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Transidentité : accompagnement par le médecin
Transidentité : accompagnement par le médecin
Dr Bertrand RIFF
Mme Cyane DASSONNEVILLE formatrice sur les transidentités, accompagnatrice des parcours d'affirmation de genre et personne concernée.
Retour d’expérience sur plus de 10 ans
De la rencontre entre des professionnels de santé et une association LGBTQI+
Le lieu dont nous souhaitons relater l’expérience est un lieu de soins, d’enseignement et de recherche reconnu depuis peu Pôle de Santé Pluriprofessionnelle Universitaire. Il a pour but premier la promotion de la santé dans une approche globale et assure le même accès aux soins et à la recherche du bien-être à chacun.e, quelles que soient ses origines géographiques, sociales, culturelles, son âge, son genre ou ses orientations sexuelles. C’est un cadre non psychiatrisé, un cadre créatif, souple et fluide qui s’appuie sur un trépied : accompagner le désordre, apaiser la souffrance psychique « ordinaire » et être des passeurs de cheminement.
En 2009, face à l’arrivée d’un nombre croissant de personnes trans, le Centre LGBTQI+ de notre secteur s’est tourné vers nous, professionnels de santé dont l’engagement auprès des populations Lesbien-Gay-Bi-Trans-Intersexe+ (LGBTQI+) remonte aux années noires du sida. Des personnes, principalement des femmes trans venaient frapper à la porte du Centre en grande souffrance psychique voire en situation de risque médical par absence d’accompagnement de leur transition ou à cause d’un accompagnement jugé inadapté. A l’époque, les réponses provenait de lieux dédiés hospitalo-centrés en quête de diagnostic, en particulier psychiatrique [1], approche alors dominante. Des parcours contraignants et linéaires y étaient proposés suite à une hétéro-détermination faite par les soignant.e.s [2]. Toutefois, dans un état des lieux de la situation en France, la Haute Autorité de Santé (HAS) proposait que soient structurés des parcours de soins autour d’équipes de référence multidisciplinaires travaillant en réseau avec les professionnels de santé de proximité [3].
Il nous est apparu comme une évidence de chercher à apporter une réponse en considérant les personnes en variation de genre inscrites dans une réalité sociale qui amène une demande d'accompagnement médical. Notre posture est de considérer chacun.e, professionnel.le et patient.e comme dépositaire d’une expertise. La rencontre, le débat, l’écoute et le partage de ces expertises individuelles et collectives construisent une pratique éthique du soin et de la santé.
Les éléments socles de notre «protocole» d’accompagnement
C’est ainsi que peu à peu, nous avons établi un « protocole » d’accompagnement à la transition rigoureux qui aborde tous les items qui nous ont semblé importants pour un cheminement qui tient compte de la personne dans sa globalité. La première version de 2014/2015 a évolué au regard des données de la science, de l’expérience des praticien.ne.s et du parcours des personnes en transition. Notre «protocole» s’entend comme étant flexible, modifiable, perfectible et adaptable en fonction des lieux et des projets et désirs de la personne. Ce regard et la mise en place de cet accompagnement était innovant et se déroulait en parallèle d’une réflexion internationale, notamment de la WPATH (World Professional Association for Transgender Health et l’écriture de la CIM 11 (Classification Internationnale des Maladies) dont la 11° version a été approuvée par l’Assemblée de l’OMS en mai 2019 [4,5].
Il repose en premier lieu sur l’autodétermination de genre par la personne et de ce qui fait évidence pour elle en considérant son vécu. Parfois il y a d’emblée une évidence d’appartenance de genre pour la personne. D’autres fois, il y a des interrogations, des doutes, les choses sont plus confuses. Il s’agit alors d’aider à «s’y retrouver avec soi-même». Depuis quand se pose-t-elle des questions, depuis quand a-t-elle mis des mots, depuis quand l'idée de transition est-elle là ? Il peut s’agir de ressentis de «bizarreries», de non concordances avec les attentes parentales ou sociales du genre assigné. Il peut y avoir eu des tentatives de se conformer au genre assigné puisque le corps le dit et que la société le demande. Il peut y avoir eu des tentatives d’expériences de vie dans le genre ressenti, parfois minimes, parfois répétées, à l’adolescence ou plus tard.
Il est question de considérer que le centre de gravité de l’accompagnement est l’auto-détermination des personnes et non l’hétéro-détermination des soignant.e.s, conformément aux préconisations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de la HAS [6-9] et de la Charte française des droits des patient.e.s (charte de la personne hospitalisée, https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F748).
