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Les démences (types, dépistage)

 

Tout n’est pas Alzheimer Dépistez et Différenciez Mais surtout !!! Facilitez un diagnostic précoce

(Rôle et place du Médecin Généraliste)

 

Docteur Patrick FOURNIER

Service de Gériatrie CH LENS - Réseau EOLLIS Phalempin

 

            Le vieillissement de la population française est inéluctable.

En 2010, 23% des Français auront plus de 60 ans, ils seront 35% en 2050, plus d’un tiers de la population française.

En 2010, 9% des Français auront plus de 75 ans, ils seront 18% en 2050, soit 2 fois plus.

En 2010, 2,5% des Français auront plus de 85 ans, ils seront 7,5% en 2050 soit 3 fois plus.

En 2010, environ 20 000 centenaires en France qui seront 160 000 en 2050 soit 8 fois plus.

 

            La population française vieillit mieux et on constate une nette amélioration du vieillissement en bonne santé. Par contre, le déclin cognitif et les démences augmentent avec l’âge. La prévalence est de 6,4% pour les plus de 65 ans, 13% pour les plus de 75 ans et près de 40% pour les plus de 90 ans. Les femmes sont plus touchées après 75 ans.

Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sont de plus en plus confrontées en cette évolution.

 

            A ce jour, d’après les données de l’étude PAQUID, on estime à 900 000 le nombre de personnes atteintes d’une démence en France dont 700 000 Alzheimer.

Pour la région Nord Pas de Calais, 50 000 déments dont 37 000 Alzheimer.

L’incidence étant de 200 000 déments en France dont 150 000 Alzheimer et pour le Nord Pas de Calais de 10 000 déments dont 8000 Alzheimer.

 

            On estime aujourd’hui que statistiquement, chaque médecin généraliste a 15 patients déments dans sa clientèle avec une incidence de 4 nouveaux cas par an.

Intérêt du diagnostic précoce

 

Parmi les 10 objectifs du plan Alzheimer 2004 –2007, figue en première ligne :

-          reconnaître la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées

-          faciliter le diagnostic précoce afin de ralentir l’évolution de la maladie et de freiner les complications

 

Malheureusement, il faut encore plusieurs mois de délai pour obtenir un rendez-vous dans une consultation spécialisée auprès d’un Neurologue, d’un Gériatre ou d’un Psychiatre…

 

            La prise en charge du patient présentant une démence d’Alzheimer ou maladie apparentée, relève à la fois de traitement médicamenteux mais aussi non médicamenteux. C’est une prise en charge globale intégrant après la phase diagnostic, le suivi et les adaptations thérapeutiques, l’évitement curatif des traitements iatrogènes, l’accompagnement des aidants et la mise en place d’un plan d’aide.

S’il n’y  a pas aujourd’hui de traitement, il est clairement prouvé que le traitement ralenti l’évolution et freine l’apparition des troubles psycho-comportementaux associés. Il est évident qu’il faut aussi développer toutes les formes de soutien aux aidants : accueil de jour, groupe de parole, hébergement temporaire, auxiliaires de vie formées, etc…

 

NE PAS TOUT METTRE SUR LE COMPTE DE L’AGE ET SAVOIR TRAITER MEME A UN AGE AVANCE

 

            Toutes les études mettent en évidence un déclin des performances cognitives avec l’avancée en âge. Celui ci est hétérogène, tant au niveau des différentes fonctions cognitives qu’entre les individus,  ce qui rend parfois difficile la distinction entre le « normal » et le « pathologique ».

