et le mieux toléré dans la MPI .Il n’existe pas de cas de MPI insensible à la DOPA.Sans elle, la MPI évolue vers la mort en 10 à 15 ans : grâce à elle, la survie peut atteindre 20 à 25 ans, avec une bien meilleure qualité de vie. La DOPA est le meilleur médicament anti-parkinsonien :le plus efficace et le mieux toléré, avec le rapport efficacité/bénéfice le plus favorable ; c’est la pierre angulaire du traitement (Gold standard), et rien ne prouve qu’elle perde son efficacité avec le temps. Le patient peut légitimement espérer retrouver une vie normale sous DOPA.Une excellente réponse est d’ailleurs requise dans les 5 premières années pour confirmer a posteriori le diagnostic de MPI. Il faut l’instaurer sans trop tarder, même chez le sujet jeune. Trop la différer peut entraîner une perte de chance pour le malade : quand apparaissent les premiers signes cliniques, la dénervation dopaminergique nigro-striée a déjà débuté depuis 15 à 20 ans !… En pratique, on commencera par une faible dose (50 mg/jour) qui sera augmentée lentement (« slow and low »). C’est la meilleure façon de limiter l’apparition des complications motrices ultérieures qui, certes, finiront toujours par arriver, mais de manière différée  et moins marquée.Les complications motrices surviennent indépendamment du moment où la DOPA a été instaurée :les seuls paramètres qui comptent sont la durée d’évolution de la maladie et la dose de DOPA. On ne jugera de la réelle efficacité de la DOPA qu’après trois à six mois à la dose de 600 mg/jour en trois prises. La réponse initiale à la DOPA est ,en effet, très variable selon les individus ,elle peut être retardée de plusieurs mois. Pour renforcer l’alliance thérapeutique, le patient doit évidemment en être informé dès le départ. Il faudra également l’avertir qu’en raison d’une demie-vie courte de 2 à 3 heures , il sera rapidement nécessaire de polyfractionner la dose quotidienne en 4 puis 5 prises. Après cinq ans de traitement, il faudra une prise de DOPA toutes les 2 heures. Au stade avancé de la maladie, la DOPA restera le médicament le plus efficace et le moins mal toléré, sa posologie sera alors progressivement réduite. (400mg/j)

 

ALORS , QUE RESTE T’IL DES AGONISTES DOPAMINERGIQUES ?

 

             Tôt ou tard, la DOPA finit par entraîner des complications motrices . Chaque année ,10% de parkinsoniens en plus sont sujets aux dyskinésies ; après 10 ans de traitement, 90% présentent des fluctuations, dont l’apparition  confirme ,a posteriori, le diagnostic de MPI.  La prescription précoce d’un agoniste a pour but de limiter et de différer l’apparition des complications motrices de la DOPA. On ne cherchera pas forcément à atteindre la posologie maximale autorisée des agonistes. Chez le sujet jeune (45 ans),la monothérapie par agoniste ne dépassera pas 2 à 3 ans,  la DOPA sera alors adjointe. Par ailleurs, les agonistes sont  efficaces sur l’apathie, alors que la DOPA est plus performante sur les signes moteurs . Le Pramipexole  SIFROL est également doté d’un  effet anti-dépresseur. Globalement, les agonistes sont vraiment efficaces chez moins d’un tiers des parkinsoniens. Ils sont plus onéreux et ont davantage d’effets secondaires : prise de poids, somnolence  effets psycho-comportementaux, , trouble du contrôle des impulsions ,addiction aux jeux … Ces effets secondaires psychiatriques sont rares, mais ce serait une faute professionnelle de ne pas en  informer le patient avant l’instauration du traitement. Ils sont toujours réversibles à l’arrêt de l’agoniste. Après 70 ans, il est prudent de diminuer progressivement la posologie de l’agoniste ,même en l’absence d’effet secondaire psychiatrique ;au stade avancé de la maladie, l’agoniste sera  arrêté.

 

 

FAUT-IL OPERER TOUS LES PARKINSONIENS ?


