• Accueil
  • Fin de vie à domicile, soins palliatifs : que faire et comment ?

Fin de vie à domicile, soins palliatifs : que faire et comment ?

Fin de vie à domicile, soins palliatifs : Que faire et comment ?

Oser, mais pas seul !

Dr Philippe DELCAMBRE

Après un parcours plus ou moins long  lié à une maladie grave, après une phase palliative où les soins de confort se sont substitués aux soins curatifs, survient la phase ultime, l’agonie. C’est le moment où l’état du malade se détériore à tel point et avec une telle rapidité que la fin de vie devient perceptible pour le médecin mais aussi pour les équipes soignantes ou du domicile, pour l’environnement familial et surtout pour le malade lui-même. La mort qui n’avait été jusqu’alors qu’un concept, une appréhension, une peur devient présente et concrète. Cette phase  est en général courte, 48 heures en moyenne. La dépendance est totale, le malade devient un mourant.

Le patient peut demander de mourir à son domicile, entouré des siens, dans un environnement qu’il connait et qui l’apaise.

La loi Léonetti de 2005 a profondément modifié les modalités de prise ne charge de la fin de vie : Accès aux soins palliatifs à toute personne en fin de vie, respect de la volonté du patient de refuser un traitement même si cela le conduit à son décès, refus de toute obstination déraisonnable de soins, droit au soulagement de la souffrance, désignation de la personne de confiance, rédaction des directives anticipées..

La nouvelle loi sur la fin de vie du 02 février 2016 (Loi Léonetti- Claeys) crée 3 nouveaux droits pour les patients : le droit de ne pas subir d’acharnement thérapeutique, le droit que leurs volontés             (directives anticipées) soient respectées et le droit d’être soulagés en toutes circonstances (ouvrant la possibilité à une sédation profonde et continue qui ne sera pas traitée dans le présent exposé).

Or qui mieux que le médecin traitant peut accompagner son patient dans sa fin de vie à domicile. Le médecin de famille sait l’histoire humaine et médicale de son patient. Il connait aussi l’entourage familial, relationnel, professionnel et matériel sur lesquels il va pouvoir s’appuyer pour l’aider dans cette prise en charge lourde et délicate.

La fin de vie est une période tout à fait spécifique dans la prise en charge de la maladie dans tous ses aspects :

  • Médicaux avec apparition  de nombreux symptômes plus ou moins intenses ou par contre exacerbation des symptômes préexistants. La liste de ces pathologies peut être longue et fastidieuse mais 3 groupes de symptômes sont souvent présents, ont des caractéristiques bien définies et méritent d’être citées et abordées :

  • La douleur avec des spécificités propres à la fin de vie (Douleurs abdomino-pelviennes par rétention d’urine avec globe vésical ou présence d’un fécalome – Douleurs de décubitus aux points de pression avec possibles escarres débutantes – Douleurs par contractures musculaires ou ankyloses articulaires liées à la grabatisation –Douleurs d’extension tumorale)

  • La dyspnée et l’encombrement oro-pharyngé ou bronchique provoqués ou majorés par le décubitus prolongé. Bien que généralement liés à des facteurs multiples, le traitement à ce stade restera essentiellement symptomatique, visant à soulager le patient mais surtout à calmer l’angoisse qui domine ces symptômes.

  • Nausées, vomissements, syndrome occlusif, hoquet généralement bien contrôlés par un traitement spécifique. L’occlusion intestinale bien que rare en phase agonique est un facteur très péjoratif.

  • Outre cette triade classique de fin de vie, il faut mentionner l’agitation, la confusion, l’angoisse  et la dépression, témoins des perturbations organiques multiples  et déséquilibres métaboliques mais aussi de la perception par le patient de la crise émotionnelle de fin de vie.

  • Thérapeutiques

    La fin de vie est le moment où le médecin peut et même doit s’interroger sur la pertinence des traitements prescrits à son patient et l’amener à pratiquer une désescalade thérapeutique. Quelle est l’utilité en phase agonique d’un traitement cardiaque lourd, de statines, de vasodilatateurs. Même l’insuline peut être discutée chez un patient ne se nourrissant plus. Le confort physique et moral doit guider la prise en charge.

  • La voie orale n’est généralement plus possible dans les dernières heures de vie. En général, aucune autre voie ne sera mise en place. On peut malgré tout utiliser la voie sous-cutanée, de nombreux médicaments pouvant être administrés de cette façon. La voie rectale peut-être un recours pour l’utilisation d’antalgiques (suppo de Paracétamol, Lamaline*), d’antiémétiques (Vogalène*, Primperan*) ou de benzodiazépines (Valium, Buccolam*). La voie transdermique permet toujours l’administration d’opioïdes (Fentanyl) ou d’atropiniques (Scopoderm*)

  • La loi de Février 2016 considère l’alimentation et l’hydratation comme des traitements. Les poursuivre contre l’avis du patient peut constituer une obstination déraisonnable de soins et nécessite donc une réflexion éthique.

  • Les thérapeutiques de fin de vie se concentrent principalement autour de quelques familles de médicaments : Les antalgiques morphiniques ou non, les corticoïdes, la scopolamine et les neuroleptiques.

    Enfin, en tenant compte de l’environnement du patient, il faut anticiper l’apparition des symptômes, établir des protocoles de soins, rédiger des prescriptions anticipées à destination des autres soignants mais aussi de l’entourage.

  • Légales

    La loi Léonetti-Claeys crée de nouveaux droits pour les patients en fin de vie et qui donc s’imposent au médecin.

