Les IST

Infections sexuellement transmissibles IST 

Formathon mars 2016

Dr Thomas HULEUX

Service Universitaire des Maladies Infectieuses CH DRON Tourcoing



Les infections sexuellement transmissibles sont en très nette recrudescence depuis les années 2000. Hormis l'infection à VIH qui est à déclaration obligatoire, celle des autres IST se fait de manière volontaire auprès de l’Institut de Veille Sanitaire.


Cette épidémie des IST est essentiellement due à un relâchement de la prévention, mais aussi à une mésinformation, et probablement à la dédramatisation de l’infection à VIH, en grande partie liée aux énormes progrès en matière thérapeutique antirétrovirale : on vit et on vieillit avec le VIH… mais encore faut-il se faire dépister vite!


Elle concerne :

  • La syphilis surtout chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) mais des femmes sont touchées également ce qui doit faire craindre un retour de cas de syphilis congénitale (sérologie obligatoire au cours de la grossesse).
  • Les rectites à Chlamydia dont les formes LGV (lymphogranlomatose vénérienne) en grande majorité chez les HSH
  • Mais également les infections génitales à chlamydia et gonocoque chez les jeunes hommes et femmes quelle que soit leur orientation sexuelle. L’arrivée de la PCR a permis d'ailleurs un dépistage plus large en mettant en évidence des formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques qui doivent être traitées.


Les infections herpétiques et à papillomavirus (HPV) restent les plus fréquentes. L’oncogénicité de certains types d'HPV explique une augmentation des cancers anaux chez les HSH en particulier dans la population infectée par le VIH. Elle explique également une augmentation de certains cancers ORL chez des sujets plus jeunes.


Concernant l’infection à VIH , les indications du dépistage se sont élargies. Le dépistage est notamment facilité par l’arrivée des TROD (dépistage « hors les murs ») et des AUTOTESTS. Les recommandations thérapeutiques sont désormais de traiter tôt pour un bénéfice individuel (limiter les conséquences à long terme de l’inflammation chronique due au virus) mais aussi collectif (en diminuant le risque de nouvelles contaminations). Enfin, l’utilisation du TRUVADA, bithérapie antirétrovirale utilisée dans l’arsenal thérapeutique des personnes vivant avec le VIH, est autorisée dans le cadre d’une ATU en prévention chez des personnes considérées à haut risque d’acquisition du VIH. Ils s’agit de stratégies combinées avec l’utilisation du préservatif évidemment qui permettrait une inversion de la courbe du nombre de nouvelles séropositivités VIH et un contrôle in fine de l’épidémie. Dans tous les cas, le mot d’ordre reste : dépister et dépister tôt pour traiter tôt et la médecine générale et ambulatoire a un important rôle à jouer ici! 



I- Principales Infections sexuellement transmissibles


1- HERPES (Herpes simplex 1 et 2):


Diagnostic :

Le plus souvent la clinique suffit

Sinon CULTURE sur prélèvement local (seule technique remboursée par sécurité sociale, la PCR ne l’étant pas)

PAS DE SEROLOGIE !

Traitement :

VALACICLOVIR (ZELITREX) 500 mg x 2/ j

> Primo infection: 10 jours

> Récurrence: 5 jours


Prophylaxie si au moins 6 épisodes/ an: 

VALACICLOVIR 500 mg/j, essayer sur minimum 6 mois, plutôt un an et évaluer réduction du nombre et de l’intensité des poussées.



2- SYPHILIS  (Treponema pallidum) :


Diagnostic :

Sérologies TPHA (ou ELISA) et VDRL quantitatif (attention aux sérologies négatives au stade primaire du chancre). 

Fond noir abandonné....  Futur = PCR sur prélèvement local?


Traitement :  PENICILLINE G = traitement de référence! pas de résistance


En raison de l’arrêt de fabrication récent de l’EXTENCILLINE, utilisation transitoire de Pénicilline retard d’importation (Italie) de délivrance en rétrocession  uniquement hospitalière = SYGMACILLINA 1,2 MUI X 2 (en deux sites différents en IM)

  • une seule fois si syphilis récente (= de moins de 1 an)
  • une fois par semaine durant 3 semaines si syphilis de plus d’un an ou de date indéterminée.

Si Allergie à la Pénicilline sans atteinte neurologique: DOXYCYCLINE 200mg/j –15j 

Chez la femme enceinte : aucune alternative Pénicilline G après désensibilisation



Si atteinte neurologique : PL + OPH (+/- ORL selon clinique)

PENICILLINE G IV  20 MUI (5MUI X 4) / jour – 15 jours


Dépister et Traiter SYSTÉMATIQUEMENT le(S) partenaire(S) des 2 mois qui précèdent


Surveillance :  VDRL quantitatif dans le même laboratoire (lecture subjective)


Avenir : PCR sur lésions , LCR 



3- LYMPHOGRANULOMATOSE VENERIENNE (LGV) ou Maladie de Nicolas et Favre (Chlamydia trachomatis sérovar L1 L2 L2a L3)


Actuellement il s’agit essentiellement de rectites touchant les HSH. Il existe aussi des rectites à Chlamydia non LGV moins symptomatiques (sérotype D à K)


Diagnostic :

PCR chlamydia anale par autoprélèvement

(sérologie Chlamydia très positive = seule indication dans les infections profondes)


Traitement :

DOXYCYCLINE  100 mg x 2/j 21 jours

Ou ERYTHROMYCINE 500mg x 4/j   21 jours


Dépister et traiter le(s) partenaire(s) des 2 mois qui précèdent


Surveillance : Contrôle PCR > 6 semaines après taritement



4- GONOCOCCIE non compliquée (Nesseiria gonorrheae) : urétrite, épididymite, cervicite, anorectite, atteinte pharyngée


Diagnostic

Examen direct + culture avec ANTIBIOGRAMME

Arrivée progressive de la PCR duplex pour le dépistage, voire triplex (non encore à la nomenclature)


Traitement

CEFTRIAXONE 500mg  IM ou IV DU (toujours associé au traitement anti-Chlamydia)

Si allergie : SPECTINOMYCINE 2gr IM sauf formes pharyngées (et s’il reste encore un stock disponible quelque part!)

