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Pathologies musculo-tendineuses chez le sportif



Dr Alain CAPPELAERE

 

 

Un tel titre pourrais aisément être celui d’un volumineux ouvrage consacré à la médecine du sport tant les études sont nombreuses, les réponses parfois contradictoires et l’empirisme persistant.

Un exemple ?

Prenons celui de « Ça fait du bien ? »

En 2007 une expertise collective a été réalisée par l’INSERM à la demande du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Son thème : Activité physique - Contextes et effets sur la santé

13 experts se sont associés pour colliger plus de 2000 articles.

Il en est résulté un texte de plus de 800 pages dont j’ai isolé quelques conclusions.

 

 « Les études épidémiologiques montrent que l’activité physique régulière diminue la mortalité »

 

« La pratique régulière d’activités physiques d’intensité modérée contribue au bien-être et à la qualité de vie »

 

« L’activité physique contribue à l’acquisition et au maintien du capital osseux mais pas dans n’importe quelles conditions »

 

« En protégeant les vaisseaux, l’activité physique contribue à la prévention des maladies cardiovasculaires »

 

« L’activité physique contribue au bon fonctionnement du cerveau »

 

« L’activité physique est la meilleure prévention des maladies cardiovasculaires et constitue un élément important de leur traitement »

 

« L’activité physique est un traitement à part entière de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) »

 

« La pratique régulière d’une activité physique et sportive permet de limiter le gain de poids et participe à son contrôle »

 

« L’activité physique réduit le risque de développer un cancer du sein et du côlon »

 

« L’activité physique, pratiquée de façon régulière, agit dans la prévention et le traitement des maladies ostéoarticulaires et dégénératives »

 

« L’activité physique et sportive est un facteur d’équilibre de la santé mentale »

 

L’analyse parait sans équivoque : ça fait du bien !

Mais l’honnêteté m’oblige à reconnaitre que ce rapport comporte une autre conclusion….

 

« L’activité physique pratiquée de façon excessive augmente les risques de traumatismes »

 

C’est ce risque élevé de traumatisme musculaire et tendineux qui met à contribution le médecin, notamment le médecin du sport, et donc constitue le cœur de cet exposé.

Chaque pathologie peut bien sur être abordée de manière classique : anatomie, physiopathologie, épidémiologie, clinique, paraclinique, traitements, prévention, perspectives futures...Et pour la plupart des chapitres un ou plusieurs  points forts peuvent être mis en exergue.

 

La pathologie musculaire

Anatomie

Le muscle est « réparable » car il existe des cellules mononuclées précurseurs des myoblastes. La réparation varie notamment en fonction de la traction, indispensable pour obtenir une unité musculaire complète et fonctionnelle.

Physiopathologie

Le muscle est une structure composite associant tissu contractile et squelette rigide tendino-aponévrotique. Les jonctions tendino-musculaires et myo-aponévrotiques constituent les zones de faiblesse sièges de la majorité des lésions.

Mécanisme lésionnel

La survenue d’une lésion musculaire intrinsèque de type claquage nécessite un effort significatif (60% de la vitesse maximale ?) associant contraction brutale et étirement de vitesse et d’amplitude élevées, le plus souvent sur un muscle bi articulaire.

Facteurs de risque

Le plus grand facteur de risque de lésion musculaire est l’antécédent de lésion musculaire.

Epidémiologie

Les lésions musculaires intrinsèques sont rares chez l’enfant. La radiographie est donc indispensable pour éliminer un diagnostic d’arrachement de l’enthèse.

Interrogatoire

Il est important pour préciser la gravité de la lésion : intensité de l’effort, sensation de craquement ou de déchirure et surtout importance de l’impotence fonctionnelle immédiate et secondaire. Le sportif a –t’il pu poursuivre son activité ?

Examen clinique

Il faut connaitre son anatomie. Il n’y a théoriquement pas de lésion musculaire sans une triade douloureuse concordante : à la palpation, à la contraction isométrique et  à l’étirement passif.

Paraclinique

La radiographie n’a d’intérêt que chez l’enfant et l’adolescent.

L’échographie doit être pratiquée au 2ème ou 3ème jour pour le diagnostic lésionnel puis au 10ème jour  à la recherche d’un hématome ponctionnable.

L’IRM  est essentiellement indiquée pour les lésions difficilement analysées par l’échographie : ischio-jambiers, adducteurs…

Classification

Elle est indispensable pour planifier la prise en charge thérapeutique. La plus intéressante en pratique reste celle de JARVINEN : stade 1, 2 ou 3, soit  élongation, déchirure, rupture et/ou élongation.

Traitement

Il comporte 4 phases.

