• Accueil
  • Exploration du statut martial

Exploration du statut martial

EXPLORATION DU STATUT MARTIAL OU COMMENT NE PLUS SANG FER …

Dr Eric AUXENFANTS

CH Roubaix

 

Le fer est un élément essentiel en biologie humaine, nécessaire à de nombreux processus cellulaires. La quantité totale du fer contenu dans l’organisme est de l’ordre de 50 mg/kg de poids corporel. .Chez la femme non ménopausée, du fait des menstruations, les réserves en fer sont moindres.

La majeure partie du fer (65 %) se trouve dans les érythrocytes, au coeur de l’hémoglobine, 10% au sein de la myoglobine, d’enzymes et de cytochromes, le reste se situe dans les macrophages hépatiques, le système réticulo-endothélial et la moelle osseuse.

Les sources de fer sont doubles :

-absorption digestive (sur les 15 à 20 mg apportés par l’alimentation seuls 1 à 2 mg sont absorbés par jour), qui compense les pertes physiologiques (desquamation muqueuse digestive,   pertes sudorales et urinaires minimes)

-recyclage par les macrophages du fer issu des hématies sénescentes, essentiel au processus d’erythropoiése  qui requiert 20 à 30 mg par jour

 Les mécanismes de régulation du fer sont complexes, destinés à maintenir un niveau optimal du fer dans la circulation. L’excrétion du fer étant impossible, l’homéostasie se fait essentiellement  sur l’absorption digestive et l’adaptation du stock martial.

Le foie est à l’origine de la production de plusieurs protéines qui  vont intervenir dans le métabolisme martial. L’hepcidine et le couple hepcidine/ferroportine jouent un rôle essentiel dans l’homéostasie du fer, et son dysfonctionnement dont l’origine peut être diverse est à l’origine des surcharges martiales.

La carence martiale est fréquente, en premier lieu d’origine nutritionnelle à l’échelon mondial, diverses pathologies pouvant par ailleurs être à son origine. Le diagnostic positif d’une carence martiale repose sur le dosage de la ferritine en tenant compte des facteurs confondants susceptible d’être à l’origine de son élévation. La démarche étiologique  s’avère le plus souvent relativement simple, essentiellement à la recherche d’une spoliation sanguine ou d’une malabsorption dans nos régions.

L a surcharge martiale est  parfois  plus difficile à authentifier, la ferritine là encore étant le premier dosage à demander, couplé au coefficient de saturation de la sidérophylline, l’IRM pouvant d’une part contribuer à authentifier la surcharge et à la quantifier, et d’autre part participer, avec l’exploration génétique, au diagnostic étiologique qui peut nécessiter le concours de centres de références.

 

L’HOMEOSTASIE DU FER : RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE

 ABSORPTION DU FER

Elle se fait dans le duodénum et le jéjunum proximal sous forme de Fe++, après réduction du Fe+++ alimentaire, héminique (10%) et non héminique (90%)par le cytochrome b duodénal exprimé sur la bordure en brosse entérocytaire.

 Le Fe++ est transporté dans l’entérocyte par le DMT1 dont l’expression varie selon les besoins en fer de l’organisme. Il peut être stocké sous forme de ferritine ou transporté jusqu’à la membrane basolatérale où il est exporté avec l’aide de la ferroportine dans la circulation où il sera lié à la transferrine après oxydation en Fe+++ par l’hephaestine située à la surface des cellules intestinales  ou par la ceruléoplasmine présente dans le plasma..

RECYCLAGE DU FER ERYTHROCYTAIRE

Les hématies vieillisantes font l’objet d’une phagocytose par les macrophages du systéme réticulo-histiocytaire. Il y a formation d’un phagolysosome qui dégrade l’héme, exfiltre le fer dans le cytosol où il est transporté par un équivalent de la DMT1 (NRAMP1). Il est par la suite soit stocké dans le macrophage sous forme de ferritine, soit exporté dans la circulation à nouveau par le biais de la ferroportine, tout comme cela se passe dans l’entérocyte.