 

            Nos ressources cognitives sont largement influencées par notre niveau d’éducation et notre vie professionnelle qui nous amène à constituer un stock cognitif. De même avec l’avancé en âgé, on note une élévation de la fréquence d’un grand nombre de pathologies chroniques qui peuvent retentir sur le fonctionnement cognitif (presbyacousie, dépression, perte d’autonomie)

Il est donc beaucoup plus difficile avec l’avancée en âge de repérer le déclin cognitif et on a vite tendance à incriminer l’âge. C’est pour cette raison que les patients les moins diagnostiqués sont les plus de 80 ans. Or, avec l’évolution de l’espérance de vie et avec l’intérêt des thérapeutiques qui peuvent reculer l’aggravation du déclin cognitif et des complications comportementales, il faut diagnostiquer et traiter même à un âge très avancé.

 

 

Les critères donnés par le DSM IV pour le diagnostic de démence d’Alzheimer sont les suivants :

-          troubles de la mémoire

-          baisse objectivée d’une ou plusieurs autres fonctions cognitives (phasie, praxie, gnosies, jugement)

-          absence de trouble de la vigilance

-          retentissement des performances cognitives sur la vie quotidienne

 

 

Il nous faut donc connaître les principaux aspects cliniques du vieillissement cognitif normal :

-          temps de réaction plus lent

-          apprentissage plus difficile (difficulté d’organisation, d’assimilation, de motivation, de concentration)

-          résolution de problèmes et créativité (difficulté stratégie nouvelle, pensée plus concrète, rigidité, baisse de créativité)

-          la mémoire a long terme épisodique est maintenue

-          la mémoire à court terme est plus fragile (intelligence fluide)

-          la mémoire visuelle est moins performante

-          la mémoire de travail est un peu altérée

-          le vocabulaire et le raisonnement verbal sont maintenues (intelligence cristalline)

-          les connaissances acquises sont maintenues (mémoire sémantique)

QUEL DIAGNOTIC DIFFERENTIEL EVENTUELLEMENT CURABLE ?

 

            L’intrication avec les pathologies psychiques vieillissantes est difficile, les psychoses vieillissantes et chronicisées, la schizophrénie. La dépression peut prendre un masque de ralentissement mais peut aussi être un signe annonciateur par une modification comportementale.

 

 

Certaines pathologies sont curables et peuvent apparaître avec un masque démentiel : les atteintes mécaniques, hématome sous dural chronique, hydrocéphalie à pression normale, tumeur…les atteintes toxiques iatrogènes (neuroleptiques, anticholinergique, alcoolisme, monoxyde de carbone), les atteintes carentielles (Vit B, B6, folates), les atteintes métaboliques (dysthyroïdie, dysparathyroïdie, encéphalopathie hépatique, hypoglycémie, troubles hydroélectrolytiques), les atteintes infectieuses (syphilis, sida, Creutzfield Jacob, etc …)

 

 

 

 

 

Tout n’est pas Alzheimer !!!

 

            Avec l’évolution de la recherche, on tend aujourd’hui à individualiser des formes de démence très différentes de la maladie d’Alzheimer tant sur le plan anatomopathologique que sur les retombées thérapeutiques. Certaines sont relativement fréquentes, d’autres beaucoup plus rares et relèvent de centres très spécialisés pour en assurer le diagnostic qui est souvent difficile. C’est l’objectif de CMRR (Centre Mémoire de Ressources et de Recherches). Nous envisageons d’en citer les principales. Il est sûr néanmoins que de nombreuses pistes sont ouvertes à la recherche et permettront à terme de différencier les traitements en fonction des neuro-médiateurs concernés.

Il faut donc rester prudent et avoir recours à un centre spécialisé si nécessaire. La médiatisation de la maladie d’Alzheimer est telle aujourd’hui que tout trouble cognitif peut être pris pour une maladie d’Alzheimer. Le diagnostic repose toujours sur un trépied incontournable, l’interrogatoire qui reste le temps capital pour comprendre le mode d’apparition des troubles et leur évolution, l’imagerie et les tests neuro-psychologiques.

 

            La démence vasculaire est une entité qui est bien connue puisqu’elle apparaît de façon brutale après un accident vasculaire cérébral confirmé par l’imagerie et avec une organisation fluctuante en marche d’escalier.