Les évaluations médico psycho sociales préalables
Il est nécessaire d’examiner la faisabilité du projet dans le respect de la citoyenneté et de l’autonomie de la personne. Pour cela, une démarche évaluative multidimensionnelle est menée:
- Évaluation médicale
L’évaluation de la faisabilité de la part du médecin, c’est l’évaluation des problèmes de santé et maladies qui contre-indiqueraient la prise d’hormones, les contre-indications absolues des hormones sexuelles étant assez rares. Par ailleurs, avant la mise en route de la transition hormonale, il est nécessaire de connaître les attentes ainsi que le niveau d’information de la personne, notamment concernant les changements physiques liés à la prise d’hormones.
Il nous est aussi apparu important d’aborder la fertilité, avant la mise en route du traitement, et ce d’autant que nous rencontrons des personnes de plus en plus jeunes. Aussi nous proposons une consultation d’information au CECOS (Centre Conservation des Œufs et du Sperme), tout en considérant que la préservation ou la non préservation des gamètes n’est pas un frein à la mise en place du Traitement Hormonal de Substitution (THS).
L’examen peut aussi faire apparaître des problèmes somatiques méconnus et/ou non pris en compte par la personne qui peuvent nécessiter la mise en route d’une prise en charge préalable.
Une évaluation du risque suicidaire est également menée, en raison de la souffrance occasionnée par la non reconnaissance et/ou par des attitudes transphobes de rejet [12,13].
- Evaluation des vulnérabilités psychologiques.
Dans de nombreuses publications, il est question de dysphorie de genre, qui peut se comprendre comme une souffrance en rapport avec une discordance d’appartenance de genre. Ainsi avoir des règles et être un homme ou avoir des érections et être une femme peuvent être source de dysphorie. Certains en font de cette souffrance psychique une condition de la transition [14]. La souffrance psychique directement liée au genre n’est cependant pas systématique. Il peut y avoir d’autres sources de « va mal », comme des relations conflictuelles avec les parents, l’isolement et le rejet social par défaut d’inclusivité de la société [15]. Il est aussi possible que la personne concernée présente un trouble de la personnalité. Aborder autant que possible tous les fondements de ce mal être ressenti permet de remettre en bonne place le besoin d’accompagnement psychiatrique [16].
- Évaluation des vulnérabilités sociales
Il est important de connaître à quelle étape de la transition sociale se trouve la personne notamment vis-à-vis du coming out (annonce volontaire). L’âge et la situation de la personne qui a fait ou qui compte faire son coming out ainsi que les réactions de l’environnement sont des facteurs importants de la réussite ou des difficultés d’une transition. Il est nécessaire d’explorer les vécus de coming out, les obstacles rencontrés, la violence subie, les accueils bienveillants. Il est aussi nécessaire d’informer et d’anticiper le risque de la visibilité de la transidentité: des personnes supposées soutenantes se révèlent transphobes, au sein de la famille, à l’école, sur le lieu de travail, dans les commerces, les administrations, voire dans le milieu médical.
Pour entamer une transition, il est important de connaitre les conditions matérielles de vie car la précarisation par la perte d’emploi, de logement, l’arrêt d’étude etc, est un risque pour les personnes trans. Nous pouvons proposer d’effectuer une demande d’ALD (Affection Longue Durée), afin de bénéficier d’une facilité d’accès aux soins concernant la transition. Avant 2015, l’ALD demandée ne pouvait entrer que dans le cadre ALD 23 (affections psychiatriques) ce qui avait des effets stigmatisants. Depuis 2015, il s’agit d’une ALD 31 (hors liste). Outre la prise en charge des frais médicaux liés à la transition, l’ALD peut donner accès à un statut juridique et social qui peut ouvrir des droits, par exemple l’Allocation Adulte Handicapé.
La communauté peut être un soutien très fort pour les minorités, notamment sexuelles et de genre et il est important de faire ce lien entre les personnes et les associations de soutien.
Lors de cette première phase, notre objectif n’est nullement de faire peur et de décourager mais de présenter les différentes conséquences possibles pour éviter illusions et déceptions, d’engager le processus de suivi sur un consentement éclairé et de construire le cheminement de façon réaliste et efficace.
Un accompagnement global et pluriprofessionnel à la transition hormonale
A l’issue ou en même temps que ces étapes préalables, nous engageons la transition hormonale. Sur un plan médical, la substitution peut se faire de façon plus ou moins rapide en fonction des besoins de la personne par rapport à sa projection sur les modifications attendues pour elle-même et son entourage familial et social.
Un bilan initial est effectué comprenant le recueil des antécédents personnels et familiaux, un examen clinique et un bilan biologique pré-THS. Celui-ci permet un point sur les hormones de départ et sur les éléments de surveillance d’effets indésirables des traitements. Par la suite, un suivi de la transition est effectué par une consultation médicale et un bilan biologique [20] tous les trois mois la première année, durée le plus souvent nécessaire pour obtenir une stabilité́ puis tous les six mois. Il s’agit également d’évaluer la satisfaction de la personne dans tous les domaines de sa vie, les changements physiques, émotifs, relationnels et les modifications biologiques afin d’adapter les posologies si besoin [21].
