• Accueil
  • L'éducation du patient insuffisant cardiaque

L'éducation du patient insuffisant cardiaque


 

Docteur Pascal DEGROOTE

Hôpital Cardiologique

Service de cardiologie C

Boulevard du Professeur Jules Leclercq

59037 Lille Cedex

 

L’éducation : Thérapeutique indispensable de l’insuffisance cardiaque

 

 

 

                L’insuffisance cardiaque est une pathologie sévère avec une morbi-mortalité élevée. Il existe deux grands types d’insuffisance cardiaque (IC): à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) altérée (FEVG < 45%) et à FEVG préservée.

                Le traitement de l’IC à FEVG altérée, ou IC de type systolique, est bien codifié. De nombreuses études ont démontré l’efficacité des thérapeutiques, avec diminution des symptômes, amélioration de la qualité de vie, réduction des hospitalisations, amélioration de la survie, stabilisation voire régression de la pathologie : diurétiques, bloqueurs de l’angiotensine II (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II ou inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II), bêtabloquants, bloqueurs de l’aldostérone, digoxine. A côté du traitement oral, on peut proposer à certains patients la pose d’un défibrillateur automatique implantable et/ou d’un stimulateur resynchronisateur.

                Le traitement de l’IC à FEVG préservée est, en revanche, beaucoup moins bien codifié. Aucune étude n’a pu démontrer l’efficacité d’une molécule. Le traitement visera à contrôler la rétention hydro-sodée et les facteurs déclenchant (élévation tensionnelle, poussée ischémique, trouble du rythme supra-ventriculaire, infection). Les diurétiques représentent le traitement de fond de ces patients permettant de bien contrôler l’état hydro-sodé.

                Mais à côté du traitement médical, indépendamment du type d’insuffisance cardiaque, plusieurs études ont démontré l’efficacité de l’éducation thérapeutique avec une diminution de morbi-mortalité. L’éducation des insuffisants cardiaques doit être considérée comme une thérapeutique indispensable dans leur prise en charge. Le processus éducatif est long et doit être répétée pour espérer obtenir des résultats significatifs.   

Le but de l’éducation thérapeutique est d’améliorer la prise en charge des patients souffrant d’insuffisance cardiaque en

                Améliorant la compréhension de la maladie

                Améliorant la connaissance des thérapeutiques

                L’importance du régime et des habitudes de vie

               

Le patient éduqué, gérera mieux sa pathologie, ses symptômes et son traitement et il pourra démasquer rapidement les signes d’aggravation permettant ainsi une prise en charge thérapeutique plus précoce.

                Cette démarche est longue et passe soit par un entretien individuel et/ou des séances de groupe. Elle est également répétitive pour que les informations soient bien intégrées par le patient. Il faut être à l’écoute du patient et s’adapter à ses niveaux de connaissance.

 

 

 

Les étapes de l’éducation thérapeutique

Ce processus se met en place par plusieurs étapes :

Première étape : le diagnostic éducatif pour mieux connaître son patient

                Evaluation de l’état physique

                Evaluation de l’état psychique

                Evaluation des conditions de vie

                Evaluation des connaissances de la pathologie par le patient

                Evaluation de la vie du patient en tant que malade : adaptation personnelle, familiale, sociale, professionnelle

                Appréciation du futur

 

Deuxième étape : l’établissement d’un contrat reprenant les objectifs de la démarche éducative. Les objectifs à atteindre doivent être simples : par exemple compréhension de la maladie, intégration des signaux d’alerte, connaissance des thérapeutiques.

 

Troisième étape : les séances éducatives : celles-ci peuvent être individuelles ou en groupe. Les séances individuelles permettent surtout d’établir un contact avec le patient, d’apprécier la demande du patient face aux séances éducatives. On peut utiliser la séance individuelle pour faire le diagnostic éducatif et établir le contrat.

Les séances de groupe sont plus intéressantes: elles permettent d’intégrer les expériences individuelles. Le partage du vécu, les échanges des informations entre patients, conjoints et soignants dynamisent la réunion, facilitant la participation des patients qui se rendent bien compte qu’ils ne sont pas seuls. La présence du conjoint ou d’un membre de la famille est importante: ainsi les proches se rendent mieux compte de la situation médicale du patient, comprennent mieux ses symptômes et assurent sa surveillance et le bon suivi du traitement. Mais les proches ne doivent pas se substituer au patient.

