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Et si c'était les surrénales

INCIDENTALOME SURRENALIEN


Docteur Jean-Michel GILLOT


Par définition, il mesure plus de 1 cm et est le plus souvent unilatéral (90%). Découvert fortuitement lors d’un examen iconographique (tomodensitométrie ou IRM), l’incidentalome surrénalien est le plus souvent bénin (90%).

Néanmoins, il nécessite toujours un bilan biologique complémentaire.

Son traitement est chirurgical en cas de tumeur secrétante (adénome sécrétant), de phéochromocytome ou de carcinome primitif (corticosurrénalome).

 

Etiologies

Adénome corticosurrénalien non secrétant (71%), adénome cortisolique pauci-sécrétant (7.9%), phéochromocytome (5.6%), un carcinome primitif surrénalien (4.4%), métastases (2.1%), adénome de Conn (1.2%) et dans 8% d’autres lésions (kyste, hémorragie, myélolipome…).

Les néoplasies qui métastasent aux surrénales : lymphome, mélanome, cancer bronchique ou du sein et à moindre degré le cancer du rein, des ovaires et du colon.

 

Imagerie

C’est la tomodensitométrie qui est l’examen de référence.

L’échographie peut dépister une tumeur surrénalienne > 4 cm

Trois étiologies sont facilement identifiables : le kyste, le myélolipome et l’hémorragie.

La technique utilisée (tomodensitométrie abdominopelvienne sans et avec injection) doit différencier l’adénome bénin du carcinome, du phéochromocytome et de la métastase.

Trois critères sont déterminants :

-        La taille

-        La densité spontanée (avant injection)

-        La variation de densité après injection (rehaussement tardif ou wash out)

a)La taille

Probabilité de lésion maligne de 25% pour une taille > 6 cm, 6% pour une taille comprise entre 4 et 6 cm et 2% pour une taille < 4 cm.

b)La densité spontanée

< 10UH à bénignité quasi certaine (les adénomes sont riches en lipides).

c)La variation de densité après injection

L’étude du rehaussement tardif est utile pour les adénomes dont la densité initiale est > 10 UH (30 à 50%). Adénome : wash out > 40%

NB : certains phéochromocytomes peuvent avoir une densité spontanée < 10UH et un rehaussement tardif comme un adénome !

L’IRM n’a pas de supériorité actuellement. Séquences T1, T2 et T1 in-phase et out-phase à séquence de déplacement chimique : si > 20% à adénome.

L’IRM est utile si le patient a une contre-indication à la tomodensitométrie (allergie à l’iode, insuffisance rénale…).

 

Scintigraphie

Elle n’est pas systématique.

A réaliser en cas de phéochromocytome (scintigraphie à la MIBG) : pas d’intérêt diagnostic mais permet de dépister des phéochromocytomes multiples, extra surrénaliens ou malins en pré opératoire. Utile également si phéochromocytome biologique et tomodensitométrie normale.

Scintigraphie à l’iodocholestérol : à réaliser après la tomodensitométrie pour des lésions entre 2 et 5 cm de nature indéterminée à la tomodensitométrie pour retenir le diagnostic de probable adénome corticotrope  infra clinique avec les données de la tomodensitométrie et des dosages hormonaux. L’adénome bénin fixe unilatéralement (du côté de la tumeur), le corticosurrénalome malin ne fixe que s’il est secrétant. Les métastases ne captent pas le traceur.

 

TEP-scan

En cas de cancer connu, la fixation surrénalienne au TEP-scan est évocatrice de métastases

 

Biologie

Quatre dosages à réaliser systématiquement :

-        catécholamines,

-        cortisol,

-        kaliémie,

-        glycémie.

Pour le phéochromocytome, doser les métanéphrines  plasmatique ou urinaires (normétanéphrine, métanéphrine, acide vanylmandélique). Ne pas doser la chromogranine A. Hyperglycémie possible.

Si la cortisolémie est normale, pour rechercher l’hypersécrétion de cortisol infra clinique, faire un test dynamique de freinage à la dexaméthasone rapide (1 mg) avec un seuil d’interprétation de la cortisolémie à 50 nmol/l . Si le taux est plus élevé, faire une deuxième série d’exploration : cortisolurie, cortisolémie et ACTH.

S’il existe une HTA et/ou une hypokaliémie, doser l’aldostérone et la rénine plasmatiques.

Hyperaldostéronémie : tomodensitométrie surrénalienne sans injection. Lésion unique : syndrome de Conn  chirurgie  si pas de lésion : hyperplasie bilatérale traitement par anti-aldostérone à vie

En cas d’incidentalome bilatéral, compléter le bilan avec réalisation d’un test de stimulation au Synacthène ordinaire (250 mg) sur la cortisolémie et la 17 hydroxyprogestrone ainsi qu’un dosage d’ACTH. Le but : dépister une insuffisance surrénalienne, rechercher un déficit enzymatique en 21 hydroxylase. Le dosage de l’ACTH vise à démontrer l’origine primaire du déficit surrénalien éventuel. En cas d’hyperplasie bilatérale des surrénales, le dosage de l’ACTH et de la cortisolémie permet d’apprécier le degré d’autonomie surrénalienne.