A la mise en place de la transition, nous explorons de nombreux domaines de manière à mieux anticiper les besoins de la personne. Il en va des préférences sexuelles, de manière à envisager le cas échéant une contraception, d’anticiper des posologies, de mettre au point des astuces de confort, par exemple pour les hommes trans souhaitant avoir des relations sexuelles avec leur vagin ou les femmes trans avec leur pénis, d’aborder des conseils «safe sex» (Sexe à moindre risque) en partenariat avec les associations de pairs.
Nous abordons également la question du «passing» qui se réfère à la capacité d'une personne, si elle le souhaite, à être considérée, en un seul coup d’œil, au genre auquel elle s’identifie dans son ressenti. Cela implique des indices physiques et des comportements genrés, ainsi que de la confiance en soi. Ces trois caractéristiques nécessitent du temps. Le passing peut être problématique s'il ne s'accompagne pas d'un changement d'état civil. Il est à noter que le passing n’est pas souhaité par la totalité́ des personnes trans, selon leur rapport à leur identité́ et à leur expression de genre ainsi qu’aux codes sociaux associés à ces dernières. Pour la majorité des personnes trans, l’aspect psychologique de bien être que procure un passing satisfaisant n’en demeure pas moins un précieux indicateur de la qualité́ de la transition.
Il est important de mobiliser des professionnels paramédicaux, par exemple des orthophonistes. La voix est un marqueur fort de notre reconnaissance par autrui et peut être vécue comme un véritable handicap à la socialisation. La voix fait partie de l’identité de chacun.e. Pour les hommes trans, la testostérone va provoquer une mue qui modifie la voix de façon systématique et évidente. Pour les femmes, la raucité de la voix ne sera pas ou très peu modifiée par les hormones féminines. L’objectif du travail orthophonique n’est pas de se conformer à des normes vocales attendues. Il s’agit de rechercher l’identité vocale, celle dans laquelle cette femme a envie d’être entendue, où elle est à l’aise, en sécurité pour retrouver ou trouver le plaisir de communiquer. Il s’agit d’un travail important, lourd et engageant pour la personne. La gageure est d’utiliser cette voix travaillée.
Le corps, sa posture globale, ses mouvements, sa gestuelle sont aussi ce qui nous inscrit dans la société. Il faut quitter un corps parfois détesté pour une image de soi à s’inventer. Cela nécessite souvent une aide kinésithérapeutique. Il s’agit parfois au début d’un désir de «normalisation» pour correspondre aux stéréotypes de genre. Mais ensuite la représentation du corps et l’image de soi changent, il devient possible de se trouver une identité personnelle. Le travail musculaire peut être important en raison de douleurs musculo-squelettiques, de raideur musculaire, de modifications souhaitées de la musculature. Il y a aussi le travail post opératoire cicatriciel des mammectomies pour les hommes ou des rééducation périnéale pour les femmes ayant souhaitée une vaginoplastie.
Les soins infirmiers sont nécessaires dans plusieurs circonstances. C’est le cas pour les injections de testostérone pour les hommes. Cependant, nous proposons l’autonomie en mettant en place un apprentissage à l’auto injection, au rythme de la personne, et en respectant le fait qu’elle peut ne pas souhaiter faire cet apprentissage. Il y a les soins post opératoires à assurer comme les suivis de pansements de mammectomies par exemple.
Dans cet accompagnement pluri professionnel, chacun.e a une place pour écouter, entendre, remettre du réel et aider à faire émerger l’identité. La place des suivis par les professionnel.le.s para médicaux est importante en raison de la fréquence des rencontres dans des temps rapprochés.
En outre, il peut y avoir besoin d’une écoute, d’un soutien en fonction des difficultés rencontrées, des remises en cause, des doutes. Parfois une aide psychothérapeutique sera utile sans pour autant avoir besoin d’un suivi psychiatrique systématique. Longtemps, la transition était subordonnée à des évaluations psychiatriques préalables dans une quête de diagnostic. Depuis quelques années, le recours au champ de la santé mentale est libéré de cette fonction. Le suivi psychiatrique peut ainsi être davantage perçu par les personnes trans comme une possibilité d’accompagnement non stigmatisant et défini selon les besoins et demandes de la personne, au même titre que tout.e citoyen.ne.