                Il est important dans ces séances d’insister sur les éléments essentiels de la pathologie pour une meilleure compréhension par l’auditoire de la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque, des traitements (action et importance de chaque molécule, effets secondaires qui permettra une meilleure adhérence). Ces problèmes doivent être abordés simplement avec l’aide de schémas clairs. Il faut insister surtout sur la surveillance des symptômes et le bon respect des règles hygiéno-diététiques.

                La surveillance des symptômes par le patient ou son entourage a bien entendu pour but de rechercher les signes précoces de décompensation. Les signes importants sont une majoration de la dyspnée pour un effort habituel, une fatigue excessive, l’apparition d’œdèmes, la baisse de la diurèse et une prise pondérale (de 2 kg en 2 jours par exemple). La pesée doit être systématique, tous les jours ou plusieurs fois par semaine en fonction de la gravité de l’insuffisance cardiaque, toujours dans les mêmes conditions (heure, balance, habillement). Le patient peut noter son poids à chaque fois et il doit contacter une équipe médicale en cas de prise pondérale. Il doit également essayer de comprendre pourquoi il a pris du poids (oubli d’un médicament, entorse au régime). Il doit être également vigilant en cas de fièvre, de troubles digestifs, d’infections broncho-pulmonaires et consulter rapidement.

                Le régime sans sel est fondamental et souvent mal expliqué au patient. Le traitement diurétique est inefficace sans régime sans sel bien conduit. Une entorse au régime sans sel peut être à l’origine d’une nouvelle décompensation. Il est donc fondamental que les patients comprennent l’importance du suivi du régime sans sel en sachant comment réaliser ce régime. Il ne faut surtout pas hésiter à leur dire que le régime est très difficile à suivre, car il l’est effectivement. En principe, il est conseillé de prendre moins de 4 gr de NaCl par jour, et moins de 2 gr dans les formes sévères. Un gramme de sel est présent dans 80 g de pain, une tranche de jambon, une part de fromage (40 gr), une saucisse, un croissant. Il faut également essayer de leur faire comprendre que le danger vient du sodium et pas que du sel. Ils pourront alors regarder la composition des préparations du commerce et se rendre compte que le sodium est présent partout. Il est difficile en consultation d’aborder tous les aspects du régime sans sel et il est nécessaire de s’aider, dans la mesure du possible, d’une diététicienne. En revanche, on peut en consultation régulièrement leur rappeler les règles simples :

                Pas de sel à table

                De préférence tout préparer : pas de plats (sucrés ou salés) du commerce

                Utiliser des épices pour donner du goût

Eviter les fruits de mer et les coquillages (y compris escargots), les fromages et dérivés, la charcuterie

                Lire les étiquettes

                Attention aux médicaments (effervescents, Kayexalate®..)

                Attention aux repas préparés par les institutions (personnes âgées)

 

                Il faut également faire attention à la quantité de boisson et instaurer une restriction hydrique en fonction de la sévérité de l’insuffisance cardiaque. L’alcool et le tabac doivent être proscrits. Enfin, il faut insister sur la nécessité quotidienne de réaliser une activité physique pour éviter le déconditionnement musculaire qui a un impact catastrophique sur les symptômes et sur le pronostic des patients.

 

Quatrième étape : le contrôle des connaissances : l’idéal serait de contrôler les connaissances des patients au terme des séances éducatives. La seule éducation efficace est l’éducation qui est retenue par l’éduqué. La non intégration des points essentiels est peut-être liée à une éducation inadaptée pour le patient. Il ne faut donc pas hésiter à reprendre certains points qui n’ont pas été retenus en les présentant de manière différente. Il faut également demander au patient s’il est satisfait par le programme d’éducation et si, selon lui, il a acquis les connaissances du contrat établi en début de séance.

 

En conclusion, l’éducation thérapeutique est fondamentale dans la prise en charge des maladies chroniques. L’idéal est de faire participer le patient à un programme éducatif spécifique avec des séances collectives. Il s’agit d’un processus long et répétitif. Dans l’impossibilité d’organiser une prise en charge spécifique, il ne faut pas hésiter, à chaque consultation, à apporter les informations fondamentales du programme d’éducation, de les rappeler régulièrement et de vérifier la bonne intégration de ces informations. L’insuffisance cardiaque est une maladie chronique incurable. Nous pouvons donc prendre tous les jours un peu de temps pour éduquer nos patients et ainsi mieux les traiter.