Les dosages d’androgènes (testostérone, DHA, SDHA) ne seront réalisés qu’en cas de suspicion de corticosurrénalome malin.

 

 

Biopsie

Place discutable car mauvais examen pour le carcinome  bon examen pour les métastases. A éviter formellement en cas de suspicion de phéochromocytome.

 

Récapitulatif étiologique

a)     Trois diagnostics faciles dès la tomodensitométrie sans injection :

*Kyste : bénin, lésion ronde, régulière, paroi fine (<3 mm), densité entre 0 et 20 UH, hypoT1, hyperT2, pas de prise de contraste, parfois calcifications pariétales ou fines cloisons

Piège : forme kystique de phéochromocytome ou de schwannome

*Myélolipome : bénin, contours réguliers, hétérogène, densité < -30 UH (scanner), hypersignal T1, calcifications dans 20%

*Hématome : post traumatique, spontané (anticoagulant, choc septique), ou lésion surrénalienne préexistante (métastase, kyste, myélolipome)  hyperdensité spontanée > 50 UH, hyperT1 et hyper T2 si < 3 semaines puis hypoT1 et hypoT2. Surveillance : disparition ou kystisation en quelques semaines, pas de prise de contraste

b) Trois diagnostics à éliminer formellement :

* Métastases : souvent bilatérales, > 4 cm (dépistable en échographie), irrégulière, lésion hétérogène (prise de contraste, nécrose centrale, remaniements hémorragiques). Il faut rechercher systématiquement une insuffisance surrénalienne test au Synacthène.

* Phéochromocytome : masse arrondie, contours + réguliers, > 4 cm, densité de type tissulaire au scanner, hypoT1 et hyperT2 (IRM), prise de contraste intense, nécrose centrale possible

* Corticosurrénalome : syndrome de Cushing clinique ou biologique, tumeur parfois bilatérale (5%). Masse > 4 cm, contours irréguliers, contenu hétérogène, prise de contraste sans lavage, métastases

c) En cas d’atteinte bilatérale :

* Hyperplasie : bilatérale, épaisseur de jambage > 5 mm, épaisseur de corps > 8 mm, bords convexes, nodulaire. Rechercher une HTA et une hypokaliémie. Traitement médical.

*Métastases

d) Le plus fréquent

* Adénome : soit non fonctionnel, soit secrétant (test de freinage à la dexaméthasone). Lésion ronde, homogène, régulière, < 3cm. Densité spontanée < 10UH (scanner) et wash out > 40%, chute de signal > 20% (IRM)

Cas particulier de l’adénome corticosurrénalien infraclinique

Il produit du cortisol :

-        insuffisamment pour entraîner un syndrome de Cushing clinique et biologique,

-        mais suffisamment pour freiner l’axe corticotrope et éteindre l’activité de la surrénale controlatérale (visualisé en scintigraphie).

Le cortisol libre urinaire ainsi n’est élevé que dans 15% et le taux d’ACTH plasmatique reste normal  l’ablation de la surrénale tumorale entraîne une insuffisance corticotrope.

Cet adénome corticosurrénalien infra clinique  est associé à une HTA (90%), une obésité (50%), une intolérance aux hydrates de carbone voire un diabète (40%) d’où un risque cardiovasculaire. Néanmoins, l’indication chirurgicale est loin d’être systématique alors que la correction des facteurs de risque cardiovasculaire est prônée.

 

 

 

Références bibliographiques :

1)     Exploration et prise en charge des incidentalomes surrénaliens. Consensus d’experts de la Société Française d’Endocrinologie. A . Tabarin et col, 2006, 1-34

2)     Conduites à tenir face à une anomalie surrénalienne. M. Ohana , V. Faucher, M.Y. Jeung, J. Charton, D. Charneau, C. Roy Journées Françaises de Radiologie 2011

 

 

 

Addendum au texte de l’incidentalome surrénalien.

Lors d’une corticothérapie prolongée (> 3 semaines), le risque d’insuffisance surrénalienne iatrogène est possible lors de la décroissance de la corticothérapie.

L’organisme humain produit 30 mg de cortisone chaque jour. Les corticoïdes les plus employés sont la prednisone et la prednisolone. Ces deux molécules sont quatre fois plus puissantes que la cortisone de base.

Lorsqu’un patient reçoit 8 mg de prednisone (ou prednisolone), ceci correspond à 8 x 4 = 32 mg d’équivalent cortisone  les besoins de l’organisme sont couverts.

Lorsque l’on baisse la corticothérapie de 1 mg, l’équivalence en cortisone n’est plus que de 7 x 4 = 28 mg d’équivalent cortisone. Il manque 2 mg que l’organisme doit produire. S’il ne le fait pas, une insuffisance surrénalienne basse va survenir : hypo TA, hypoglycémie et surtout hyponatrémie et hyperkaliémie.

L’insuffisance surrénalienne n’apparait qu’en dessous de 8 mg de prednisone ou prednisolone. En cas de suspicion, faire un test au Synacthène (étymologiquement « comme l’ACTH ») pour tester la réponse de la glande surrénale laissée pendant quelques mois au repos.