DELIVRANCE DU FER AUX TISSUS

Le fer est transporté, lié à la transferrine vers différents sites, en premier lieu la moelle osseuse mais également vers d’autre organes dont le foie. Il se fixe là au niveau de recepteurs cellulaires (RTF1)puis est internalisé par la formation d’endosomes  qui subissent une acidfication permettant la scission du complexe Fe+++-TF -RTF1, la libération du fer dans le cytoplasme sous forme de Fe++ après action d’une metalloprotéase endosomiale (STEAP3), et son   transport par la DMT1.

 Dans l’erythroblaste, il est utilisé pour la synthése de l’héme, ou stocké sous forme de ferritine. Dans les autres cellules notamment hépatiques, il est  stocké sous forme de ferritine .

REGULATION DE L’ABSORPTION DU FER

Elle se fait essentiellement par le biais du couple Hecidine/Ferroportine.

L’hepcidine est une protéine de production hépatique, dont la synthèse est régulée par différentes protéines  (HFE, RTF2, HJV, BMP6, Matriptase et la transferrine). Elle se lie à la ferroportine et entrave son action , empêchant de ce fait la libération du fer dans la circulation à partir de l’entérocyte ou des macrophages.

La surcharge martiale et l’inflammation vont augmenter son expression, la carence martiale, l’hypoxie et l’érythropoiése inefficace vont la diminuer.

REGULATION DU FER INTRACELLULAIRE

Elle se fait par les IRE (iron responsive element) qui sont des zones non traduites de l’ARN messager de la ferritine et du RTF1 et les IRP (IRE binding protein) qui agissent entant que détecteurs du fer. En cas de baisse du fer cellulaire, il y a liaison des IRE aux IRP, stabilisation des ARN messagers conduisant à l’augmentation de l’expression du RTF1 à la surface des cellules et à la captation accrue du fer circulant.

TOXICITE DE LA SURCHARGE MARTIALE

Lorsque le CSS est >75%, apparait une composante spéciale du fer non lié à la transferrine, appelé le fer plasmatique réactif, qui génère des espèces radicalaires oxygénés potentiellement cytotoxiques et explique le dommage viscéral plus marqué dans les hémochromatoses à CSS élevé (types 1, 2 et 3).

 

CARENCE MARTIALE

Expression clinique

Asthénie, diminution des fonctions cognitives, diminution des capacités physiques, syndrome des jambes sans repos, alopécie ( ?)

Signes liés à l’anémie

Diagnostic positif : dosage de la Ferritine 

C’est le dosage à réaliser en priorité, en sachant qu’il doit être interprété en tenant compte  d’éventuels  facteurs confondants  (inflammation, cytolyse hépatique, rhabdomyolyse ou hémolyse, exogénose chronique , syndrome métabolique,  hyperthyroidie ) .

Le cut-off reste discuté mais on peut retenir un seuil de 30 ng/ml en dessous duquel le diagnostic de carence martiale peut être retenu quelque soit le contexte associé.

En présence d’un syndrome inflammatoire, il est peu probable qu’existe une carence associée si la ferritine est supérieure à 100 ng/ml.

Entre ces deux seuils, on se situe dans une zone grise où il est difficile de trancher en l’absence actuellement d’autre paramètre pertinent disponible en routine.

Autres paramètres,  marqueurs de carence martiale :

Capacité totale de fixation de la transferrine : élevée en l’absence de syndrome inflammatoire en cas de carence martiale mais d’aucun secours en contexte inflammatoire

Coefficient de la transferrine : un CSS<15% est en faveur d’une carence martiale fonctionnelle mais la sensibilité en est médiocre

Récepteur soluble de la transferrine : augmenté en cas de carence martiale, non modifié par l’inflammation mais inaccessible en pratique quotidienne

Hepcidine : diminuée en cas de carence martiale, mais également inaccessible actuellement en routine

Diagnostic étiologique

Carence d’apport rare dans nos régions en l’absence de terrain particulier
Hémorragies d’origine digestive ou gynécologique
Malabsorptions
Causes génétiques rares  (mutations des transporteurs du fer DMT1 ou mutation de STEAP3, mutation dans le gène de la TMPSS6 protéase codant pour la matriptase-2 , protéine régulant l’expression de l’hepcidine)


SURCHARGE MARTIALE

Expression clinique

            Variable en fonction de l’ancienneté , de l’étiologie et de l’importance de la surcharge martiale.