Contexte et signes évocateurs : des facteur de risque vasculaire, des antécédents d’accident vasculaire cérébral, des signes neurologiques de localisation, des lésions à l’IRM.

 

 

            Les démences mixtes : maladie d’Alzheimer à composante cérébro-vasculaire. Elles pourraient concerner entre 20 et 30% des démences.

Contexte et signes évocateurs : aggravation brutale de l’état cognitif chez un patient Alzheimer, caractère fluctuant des troubles cognitifs, apparition de symptômes ou de signes neurologiques focaux, survenue de troubles de l’humeur, de la marche, de chute, de troubles vésico-sphinctériens, de la parole et de la déglutition.

 

 

            La démence à corps de Lewy : c’est une entité relativement fréquente et qu’il faut connaître. Elle correspond à environ 10% des démences pour les plus de 65 ans.

Contexte et signes évocateurs : le caractère fluctuant des troubles cognitifs associé à des hallucinations et parfois complété par un syndrome extra-pyramidal s’accompagnant de chutes doit y faire penser.

Il existe une intolérance aux neuroleptiques. Sur le plan neuropathologique, les corps de Lewy sont des inclusions neuronales intra-cytoplasmique éosinophiles qu’on retrouve au niveau cortical et sous cortical. Fréquemment ces inclusions s’associent  aux plaques amyloïdes et aux dégénérescences neuro-filaillaires de la maladie d’Alzheimer. Au niveau des tests neuropsychologiques, les troubles de la mémoire sont plus sensibles à l’indicage, les déficits explorant les fonctions exécutives, l’attention et les capacités visuo-spatiales sont au premier plan.

 

 

            Les démences fronto-temporales comportementales : c’est la troisième cause de démence dégénérative après la maladie d’Alzheimer et la démence à Corps de Lewy. Elle est en général de début plus précoce vers 60-65 ans et a été souvent confondue avec une pathologie psychiatrique. On peut néanmoins la rencontrer chez des sujets plus âgés, 70 voir 80 ans. Elle se caractérise par une absence d’anomalie cholinergique mais atteinte serotoninergique et glutamatergique.

Contexte et signes évocateurs : les troubles du comportement sont au premier plan avec un trouble précoce des convenances sociales, un trouble précoce du contrôle de soi et des émotions. On note un début insidieux, une évolution progressive avec désintérêt précoce. On va donc avoir une désinhibition verbale et comportementale avec connotation sexuelle, hyperphagie, appétence pour l’alcool, recherche de contacts sociaux, indifférence affective le plus souvent, négligence physique, désintérêt social. Les troubles cognitifs sont très discrets en phase de début, ils concernent principalement le langage et les fonctions exécutives.  On note une absence d’apraxie et d’agnosie. Les troubles de mémoire concernent le rappel libre.

C’est la maladie la plus difficile à vivre pour l’entourage familial.

 

 

La démence parkinsonienne : c’est la 4ème cause de démence. La prévalence de la démence dans la maladie de Parkinson est de 20 à 40% dans l’évolution de la maladie.

Contexte et signes évocateurs : les facteurs prédictifs d’une évolution démentielle dans la maladie de Parkinson sont les suivants : début tardif après l’âge de 70 ans plus que durée d’évolution, troubles moteurs axiaux, syndrome akinéto hypertonique symétrique et sans tremblement, accès confusionnels et hallucinations plus visuelles qu’auditives. Enfin, les troubles exécutifs prédominant sur les troubles de la mémoire.

 

 

            Les autres démences fronto-temporales :

                        L’aphasie progressive primaire de Mésulan : détérioration progressive et isolée du langage pendant au moins deux ans avec préservation de l’autonomie et de la conscience des troubles. Les troubles du langage apparaissent de façon insidieuse avec manque du mot, difficultés à dénommer un objet ou à comprendre les mots. Une acalculie et une apraxie idéo-motrice peuvent être présentes de même qu’une agraphie. Le tableau peut évoluer vers une démence fronto-temporale ou une maladie d’Alzheimer.