Comme nous l’avons évoqué dans l’évaluation des vulnérabilités, il peut exister des difficultés préexistantes à la transition ou émergeant avec la transition même si nous essayons de les limiter. Parfois, il faut accompagner à la vie dans l’entreprise, l’école, l’université, le lieu de vie, parfois il s’agit d’envisager une réorientation professionnelle, des formations adaptées. Les personnes trans doivent faire face à des difficultés administratives. Cela peut nécessiter des interventions pédagogiques auprès des institutions scolaires, universitaires ou de formation, des mairies, des agences Pôle-emploi, de foyers d’hébergement…Cela peut être une aide pour établir un changement de prénom ou d’état civil. La situation s’est bien améliorée en la matière depuis la fin des années 2000 car les démarches deviennent plus simples, moins longues et moins maltraitantes.
De plus, il nous a semblé important de tenir compte des proches, parents, fratrie, compagne, compagnon, enfants car il leur faut aussi faire un cheminement transitionnel. Nous avons mis en place des rencontres entre parents ou partenaires de personnes trans au sein de groupes de paroles ou bien en individuel, afin d’explorer leurs difficultés, leurs craintes, leurs colères, leurs tristesses. Pour ces soutiens psychologiques individuels, familiaux, de groupes et pour ces interventions «pédagogiques», nous avons obtenu des subventions des collectivités locales (conseil départemental, mairie), ce qui permet de proposer ces accompagnements par des thérapeutes et travailleurs.euses sociaux.ales trans. Nous travaillons aussi en partenariat avec les associations d’usager.e.s actif.ve.s [22].
Conclusion
La prévalence de la transidentité a longtemps été sous-estimée, elle émanait de services dédiés le plus souvent psychiatriques et hospitaliers. Le calcul se faisait en ne prenant en compte que les personnes ayant fait une transition «totale» avec réassignation chirurgicale de sexe. Cette approche est loin de la réalité [25] et ces lieux dédiés se trouvent débordés.
Notre démarche s’inscrivait dès le début dans une volonté d’ancrer le parcours de transition dans une médecine de premier recours c’est-à-dire dans un accès aux soins de proximité. Nous tentons de co-construire cet accompagnement hors de la «toute-puissance» médicale, avec les associations d’usagers qui travaillent à la visibilité́ trans et nous permettent de nous interroger sur nos pratiques, de les faire évoluer [26].
Depuis 2010, nous avons reçu 645 personnes majeures trans, et sur une année nous avons reçu au moins deux fois 309 personnes trans. Notre expérience de plus de dix ans d’accompagnement des transitions de femmes et d’hommes dans ce cadre montre la faisabilité des transitions en soins de premiers recours s’inscrivant dans le système français de soins et de support médicosocial [27].
Nous avons créé une communauté de pratiques santé trans réunissant des soignants de premier recours accompagnant les transitions de plusieurs lieux en France. Nous hébergeons le CUT (Comité d’Usagers Trans) qui intervient comme tout comité́ d’usagers au sein de l’ARS (Agence Régionale de la Santé)
Restent à améliorer les relations, de manière partenariale, avec les professionnel.le.s de spécialités d’organes comme les dermatologues, les chirurgiens, les endocrinologues pour un accompagnement dans le cadre de l’ALD. L’accompagnement des mineur.e.s n’est qu’à son début et reste à améliorer voire inventer. Un gros travail auprès des institutions reste nécessaire, même si des initiatives sont prises en certains lieux [28].
En termes de problématiques de recherche, des travaux sur les soins de premiers recours des personnes trans sont à développer [29], afin de mieux connaitre la réalité de terrain du plus grand nombre [30]. Le champ à étudier est vaste sur l’efficience de ces accompagnements et notamment sur le suivi au long court, la satisfaction des personnes elles-mêmes, l’évaluation du bien-être, l’amélioration ou non de troubles dysphoriques s’ils existaient, l’effet des THS au long (émergence ou la prévention de pathologies tels cancers) [31].
