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Le nourrisson en sortie de maternité, le premier mois : cas cliniques

FORMATHON 2019

Atelier de néonatologie

Pr ML Charkaluk, GHICL, FMM

 

Pour un nouveau-né sorti bien portant de maternité, quatre grands groupes de pathologies peuvent être identifiées dans le premier mois. Elles sont présentées ici dans un ordre qui pourrait être « chronologique ».

 

L’ictère

 

Une situation d’ictère chez un nouveau-né amène à se poser deux questions :

-       Cet ictère est-il physiologique, ou est-il le témoin d’une situation pathologique ?

-       L’intensité de cet ictère justifie-t-il un traitement par photothérapie ?

Ces deux questions sont indépendantes.

 

Pour la question de l’étiologie, on peut retenir que deux situations révélatrices d’un ictère pathologique doivent être identifiées : la cholestase, et l’anémie hémolytique. La traduction clinique de la cholestase est la décoloration des selles (cf carnet de santé page 11). Elle nécessite un bilan étiologique urgent en service de néonatologie. L’anémie peut être suspectée cliniquement (pâleur, splénomégalie). Elle est confirmée par le bilan biologique qui retrouve une hémoglobine < 12 à 13 g/dL (selon l’âge de l’enfant). Elle a deux origines : la fragilité constitutionnelle du globule rouge, dont le diagnostic est affaire de spécialiste, et les immunisations foeto-maternelles, reconnues par un test de Coombs direct positif. Ce test peut donc être demandé d’emblée, en même temps que le groupe sanguin de l’enfant.

L’ictère physiologique décroit à partir du 3èmeou 4èmejour de vie. Il a disparu au 10èmejour. Tout ictère persistant au-delà de 10 jours nécessite donc un bilan sanguin : bilirubine totale et libre, NFS, groupe sanguin et test de Coombs.

L’ictère « au lait de mère » est un ictère modéré et isolé, à bilirubine libre. C’est un diagnostic d’élimination, porté chez un enfant allaité, ayant des selles de couleur normale, une prise de poids normale, et une hémoglobine normale au bilan sanguin. Il peut persister plusieurs semaines.

Une prise de poids insuffisante par carence d’apports s’accompagne souvent de la majoration en intensité et en durée de l’ictère physiologique par majoration du cycle entéro-hépatique.

 

Un ictère à bilirubine libre peut nécessiter une photothérapie. Le seuil à partir duquel ce traitement est indiqué chez un enfant de plus de 96 heures dépend de son âge gestationnel et d’une éventuelle pathologie associée. Il se situe entre 250 et 350 µmol/L (150 à 200 mg/L).

 

 

Les difficultés digestives, la prise de poids insuffisante

 

Les régurgitations sont fréquentes, et physiologiques si elles sont indolores avec une prise pondérale normale. Les quantités bues, pour un enfant nourri au biberon, peuvent être très excessives et sont à réajuster en première intention. Aucun autre traitement n’est alors nécessaire, un lait épaissi peut éventuellement être envisagé chez un enfant qui reçoit une alimentation artificielle. Devant un inconfort, il faut vérifier les éléments de puériculture (vitesse de prise du biberon, tétine, rot). Un pansement type diméticone ou alginate de sodium est le traitement médicamenteux de première ligne. L’esoméprazole en sachets n’a pas d’AMM avant 1 an et 10 kgs. Il est cependant couramment utilisé pour le traitement des œsophagites. Celles-ci sont suspectées devant une symptomatologie douloureuse, particulièrement à l’alimentation, et confirmées par la fibroscopie digestive haute. L’efficacité est obtenue en quelques jours, la durée du traitement est de 4 à 6 semaines.

 

Concernant les selles, les enfants nourris au sein ont le 1ermois au moins 3 selles par jour, souvent bien plus. Après le 1ermois, des selles rares (ou beaucoup plus rares) sont possibles, aucun traitement n’est à envisager. Les enfants recevant une alimentation artificielle peuvent présenter des selles rares, dont l’exonération est difficile. Le traitement peut faire appel à un lait adapté, ou à l’utilisation d’eau Hépar (sans dépasser la moitié de la ration), ou à un traitement par lactulose. 