Asthénie, amaigrissement

Atteinte hépatique : hépatomégalie, stigmates de cirrhose

Atteinte pancréatique, avec diabéte

Atteinte cutanéo-phanérienne : mélanodermie, leuconychie, ongles plats ou creux

Atteinte ostéo-articulaire : arthropathie, ostéoporose

Atteinte endocrinienne : dysfonction érectile, insuffisance hypophysaire

Atteinte cardiaque : insuffisance cardiaque

Diagnostic positif :

Etape 1 : Dosage de la ferritine

Surcharge en fer à évoquer si >300 µg/l chez l’homme ; >200 µg/l chez la femme

Ceci en en dehors de situations confondantes susceptibles d’élever la ferritine :

- fréquentes (inflammation, hépatopathies, rhabdomyolyse, hyperthyroidie, alcool, syndrome polymétabolique) qui ne s’accompagnent pas de surcharge ou d’une surcharge modérée (hépatosidérose dysmétabolique, porphyrie cutanée tardive)

-  rares , génétiques (mutation du gène de la L-ferritine donnant une élévation de la ferritine à CSS normal sans surcharge dans le cadre d’un syndrome hyperferritinémie-cataracte ou asymptomatique)

Etape 2 : Dosage du CSS, réalisation d’une IRM abdominale destinée à quantifier la surcharge viscérale en fer. La majorité des surcharges génétiques et acquises sont associées à un CSS>45%, L’IRM pouvant affirmer en cas de CSS<45% la surcharge, et dans tous les cas de figure en apprécier l’importance (modérée<120µmol/g, importante de 120 à 250 µmol/g, majeure au-delà de 250 µmol/g)  et en approcher l’étiologie dans le cadre des surcharges génétiques.

Diagnostic étiologique : S’appuie sur un faisceau d’arguments : l’anamnèse, l’âge, le contexte ethnique et familial, le CSS, les données IRM, et la génétique, le génotypage HFE étant à réaliser en priorité dans nos régions  (cf algorithmes ci contre ).

On distinguera les surcharges acquises :

Fortes : transfusions(anémies chroniques), apport parentéral de fer

Modérées : alcool, syndrome métabolique, cirrhose, porphyrie cutanée tardive

Et les surcharges génétiques :

Fréquentes : HC de type 1 (liée au gène HFE)

Rares : HC de type 2 (juvenile par mutation HJV ou hepcidine), de type 3 (mutation du RTf 2), de type 4 (mutations portant sur la ferroportine), aceruléoplasminémie héréditaire.

 


 

SURCHARGES GENETIQUES : ALGORITHME DIAGNOSTIQUE

(emprunté à BRISSOT )

 


 

SPECTRE ETIOLOGIQUE DES SURCHARGES MARTIALES

(emprunté à BRISSOT)

Pour en savoir plus :

Paubelle E., Herbaux C . Le fer en hématologie. Hématologie 2013 ; 19 :234-240

Wallace D. F. The régulation of iron absorption and homeostasis Clin Biochem Rev 2016 37(2): 51-62

Hermine O. La carence martiale, un vieux sujet réactualisé Hepato gastro 2014 ; 21 : 784-785

Brissot P. Loreal O Surcharges en fer Hepato gastyro 2011 ; 18 : 413-424

Brissot P. Loreal O Iron metabolism and related genetic diseases: a cleared land, keeping mystery Journal of hepatology, Elsevier, 2016, 64(2): 505-515

 Brissot P. Optimising the diagnosis and the treatment of iron overload diseases. Expert Review of Gastroenterology & Hepatology, Future Drugs, 2007-, 2016, 10 (3), pp.359-370.