Bibliographie
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7- HAS. Démarche centrée sur le patient : information, conseil, éducation thérapeutique, suivi
Outil d'amélioration des pratiques professionnelles. 2015
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trans people in Ontario: Implications for social work and social justice / La suicidabilité parmi les personnes trans en Ontario : Implications en travail social et en justice sociale. Service social, 59(1), 35–62
13- Meyer IH. Prejudice, Social Stress, and Mental Health in Lesbian, Gay, and Bisexual Populations: Conceptual Issues and Research Evidence. Psychol Bull. sept 2003;129(5):674‑97
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Endocrine Practice, Elsevier: 2016; (22:383-38
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22- De la Cheneliere M. De patient à chercheur: parcours d'empowerment autour de la transidentité. Inf Psychiatr n.d.2019;(10 :817-823)
23- Alessandrin A, La notion de regret dans la clinique du changement de genre L'Évolution Psychiatrique, Elsevier; 2019 (277-284)
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KreukelsMartin den Heijer, MD, PhD The Amsterdam Cohort of Gender Dysphoria Study (1972–2015): Trends in Prevalence, Treatment, and Regrets Th Journal of Sexual Medicine February 17, 2018
25- Qi Zhang, Goodman M, Adams N, Corneil T, Hashemi L,
Baudewijntje Kreukels, Joz Motmans, Rachel Snyder, Coleman E, Epidemiological considerations in transgender health: A systematic review with focus on higher quality data, International Journal of Transgender Health, 2020
26- Bazantay T, Messaadi N. Représentations sociales de la médecine générale chez les personnes transgenres, Thèse de médecine pour le diplôme d’état en médecine 2020
27- Fitère H, Messaadi N. Une description de l’état de santé et des traitements de transition des personnes transgenres majeures suivies à la Maison Médicale Moulins à Lille
Thèse de médecine pour le diplôme d’état en médecine 2020
28- Direction Générale des Finances Publiques Lutte contre l’homophobie et la transphophie, La transidentité et l’insertion professionnelle : conseils pratiques à l’attention du chef de service et du service DRH Mai 2019
29- Baleige A, de la Chenelière M, Dassonneville C, Martin MJ, Suite à la CIM-11, Rebuilding mental health care for transgender persons - Leads from field experimentations in Lille, France in its current form for publication in Transgender Health 2021
30- Cadwallader1 JS, Le Breton J, Lorenzo1 A, Lebeau JP, Pouchain D, Le carré de White et Green et la loi d’inverse opportunité exercer 2020;164:261-5
31- Scime S, Inégalités des soins aux personnes transgenres atteintes du cancer : Recommandations en faveur de changements Can Oncol Nurs J 2019 Apr 1;29(2)
De la rencontre entre des professionnels de santé et une association LGBTQI+
Le lieu dont nous souhaitons relater l’expérience est un lieu de soins, d’enseignement et de recherche reconnu depuis peu Pôle de Santé Pluriprofessionnelle Universitaire. Il a pour but premier la promotion de la santé dans une approche globale et assure le même accès aux soins et à la recherche du bien-être à chacun.e, quelles que soient ses origines géographiques, sociales, culturelles, son âge, son genre ou ses orientations sexuelles. C’est un cadre non psychiatrisé, un cadre créatif, souple et fluide qui s’appuie sur un trépied : accompagner le désordre, apaiser la souffrance psychique « ordinaire » et être des passeurs de cheminement.
En 2009, face à l’arrivée d’un nombre croissant de personnes trans, le Centre LGBTQI+ de notre secteur s’est tourné vers nous, professionnels de santé dont l’engagement auprès des populations Lesbien-Gay-Bi-Trans-Intersexe+ (LGBTQI+) remonte aux années noires du sida. Des personnes, principalement des femmes trans venaient frapper à la porte du Centre en grande souffrance psychique voire en situation de risque médical par absence d’accompagnement de leur transition ou à cause d’un accompagnement jugé inadapté. A l’époque, les réponses provenait de lieux dédiés hospitalo-centrés en quête de diagnostic, en particulier psychiatrique [1], approche alors dominante. Des parcours contraignants et linéaires y étaient proposés suite à une hétéro-détermination faite par les soignant.e.s [2]. Toutefois, dans un état des lieux de la situation en France, la Haute Autorité de Santé (HAS) proposait que soient structurés des parcours de soins autour d’équipes de référence multidisciplinaires travaillant en réseau avec les professionnels de santé de proximité [3].
Il nous est apparu comme une évidence de chercher à apporter une réponse en considérant les personnes en variation de genre inscrites dans une réalité sociale qui amène une demande d'accompagnement médical. Notre posture est de considérer chacun.e, professionnel.le et patient.e comme dépositaire d’une expertise. La rencontre, le débat, l’écoute et le partage de ces expertises individuelles et collectives construisent une pratique éthique du soin et de la santé.
Les éléments socles de notre «protocole» d’accompagnement
C’est ainsi que peu à peu, nous avons établi un « protocole » d’accompagnement à la transition rigoureux qui aborde tous les items qui nous ont semblé importants pour un cheminement qui tient compte de la personne dans sa globalité. La première version de 2014/2015 a évolué au regard des données de la science, de l’expérience des praticien.ne.s et du parcours des personnes en transition. Notre «protocole» s’entend comme étant flexible, modifiable, perfectible et adaptable en fonction des lieux et des projets et désirs de la personne. Ce regard et la mise en place de cet accompagnement était innovant et se déroulait en parallèle d’une réflexion internationale, notamment de la WPATH (World Professional Association for Transgender Health et l’écriture de la CIM 11 (Classification Internationnale des Maladies) dont la 11° version a été approuvée par l’Assemblée de l’OMS en mai 2019 [4,5].