 

La courbe de poids normale du 1ermois est la suivante : perte de poids de 7 à 8 % sur les 2 ou 3 premiers jours, reprise pondérale obtenue au maximum au 10èmejour. Ensuite, la prise de poids attendue est de 30 grammes par jour. Une prise de poids insuffisante peut exceptionnellement s’expliquer par des pertes excessives, digestives ou urinaires (syndrome de « perte de sel »). Mais le plus souvent, il s’agit d’une carence d’apport. Chez l’enfant nourri au biberon, le calcul des apports appropriés peut faire appel à la règle d’Apert : poids (en grammes) divisé par 10 + 150 ± 100 ml. Chez l’enfant nourri au sein, le lait a toujours des qualités nutritionnelles satisfaisantes, mais peut être en quantité insuffisante. Les urines et les selles sont rares. Dans cette circonstance, beaucoup d’enfants se mettent en « économie d’énergie », avec peu d’éveils pour les tétées.  Cette insuffisance de lait est presque toujours secondaire, lié à une conduite inadéquate de l’allaitement. Le nouveau-né doit en effet profiter d’un accès au sein non restreint en fréquence et en durée. Les deux seins doivent être proposés à l’éveil, tant que l’enfant tète efficacement, avec une bonne position. La prise en charge d’une insuffisance secondaire de lait combine l’optimisation du temps de tétée efficace (tétées plus fréquentes, en bonne position, avec éventuellement une hyperalternance), éventuellement l’utilisation d’un tire-lait, et un apport supplémentaire de lait à l’enfant (lait maternel tiré si possible, sinon lait artificiel).

 

 

La révélation de cardiopathies congénitales

 

En raison du caractère progressif de l’adaptation cardio-pulmonaire, les cardiopathies congénitales peuvent se révéler au-delà du séjour en maternité. C’est cette éventualité qui sous-tend la recommandation HAS d’une consultation auprès d’un médecin entre le 6èmeet le 10èmejour de vie. Les modes de révélation peuvent être la découverte d’un souffle cardiaque, l’abolition des pouls fémoraux, ou une situation évocatrice d’insuffisance cardiaque. L’insuffisance cardiaque du nourrisson est évoquée devant une dyspnée à l’effort, donc aux repas. L’examen physique peut retrouver une polypnée (FR > 60 cycles / minute), une tachycardie (FC > 180 bpm au repos) avec un bruit degalop, une hépatomégalie et éventuellement des râles crépitants. Une telle situation nécessite d’adresser l’enfant aux urgences pédiatriques. Il en est de même pour l’abolition des pouls fémoraux, premier signe d’une coarctation de l’aorte. Ce signe, même isolé, impose une échographie cardiaque urgente. Enfin, le souffle cardiaque nécessitera aussi une telle échographie, mais l’urgence est différée en l’absence de signes d’insuffisance cardiaque et si les pouls fémoraux sont perçus.

 

 

Les pathologies infectieuses

 

La période néonatale se caractérise par le risque d’infection bactérienne transmise au moment de l’accouchement, et la relative rareté des infections virales. Le carnet de santé mentionne la nécessité d’une consultation rapide en cas d’hyperthermie > 38°C chez un enfant de moins de 3 mois. Chez l’enfant de moins de 6 semaines, il est recommandé d’adresser l’enfant aux urgences hospitalières. Une enquête paraclinique à la recherche d’une infection bactérienne nécessitant une antibiothérapie par voie IV sera menée : bilan inflammatoire, hémoculture, ECBU (même si la bandelette urinaire est normale), voire ponction lombaire qui est très facilement voire systématiquement réalisée. Une surveillance clinique sera également indiquée. Des règles de décision clinique ont été développées pour repérer les enfants à bas risque d’infection bactérienne sévère. On peut notamment citer les critères de Rochester, qui comprennent des données d’anamnèse, des données d’examen clinique, et les résultats d’une NFS.

 

Parmi les pathologies virales, les rhinites sont fréquentes. Comme la respiration du nouveau-né est exclusivement nasale en dehors des pleurs, le retentissement peut être important : difficultés respiratoires, diminution des prises alimentaires. La prise en charge hospitalière est parfois nécessaire. En période hivernale, l’évolution peut se faire vers une bronchiolite. On constate alors une polypnée avec des signes de lutte. A cet âge, l’auscultation retrouve principalement des râles crépitants, possiblement associés à un frein expiratoire ou des sibilants. Le traitement est uniquement symptomatique : assurer l’oxygénation et les apports hydriques. Compte tenu du risque d’apnées, qui est sans lien avec l’intensité de la détresse respiratoire, la conférence de consensus de 2000 recommande l’hospitalisation de tous les nourrissons de moins de 6 semaines, et des prématurés de moins de 34 SA ayant moins de 3 mois d’âge corrigé.