Le protocole RICE est primordial durant 3 jours : repos, cryothérapie, compression, élévation.

Ensuite, s’il existe un hématome collecté significatif, il doit être ponctionné.

La rééducation mécanique du muscle doit être précoce et progressive, le repos simple favorisant une cicatrisation anarchique, source de récidive.

La reprise sportive peut être autorisée, avec poursuite de la rééducation, lorsque les tests d’étirement et de contraction sont indolores.

 

Complications

Elles sont représentées essentiellement par la myosite ossifiante, la cicatrice fibreuse et le pseudo kyste. Elles sont sources de récidive et elles résultent généralement d’une prise en charge inadaptée : massages précoces et intempestifs, hématome négligé…

Prévention

L’arsenal préventif reste en grande partie empirique et les études bien conduites manquent. La pratique du stretching qui parait logique a ainsi été remise en cause …

 

La pathologie tendineuse

Anatomie

On distingue classiquement 3 régions anatomiques qui peuvent être le siège de lésions spécifiques motivant une prise en charge thérapeutique adaptée : le corps du tendon, l’enthèse et la gaine fibreuse ou synoviale, sources de tendinoses, enthèsopathies, péri tendinites et ténosynovites.

Physiopathologie

Les tendinopathies résultent généralement de l’interaction entre facteurs mécaniques micro traumatiques et facteurs dégénératifs liés au sujet lui-même. Selon son intensité l’activité physique peut améliorer ou dégrader les propriétés mécaniques du tendon. Le repos strict prolongé peut favoriser une altération des propriétés mécaniques du tendon et son atrophie.

Epidémiologie

Compte tenu des qualités du tendon chez l’enfant, les tendinopathies sont exceptionnelles et constituent un diagnostic d’élimination au profit des ostéodystrophies de croissance dont la prise en charge est totalement différente.

Interrogatoire

Une souffrance tendineuse apparue en l’absence de toute sollicitation concordante doit faire évoquer une étiologie inflammatoire ou métabolique ou iatrogène.

Examen clinique

Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une triade douloureuse significative lors d’un examen comparatif avec une symptomatologie concordante avec celle ressentie spontanément par le patient.

 

Paraclinique

Les radiographies standard et la biologie peuvent être nécessaires dans le cadre du diagnostic différentiel.

L’échographie et l’IRM n’ont pour l’instant  d’intérêt qu’en cas de doute diagnostic ou d’échec du traitement médical. Néanmoins l’échographie, grâce aux séquences doppler-énergie, devra favoriser une prise en charge plus dynamique par l’étude de la vascularisation.

Prévention

L’interrogatoire et le bilan clinique doivent dépister les facteurs favorisants, mauvaise diététique, erreurs techniques, défauts d’entrainement, foyers infectieux, troubles morpho-statiques sans oublier les pratiques dopantes.

Traitement 

Le repos doit être relatif sauf en cas d’inflammation nette de type ténosynovite crépitante.

Les AINS per os ont peu d’intérêt.

Les infiltrations sont contre indiquées en intra-tendineux, elles sont très efficaces en traitement des ténosynovites et bursites.

La physiothérapie reste très utilisée, notamment pour ces éventuels effets anti-inflammatoires même si les études bien menées positives font cruellement défaut. Ces dernières années la cryothérapie gazeuse et surtout les ondes de choc ont été plus particulièrement mises en lumière, à nouveau sans preuve d’efficacité véritablement significative.

La rééducation repose désormais sur le concept de « mécanisation » du tendon avec une modification de la néo vascularisation. Elle associe massages transverses profonds et travail excentrique, selon le protocole de STANISH. Cette rééducation doit toujours être progressive, adaptée aux réactions du patient, sans protocole stéréotypé. La participation du patient est indispensable sous forme d’exercices quotidiens, notamment d’étirements.

Le traitement chirurgical n’est que très rarement proposé après échec du traitement médical bien conduit, bien respecté par le patient et suffisamment prolongé.

La prise en charge des tendinopathies mécaniques reste néanmoins difficile, fastidieuse et souvent décevante pour le médecin et bien sur le sportif. Heureusement des perspectives s’offrent, qui semblent encourageantes mais nécessitent d’être validées, avec les injections de toxine botulinique, d’agents sclérosants et surtout de concentrés plaquettaires.

Conclusion

Quelle que soit la pathologie, musculaire, tendineuse ou autre, si elle concerne un sportif, il est nécessaire pour optimiser la prise en charge d’avoir à l’esprit cette question, soulevée dans le rapport de l’INSERM :

 « L’activité physique intensive peut-elle devenir une addiction ? »