Il repose en premier lieu sur l’autodétermination de genre par la personne et de ce qui fait évidence pour elle en considérant son vécu. Parfois il y a d’emblée une évidence d’appartenance de genre pour la personne. D’autres fois, il y a des interrogations, des doutes, les choses sont plus confuses. Il s’agit alors d’aider à «s’y retrouver avec soi-même». Depuis quand se pose-t-elle des questions, depuis quand a-t-elle mis des mots, depuis quand l'idée de transition est-elle là ? Il peut s’agir de ressentis de «bizarreries», de non concordances avec les attentes parentales ou sociales du genre assigné. Il peut y avoir eu des tentatives de se conformer au genre assigné puisque le corps le dit et que la société le demande. Il peut y avoir eu des tentatives d’expériences de vie dans le genre ressenti, parfois minimes, parfois répétées, à l’adolescence ou plus tard.
Il est question de considérer que le centre de gravité de l’accompagnement est l’auto-détermination des personnes et non l’hétéro-détermination des soignant.e.s, conformément aux préconisations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de la HAS [6-9] et de la Charte française des droits des patient.e.s (charte de la personne hospitalisée, https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F748).
Les évaluations médico psycho sociales préalables
Il est nécessaire d’examiner la faisabilité du projet dans le respect de la citoyenneté et de l’autonomie de la personne. Pour cela, une démarche évaluative multidimensionnelle est menée:
- Évaluation médicale
L’évaluation de la faisabilité de la part du médecin, c’est l’évaluation des problèmes de santé et maladies qui contre-indiqueraient la prise d’hormones, les contre-indications absolues des hormones sexuelles étant assez rares. Par ailleurs, avant la mise en route de la transition hormonale, il est nécessaire de connaître les attentes ainsi que le niveau d’information de la personne, notamment concernant les changements physiques liés à la prise d’hormones.
Il nous est aussi apparu important d’aborder la fertilité, avant la mise en route du traitement, et ce d’autant que nous rencontrons des personnes de plus en plus jeunes. Aussi nous proposons une consultation d’information au CECOS (Centre Conservation des Œufs et du Sperme), tout en considérant que la préservation ou la non préservation des gamètes n’est pas un frein à la mise en place du Traitement Hormonal de Substitution (THS).
L’examen peut aussi faire apparaître des problèmes somatiques méconnus et/ou non pris en compte par la personne qui peuvent nécessiter la mise en route d’une prise en charge préalable.
Une évaluation du risque suicidaire est également menée, en raison de la souffrance occasionnée par la non reconnaissance et/ou par des attitudes transphobes de rejet [12,13].
- Evaluation des vulnérabilités psychologiques.
Dans de nombreuses publications, il est question de dysphorie de genre, qui peut se comprendre comme une souffrance en rapport avec une discordance d’appartenance de genre. Ainsi avoir des règles et être un homme ou avoir des érections et être une femme peuvent être source de dysphorie. Certains en font de cette souffrance psychique une condition de la transition [14]. La souffrance psychique directement liée au genre n’est cependant pas systématique. Il peut y avoir d’autres sources de « va mal », comme des relations conflictuelles avec les parents, l’isolement et le rejet social par défaut d’inclusivité de la société [15]. Il est aussi possible que la personne concernée présente un trouble de la personnalité. Aborder autant que possible tous les fondements de ce mal être ressenti permet de remettre en bonne place le besoin d’accompagnement psychiatrique [16].
- Évaluation des vulnérabilités sociales
Il est important de connaître à quelle étape de la transition sociale se trouve la personne notamment vis-à-vis du coming out (annonce volontaire). L’âge et la situation de la personne qui a fait ou qui compte faire son coming out ainsi que les réactions de l’environnement sont des facteurs importants de la réussite ou des difficultés d’une transition. Il est nécessaire d’explorer les vécus de coming out, les obstacles rencontrés, la violence subie, les accueils bienveillants. Il est aussi nécessaire d’informer et d’anticiper le risque de la visibilité de la transidentité: des personnes supposées soutenantes se révèlent transphobes, au sein de la famille, à l’école, sur le lieu de travail, dans les commerces, les administrations, voire dans le milieu médical.
Pour entamer une transition, il est important de connaitre les conditions matérielles de vie car la précarisation par la perte d’emploi, de logement, l’arrêt d’étude etc, est un risque pour les personnes trans. Nous pouvons proposer d’effectuer une demande d’ALD (Affection Longue Durée), afin de bénéficier d’une facilité d’accès aux soins concernant la transition. Avant 2015, l’ALD demandée ne pouvait entrer que dans le cadre ALD 23 (affections psychiatriques) ce qui avait des effets stigmatisants. Depuis 2015, il s’agit d’une ALD 31 (hors liste). Outre la prise en charge des frais médicaux liés à la transition, l’ALD peut donner accès à un statut juridique et social qui peut ouvrir des droits, par exemple l’Allocation Adulte Handicapé.