AZITHROMYCINE haute dose unique de 2gr (mais mauvaise tolérance et risque de résistance)

GENTAMYCINE 240gr IM (mais mauvaise diffusion pharyngée)

CIPROFLOXACINE 500mg PO (mais risque de résistance)

Bref: appelez-nous !


Dépister et traiter systématiquement le(s) partenaire(s) 



5- CHLAMYDIA non compliqué (Chlamydia trachomatis sérovar D à K) : urétrite, épididymite, cervicite, atteinte pharyngée


Diagnostic :

PCR - 1er jet d’urines chez l’homme, 

- autoprélèvement vaginal, 

- autoprélèvement anal si rapports anaux 

- pharyngé


Traitement

Urétrite, cervicite, atteinte pharyngée : AZITHROMYCINE 1g p os DU

Ou DOXYCYCLINE 200 mg X 2/j , 7j


Epididimyte : DOXYCYCLINE 100 mg X 2/j , 10j

Anorectite non LGV DOCYCYCLINE  100 mgX2/j, 7j

Ou AZITHROMYCINE 1g P os DU


Dépister et traiter systématiquement le(s) partenaire(s)  


Contrôle par PCR  > 6 semaines après le traitement



II - Approche syndromique = (faire) réaliser les prélèvements et traiter sans attendre les résultats


1 -CAT face à une ulcération génitale 


Herpès culture 

Syphilis VDRL + TPHA (ou ELISA)

VIH Sérologie VIH, PCR VIH (si doute pour une primoinfection)

Chlamydia PCR locale

Chancre mou ?  Donovanose?  LGV ?…  > contexte tropical


  • Traiter par SYGMACILLINA 1,2MUI X 2 devant toute ulcération génitale
  • +/- ZELITREX 500MG X 2 /j pendant 5 j (récurrence) ou 10 j (primoinfection) si diagnostic évocateur d'une lésion herpétique



2 - CAT face à une urétrite :

Chlamydia trachomatis

Nesseiria gonorrheae  

Mycoplasma genitalium 

Trichomonas vaginalis


  • PCR  Chlamydia, et selon disponibilité des laboratoires, PCR duplex chlamydia/gono, voire triplex Chlamydia/Gono/Mycoplasma genitalium
  • Culture Mycoplasma genitalium en 2ème intention


  • Traitement de première intention = 
  • CEFTRIAXONE 500MG IM/IV + AZITHROMYCINE 1g 
  • car on traite toujours simultanément gonocoque et chlamydia 
  • Si échec, après avoir éliminé une nouvelle contamination : AZITHROMYCINE J1 : 500mg, J2 à J4 : 250mg /j  (pour Mycoplasma genitalium) + METRONIDAZOLE 2G DU (pour Trichomonas vaginalis)
  • Surveillance contrôle clinique à J7, attendre > 6 semaines après traitement pour la PCR de contrôle


3 – CAT face à une cervicovaginite :


Suspecter les mêmes agents que pour les urétrites :

  • même traitement, 
  • associer des ovules imidazolés pour éviter le développement d’une candidose sous traitement
  • les prélèvements de routine PCR se feront par auto-prélèvement vaginal pour Chlamydia trachomatis et Nesseiria gonorrheae (plus sensible que prélèvement d’urines).
  • Mais s’il y a un doute pour une gonococcie, (faire) réaliser un prélèvement de l’endocol (frottis et culture gono) 



Les vulvovaginites  ne sont généralement PAS des IST, mais en lien avec un déséquilibre de la flore vaginale  :

  • candidose (Candida albicans)
  • vaginose bactérienne (anaérobies, Gardenerella vaginalis…)


4 – CAT à une orchiépididymite


Si suspicion d’ IST forte et/ou si < 35 ans 

DOXYCYCLINE 100mg x 2/j , 10 j  + CEFTRIAXONE 500MG IM OU IV


5 - CAT face à une anorectite


Chlamydia     > PCR anus, (+urines, gorge + sérologie)

Herpès > culture (PCR non encore remboursée)

Syphilis > TPHA VDRL 

Gono > direct + culture (4 sites) (voire PCR si disponible)

Condylomes > examen proctologique

VIH > sérologie (PCR si suspicion de primoinfection)

giardia  > parasito selles (méthode de Baerman)

salmo, shig > copro selles


  • Traiter 

si ulcération : Syphilis et herpès

si pas d’ulcération : LGV et gonocoque



Dans tous les cas devant une IST ou suspicion d’IST


  • dépister « sous la forme d’un package »: sérologies VIH, syphilis, hépatite B (sauf si déjà vacciné avant les prises de risques), hépatite C, PCR Chlamydia urines ou auto-prélèvement vaginal, rechercher condylomes à l‘examen anogénital et buccal, FCV…


  • dépister et traiter le/la/les partenaires


  • contrôles sérologiques (et PCR locales si positives), 6 semaines après le risque et attention au phase de seroconversion !


  • vaccinations préventives (hépatites B, A, HPV)