    2 notions doivent être distinguées :

  • Le médecin est tenu de respecter les directives anticipées (sauf dans l’urgence ou pour des situations manifestement inappropriées). Mais il doit veiller à ce que ces directives soient rédigées (le médecin doit rechercher les volontés du patient).

  • De la même façon une Personne de confiance doit être désignée pour témoigner des volontés du malade au cas où il ne peut plus le faire.

     

  • Sociales

    Des aides sociales spécifiques existent pour les malades en situation palliatives terminale qui peuvent aider le médecin dans sa prise en charge :

    Pour tout public :    -> Le Congé de solidarité familiale

                        ->L’Allocation journalière d’Accompagnement à Domicile d’une personne                         en fin de vie

                        ->Le Fonds National d’Action sanitaire et sociale (FNASS)                         

Avant 60 ans :         ->La Prestation compensatrice du handicap (PCH)

Après 60 ans :         ->L’allocation personnalisée à l’autonomie (APA)

 

Ces aides sont mises en place par les services sociaux (ou les réseaux de soins palliatifs ou HAD pour le Fonds FNASS) mais doivent être connues du médecin pour conseiller au mieux son patient.

 

  • Environnementales

    Le patient en fin de vie est confronté à un nombre de plus en plus important d’intervenants médicaux, paramédicaux, hospitaliers, sociaux, administratifs, etc…Cette multiplicité d’acteurs est souvent vécue comme une intrusion dans l’intimité familiale, un véritable raz de marée qui dépersonnalise tout sur son passage.

     

    Face à ces problématiques multiples auxquels se greffent la plupart du temps des préoccupations spirituelles, religieuses ou éthiques, des problèmes familiaux, techniques ou de mise en place d’aides, le médecin ne doit pas rester seul dans cette prise en charge et se faire aider.

    Mais comment se faire aider et par qui ?

    Le médecin traitant n’aura jamais toutes les compétences (ni le temps !) pour prendre seul en charge une fin de vie à domicile dans tous ses aspects.

     

    La notion de pluridisciplinarité est essentielle tout comme la notion de travail en équipe :

  • L’ équipe peut se regrouper autour du médecin et réunir infirmière, kinésithérapeute, pharmacien et services sociaux et suffire pour une situation plutôt simple.

    Mais la plupart du temps la multiplicité et la complexité  des problématiques nécessite d’avoir recours à une aide extérieure qui peut apporter soutien, expertise et conseils.

  • Les Réseaux de Soins Palliatifs ont pour mission d’évaluer une situation dans toutes ses dimensions médicales, psychologiques, sociales et financières. Ils aident à mettre en place les aides humaines, financières et matérielles spécifiques à la fin de vie. Ils ne remplissent leurs missions qu’avec l’accord écrit du médecin traitant qui reste le seul prescripteur. L’équipe d’appui d’un réseau est constitué d’un médecin référent, compétent  en soins palliatifs, d’une ou plusieurs infirmières coordinatrices et peut faire appel aux services d’un psychologue, d’un ergothérapeute et d’une assistante sociale. L’utilisation des réseaux est gratuite pour les usagers.

    Des bénévoles d’accompagnement en soins palliatifs peuvent intervenir à domicile sur proposition du réseau et participer à la prise en charge globale palliative.

  • Lorsque le volume de soins et d’aides devient très important, lorsque la technicité le nécessite (pompes à morphine, nutrition parentérale, pansements techniques, soins complexes…), une HAD peut être mise en place qui apportera le plateau technique et humain indispensable à un maintien à domicile de qualité.

     

    En conclusion

    Prendre en charge une fin de vie à domicile, répondre favorablement à la demande de son patient est un véritable engagement de la part du médecin.

     La relation d’aide, alliance thérapeutique qui relie le médecin à son patient est l’élément fondateur de l’accompagnement palliatif.

    Cette prise en charge implique de la part du médecin disponibilité, accessibilité, authenticité et compétence.

    Mais les problématiques sont multiples, à la fois médicales et paramédicales, psychologiques mais aussi sociales, matérielles et humaines. Et le médecin, qui fait selon ses possibilités professionnelles (et ses limites personnelles) ne peut, en général, résoudre seul tous les aspects de cette approche globale. Cela implique d’accepter de travailler en équipes, en  inter et pluridisciplinarité.

    En matière de soins palliatifs, il ne faut jamais rester seul et se faire seconder. Les réseaux de soins palliatifs peuvent aider le praticien dans sa prise en charge pour répondre aux attentes et demandes de son patient en fin de vie.

     

     

    Petite bibliographie pour vous aider

     

  • Manuel de soins palliatifs  D Jacquemin D de Broucker – Editions DUNOD 4 ème édition 2014

  • Site de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs  www.sfap.org

  • Modalités de prise en charge de l’adulte nécessitant des soins palliatifs  www.­anaes.­fr

  • Le médecin généraliste et la prise en charge palliative à domicile : Eléments bloquants et favorisants – DIUSP 2008 – Ph Delcambre

  • Guide d’aide à la prise en charge des patients en soins palliatifs à domicile destiné aux médecins généralistes – Aurélie SUSAGNA et Pauline CLUZEAU-DUCHAUSSOY – février 2012 

  • Le Centre National de Ressources Soin Palliatif FXB www.cdrnfxb.org

  • Directives anticipées : http://www.hassante.fr/portail/jcms/c_2619822/fr/directives-anticipees-concernant-les-situations-de-fin-de-vie

  • Les cahiers du Formathon   www.formathon.fr

     

    -     Mon patient a choisi de mourir à domicile 2009  Dr Corbinau JP

  • Fins de vies au domicile : Douleurs et souffrances 2010 Dr Corbinau  JP

  • Fin de vie au domicile 2012 Dr Corbinau JP    Dr Delcambre Ph