La communauté peut être un soutien très fort pour les minorités, notamment sexuelles et de genre et il est important de faire ce lien entre les personnes et les associations de soutien.
Lors de cette première phase, notre objectif n’est nullement de faire peur et de décourager mais de présenter les différentes conséquences possibles pour éviter illusions et déceptions, d’engager le processus de suivi sur un consentement éclairé et de construire le cheminement de façon réaliste et efficace.
Un accompagnement global et pluriprofessionnel à la transition hormonale
A l’issue ou en même temps que ces étapes préalables, nous engageons la transition hormonale. Sur un plan médical, la substitution peut se faire de façon plus ou moins rapide en fonction des besoins de la personne par rapport à sa projection sur les modifications attendues pour elle-même et son entourage familial et social.
Un bilan initial est effectué comprenant le recueil des antécédents personnels et familiaux, un examen clinique et un bilan biologique pré-THS. Celui-ci permet un point sur les hormones de départ et sur les éléments de surveillance d’effets indésirables des traitements. Par la suite, un suivi de la transition est effectué par une consultation médicale et un bilan biologique [20] tous les trois mois la première année, durée le plus souvent nécessaire pour obtenir une stabilité́ puis tous les six mois. Il s’agit également d’évaluer la satisfaction de la personne dans tous les domaines de sa vie, les changements physiques, émotifs, relationnels et les modifications biologiques afin d’adapter les posologies si besoin [21].
A la mise en place de la transition, nous explorons de nombreux domaines de manière à mieux anticiper les besoins de la personne. Il en va des préférences sexuelles, de manière à envisager le cas échéant une contraception, d’anticiper des posologies, de mettre au point des astuces de confort, par exemple pour les hommes trans souhaitant avoir des relations sexuelles avec leur vagin ou les femmes trans avec leur pénis, d’aborder des conseils «safe sex» (Sexe à moindre risque) en partenariat avec les associations de pairs.
Nous abordons également la question du «passing» qui se réfère à la capacité d'une personne, si elle le souhaite, à être considérée, en un seul coup d’œil, au genre auquel elle s’identifie dans son ressenti. Cela implique des indices physiques et des comportements genrés, ainsi que de la confiance en soi. Ces trois caractéristiques nécessitent du temps. Le passing peut être problématique s'il ne s'accompagne pas d'un changement d'état civil. Il est à noter que le passing n’est pas souhaité par la totalité́ des personnes trans, selon leur rapport à leur identité́ et à leur expression de genre ainsi qu’aux codes sociaux associés à ces dernières. Pour la majorité des personnes trans, l’aspect psychologique de bien être que procure un passing satisfaisant n’en demeure pas moins un précieux indicateur de la qualité́ de la transition.
Il est important de mobiliser des professionnels paramédicaux, par exemple des orthophonistes. La voix est un marqueur fort de notre reconnaissance par autrui et peut être vécue comme un véritable handicap à la socialisation. La voix fait partie de l’identité de chacun.e. Pour les hommes trans, la testostérone va provoquer une mue qui modifie la voix de façon systématique et évidente. Pour les femmes, la raucité de la voix ne sera pas ou très peu modifiée par les hormones féminines. L’objectif du travail orthophonique n’est pas de se conformer à des normes vocales attendues. Il s’agit de rechercher l’identité vocale, celle dans laquelle cette femme a envie d’être entendue, où elle est à l’aise, en sécurité pour retrouver ou trouver le plaisir de communiquer. Il s’agit d’un travail important, lourd et engageant pour la personne. La gageure est d’utiliser cette voix travaillée.
Le corps, sa posture globale, ses mouvements, sa gestuelle sont aussi ce qui nous inscrit dans la société. Il faut quitter un corps parfois détesté pour une image de soi à s’inventer. Cela nécessite souvent une aide kinésithérapeutique. Il s’agit parfois au début d’un désir de «normalisation» pour correspondre aux stéréotypes de genre. Mais ensuite la représentation du corps et l’image de soi changent, il devient possible de se trouver une identité personnelle. Le travail musculaire peut être important en raison de douleurs musculo-squelettiques, de raideur musculaire, de modifications souhaitées de la musculature. Il y a aussi le travail post opératoire cicatriciel des mammectomies pour les hommes ou des rééducation périnéale pour les femmes ayant souhaitée une vaginoplastie.
Les soins infirmiers sont nécessaires dans plusieurs circonstances. C’est le cas pour les injections de testostérone pour les hommes. Cependant, nous proposons l’autonomie en mettant en place un apprentissage à l’auto injection, au rythme de la personne, et en respectant le fait qu’elle peut ne pas souhaiter faire cet apprentissage. Il y a les soins post opératoires à assurer comme les suivis de pansements de mammectomies par exemple.