           Certainement pas . Si la neurochirurgie fonctionnelle  de la MPI était un médicament, elle serait interdite, en raison de l’existence d’1 % d’effets indésirables graves. (Hématomes  intra-crâniens). « Il faut que le malade ne soit vraiment pas bien pour prendre le risque de l’intervention » (Pierre POLLAK).Pour autant, il doit rester (très) DOPAsensible,ne serait-ce qu’une heure par jour : c’est le premier critère d’éligibilité du bilan pré-opératoire. L’intervention sera proposée aux patients parkinsoniens (non déments , ni dépressifs graves) restant dopa-sensibles, dont les fluctuations ne sont plus suffisamment contrôlées par le traitement médical. Les meilleurs résultats sont obtenus chez les sujets de moins de 55 ans, l’opération devenant rare après 70 ans, exceptionnelle après 75 . La tendance actuelle est d’opérer  plus tôt (Etude EARLYSTIM)…mais pas trop tôt tout de même !…Pas avant 5 ans d’évolution, sinon le diagnostic de MPI risquerait de ne pas être établi avec certitude. (La stimulation cérébrale profonde est inefficace pour les autres syndromes parkinsoniens dégénératifs) .La cible opératoire est clairement devenue le noyau sous-thalamique, alors qu’initialement, en 1993, Alim-Louis BEN ABIB,de Grenoble, avait ciblé le Globus Pallidum interne. Aujourd’hui, 25 centres-experts sont actifs en France, sans  file d’attente .Quelques centaines de parkinsoniens seulement sont opérés chaque année, au terme de la sélection.

 

LA DUODOPA : APRES LA CHIRURGIE FONCTIONNELLE…OU AVANT ?


             L’administration orale de la DOPA entraîne une fluctuation permanente des taux plasmatiques, responsable des complications motrices, fluctuations et dyskinésies .Il n’existe toujours pas aujourd’hui de vraie forme à libération prolongée, qui pourrait résoudre ce problème. La stimulation continue des récepteurs dopaminergiques centraux est possible grâce à la pompe d’Apomorphine APOKINON,ainsi qu’à l’infusion permanente d’un gel de DOPA  au niveau jéjunal ( DUODOPA).Court-circuitant l’estomac, elle permet une délivrance continue de DOPA,responsable de taux plasmatiques stables .Toutes les autres médications anti-parkinsoniennes par voie orale sont alors arrêtées. Initialement développée en Scandinavie, cette thérapeutique originale  est couramment utilisée à Lille depuis de nombreuses années. La tendance actuelle est de la proposer à un stade plus précoce de la maladie et non pas uniquement à un stade très évolué ou chez les patients de plus de 75 ans, quand la neurochirurgie fonctionnelle est devenue contre-indiquée.



 - La maladie de Parkinson - Luc DEFEBVRE et Marc VERIN- 3ème édition- Elsevier Masson- 2015 -218 pages.

 

 - La définition de la maladie de Parkinson est-elle clinique ? Luc DEFEBVRE- La maladie de Parkinson en 2014-Pratique Neurologique - FMC 2014 :5 :152-158 :Elsevier Masson. Journées de Neurologie de Langue Française -Strasbourg 2014.

 

 -Troubles du sommeil en Neurologie ; V. COCHEN De COCK

Pratique Neurologique – FMC 2013-4 :119-123 -Journées de Neurologie de Langue Française- Montpellier 2013.

 

 -Le top 5 des mouvements anormaux- Claude MEKIES-16èmes Rencontres de Neurologies Paris 2014-Neurologies - Janvier 2015 Vol 18 numéro 174-27-31

 

 -Priority setting partnership to identify the top 10 research priorities for the management of PD-Deane KHO et al. BMJ Open 2014: 4 e0006434

 

 -Parkinson : stratégies thérapeutiques -Eric OVELACQ - Formathon 2011.

 

 -Ceruloplasmin activity and iron chelation treatment of patients with PD: GROLEZ,MOREAU Caroline et al. BMC Neurol. 2015;15:74.