 

 

                        La démence sémantique : la mémoire sémantique est un système mnésique impliqué dans l’acquisition, la rétention et le rappel des connaissances générales sur le monde. Elle est la mémoire des mots, des idées, des concepts, acquise sans référence à l’histoire personnelle du sujet.  Seul le champ sémantique est altéré pendant au moins deux ans. Sur le plan anatomique, elle correspond à une atteinte préférentielle du lobe temporal antéro-externe avec évolution vers l’ensemble du lobe temporal et frontal avec apparition secondaire de troubles du comportement.

 

 

                        La dégénérescence cortico-basale : elle est caractérisée par un syndrome extra-pyramidal et cortical fronto-pariétal progressif et asymétrique. Il est non sensible à la lévodopa. On note une dystonie du membre supérieur, un phénomène de la main étrangère, un tremblement postural avec myoclonies, apraxie et des troubles sensitifs pariétaux. Le pronostic est mauvais avec bilatéralisation des signes.

 

 

                        La paralysie supra-nucléaire progressive de Steele Richardson Olszewski : elle est évoquée devant quatre grands éléments, l’ophtalmoplégie supra-nucléaire, le syndrome parkinsonien akinéto-rigide et l’instabilité posturale, le syndrome pseudo bulbaire, la détérioration intellectuelle.

 

 

 

            Le Mild Cognitive Impairment MCI : état transitoire entre le vieillissement physiologique et la maladie d’Alzheimer, il associe cinq critères :

-          des plaintes de mémoire d’un sujet, confirmées par l’entourage

-          la conservation de l’autonomie dans la vie quotidienne

-          l’absence de critères de démence

-          un déficit mnésique objectivé par un test de mémoire verbale

-          un fonctionnement cognitif normal en dehors des difficultés liées aux troubles de la mémoire

La prévalence est de 17% dans une population âgée de plus de 70 ans. Ce n’est pas une forme légère de maladie d’Alzheimer mais 12 à 15% par an évoluent vers une maladie d’Alzheimer.

 

ROLE ET PLACE DU MEDECIN GENERALISTE

           

            Devant la complexité des tableaux cliniques notamment pour les formes rares, le médecin traitant doit avoir un rôle de repérage des anomalies premières, penser au diagnostic différentiel, savoir prendre en compte la plainte mnésique et avoir un rôle de dépistage systématique pour les plus de 75 ans compte tenu de la prévalence à cet âge.

 

            Prendre en compte la plainte mnésique :

 

 

-          interrogatoire du patient et de l’entourage pour connaître l’évolution des troubles

-          analyser le retentissement sur la vie quotidienne IADL

-          réaliser au moins un test psychométrique (MMS, Horloge, 5 mots)

-          modifier le traitement si association potentiellement iatrogène

 

 

 

En cas de troubles cognitifs, poursuivre par :

 

 

-          un bilan sanguin (NF, iono, glycémie, calcémie, TSH, folates)

-          une imagerie cérébrale (IRM à défaut scanner avec coupe hippocampique)

-          un adressage vers un Neurologue, Gériatre ou Consultation de la mémoire

 

 

 

Faire un dépistage systématique chez les personnes âgées de plus de 75 ans :

 

 

-          avec test psychométrique (MMS, horloge, 5 mots)

-          avec un IADL (médicaments, transport, finance, téléphone)

 

 

 

Prendre en compte les modifications de l’humeur :

 

 

-          l’agressivité, l’opposition comme le désintérêt et l’apathie, des signes annonciateurs !

 

 

 

I.                   Penser aux diagnostiques différentiels notamment pour les troubles d’apparition brutale

 

 

II.                Eviter de mettre trop vite les troubles sur le compte de l’âge

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE :

 

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