Dans cet accompagnement pluri professionnel, chacun.e a une place pour écouter, entendre, remettre du réel et aider à faire émerger l’identité. La place des suivis par les professionnel.le.s para médicaux est importante en raison de la fréquence des rencontres dans des temps rapprochés.
En outre, il peut y avoir besoin d’une écoute, d’un soutien en fonction des difficultés rencontrées, des remises en cause, des doutes. Parfois une aide psychothérapeutique sera utile sans pour autant avoir besoin d’un suivi psychiatrique systématique. Longtemps, la transition était subordonnée à des évaluations psychiatriques préalables dans une quête de diagnostic. Depuis quelques années, le recours au champ de la santé mentale est libéré de cette fonction. Le suivi psychiatrique peut ainsi être davantage perçu par les personnes trans comme une possibilité d’accompagnement non stigmatisant et défini selon les besoins et demandes de la personne, au même titre que tout.e citoyen.ne.
Comme nous l’avons évoqué dans l’évaluation des vulnérabilités, il peut exister des difficultés préexistantes à la transition ou émergeant avec la transition même si nous essayons de les limiter. Parfois, il faut accompagner à la vie dans l’entreprise, l’école, l’université, le lieu de vie, parfois il s’agit d’envisager une réorientation professionnelle, des formations adaptées. Les personnes trans doivent faire face à des difficultés administratives. Cela peut nécessiter des interventions pédagogiques auprès des institutions scolaires, universitaires ou de formation, des mairies, des agences Pôle-emploi, de foyers d’hébergement…Cela peut être une aide pour établir un changement de prénom ou d’état civil. La situation s’est bien améliorée en la matière depuis la fin des années 2000 car les démarches deviennent plus simples, moins longues et moins maltraitantes.
De plus, il nous a semblé important de tenir compte des proches, parents, fratrie, compagne, compagnon, enfants car il leur faut aussi faire un cheminement transitionnel. Nous avons mis en place des rencontres entre parents ou partenaires de personnes trans au sein de groupes de paroles ou bien en individuel, afin d’explorer leurs difficultés, leurs craintes, leurs colères, leurs tristesses. Pour ces soutiens psychologiques individuels, familiaux, de groupes et pour ces interventions «pédagogiques», nous avons obtenu des subventions des collectivités locales (conseil départemental, mairie), ce qui permet de proposer ces accompagnements par des thérapeutes et travailleurs.euses sociaux.ales trans. Nous travaillons aussi en partenariat avec les associations d’usager.e.s actif.ve.s [22].
Conclusion
La prévalence de la transidentité a longtemps été sous-estimée, elle émanait de services dédiés le plus souvent psychiatriques et hospitaliers. Le calcul se faisait en ne prenant en compte que les personnes ayant fait une transition «totale» avec réassignation chirurgicale de sexe. Cette approche est loin de la réalité [25] et ces lieux dédiés se trouvent débordés.
Notre démarche s’inscrivait dès le début dans une volonté d’ancrer le parcours de transition dans une médecine de premier recours c’est-à-dire dans un accès aux soins de proximité. Nous tentons de co-construire cet accompagnement hors de la «toute-puissance» médicale, avec les associations d’usagers qui travaillent à la visibilité́ trans et nous permettent de nous interroger sur nos pratiques, de les faire évoluer [26].
Depuis 2010, nous avons reçu 645 personnes majeures trans, et sur une année nous avons reçu au moins deux fois 309 personnes trans. Notre expérience de plus de dix ans d’accompagnement des transitions de femmes et d’hommes dans ce cadre montre la faisabilité des transitions en soins de premiers recours s’inscrivant dans le système français de soins et de support médicosocial [27].
Nous avons créé une communauté de pratiques santé trans réunissant des soignants de premier recours accompagnant les transitions de plusieurs lieux en France. Nous hébergeons le CUT (Comité d’Usagers Trans) qui intervient comme tout comité́ d’usagers au sein de l’ARS (Agence Régionale de la Santé)
Restent à améliorer les relations, de manière partenariale, avec les professionnel.le.s de spécialités d’organes comme les dermatologues, les chirurgiens, les endocrinologues pour un accompagnement dans le cadre de l’ALD. L’accompagnement des mineur.e.s n’est qu’à son début et reste à améliorer voire inventer. Un gros travail auprès des institutions reste nécessaire, même si des initiatives sont prises en certains lieux [28].
En termes de problématiques de recherche, des travaux sur les soins de premiers recours des personnes trans sont à développer [29], afin de mieux connaitre la réalité de terrain du plus grand nombre [30]. Le champ à étudier est vaste sur l’efficience de ces accompagnements et notamment sur le suivi au long court, la satisfaction des personnes elles-mêmes, l’évaluation du bien-être, l’amélioration ou non de troubles dysphoriques s’ils existaient, l’effet des THS au long (émergence ou la prévention de pathologies tels cancers) [31].
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