Plus TÔT, moins CHER, plus de CHOIX !
Double et triple anti-coagulation/agrégation
Double et triple anti-coagulation/agrégation
Let it Bleed ?
Dr Nicolas DEBRY, cardiologue interventionnel
Hôpital privé de Villeneuve d’Ascq
Hôpital Privé le Bois Lille
Clinique Vauban Valenciennes
Gestion pratique des patients sous bi ou trithérapie antithrombotique en 2025
Messages à retenir
· On surestime toujours le risque ischémique et sous-estime le risque hémorragique !
o Durée idéale de trithérapie= 1 SEMAINE post angioplastie (prolongée à 1mois dans de rares cas)
· Quels traitements pour la trithérapie ?
o NE PAS UTILISER les nouveaux P2Y12 blockers, ni les AVK !
· Quels traitements pour la bithérapie au long cours ?
o Clopidogrel + AOD (apixaban = Eliquis)
· Toujours IPP faible dose
· Réévaluation à 6 mois ou 1 an en cas de Syndrome Cornarien Aigu (SCA) pour envisager l’arrêt du Clopidogrel
· Fermeture auricule si problème hémorragique
Rappel sur l’hémostase
L’hémostase comporte 3 étapes successives :
- L’hémostase primaire qui conduit à une agrégation plaquettaire (Clou plaquettaire)
- La coagulation (hémostase secondaire) avec la synthèse d’une protéine (la fibrine) qui permet la constitution d’un caillot et stoppe le saignement
- La fibrinolyse qui permet la destruction de la fibrine et donc la lyse du caillot suite à la réparation des tissus lésés.

Hémostase primaire – Antiagrégants plaquettaires

Les principaux acteurs de l’hémostase primaire sont les vaisseaux, les plaquettes et deux facteurs: le fibrinogène et le facteur von Willebrand (VWF), qui participent également à la coagulation.
Parmi les molécules d’adhésion qui jouent un rôle important sur la plaquette, il faut citer les glycoprotéines (GP) GPIb-IX-V qui se lient au facteur Willebrand présent au niveau du sous-endothélium et la GPIa-IIa qui se fixe au collagène également présent au niveau du vaisseau lésé. Le facteur Willebrand se lie également au collagène du sous-endothélium. Lorsque les plaquettes adhèrent au sous-endothélium par l’intermédiaire du VWF, la GP IIb-IIIa peut alors fixer le fibrinogène qui forme des ponts entre les plaquettes activées (agrégation). Le VWF peut également former un pont entre deux molécules de GP IIb-IIIa. En dehors de ces molécules d’adhésion présentent à la surface des plaquettes, des petits granules présents à l’intérieur de ces cellules vont également jouer un rôle important. En effet, lorsque les plaquettes adhèrent au vaisseau lésé, elles sont activées et libèrent dans la circulation le contenu de leurs granules ce qui va favoriser et entretenir leur agrégation. Des réactions biochimiques ont également lieu à l’intérieur des plaquettes activées, elles permettent la formation de molécules qui favorisent et stabilisent l’agrégation des plaquettes et donc le clou plaquettaire formé. Ces réactions permettent également aux plaquettes activées d’exposer à leur surface des phospholipides (PL) qui vont participer à la phase suivante: la coagulation
La coagulation

Elle fait intervenir 13 protéines ou facteurs de coagulation.
Certains sont fabriqués par le foie et libérés dans le sang (Fibrinogène, II, V,VII, IX, X,XI,XII) avec pour certains un besoin de vitamine K apportée par l’alimentation (légumes à feuilles vertes, tomates) et/ou synthétisée par la flore intestinale (produite par les bactéries).
Cascade de la coagulation

Lorsque le clou plaquettaire est formé sa structure doit être consolidée par les mailles d’un filet formé par la fibrine. Cette fibrine se forme lors de la coagulation plasmatique et provient de la transformation du fibrinogène en fibrine,
On observe rapidement une gélification du sang due à la transformation du fibrinogène soluble en fibrine insoluble. Cette transformation est la conséquence de l’action d’une enzyme : la thrombine. La thrombine (FIIa) ne peut circuler dans le sang sous sa forme enzymatique et existe donc sous une forme inactive la prothrombine (FII). Son activation résulte d’une série d’activation d’autres molécules enzymatiques (facteurs de la coagulation) qui elles aussi circulent dans le sang sous forme inactive.
La formation de la thrombine (thrombinoformation) est un phénomène explosif, la thrombine est capable d’amplifier la cascade de la coagulation et donc sa propre formation. De plus la thrombine active les plaquettes et favorise l’étape de l’hémostase primaire.
Évaluation du risque thrombotique (ischémique)
• Patient sous anticoagulant :
• Le risque thrombotique est élevé si : - FA avec ATCD embolique < 3 mois - CHA2DS2-VASc ≥5 ou CHADS2>4 - Valve mécanique aortique ou mitrale ou sténose mitrale modérée à sévère - EP ou TVP < 3 mois - thromboses idiopathiques récidivantes (≥2) - Syndrome d’anticorps antiphospholipides thrombotique - Déficit en AT, PC et PS - Événement thrombotique avec un cancer actif
• Patient sous antiplaquettaires :
• En principe, ne pas interrompre une bithérapie (aspirine + anti-P2Y12) dans les 6-12 mois suivant la pose d’un stent pour un syndrome coronarien aigu. Tout arrêt du traitement antiplaquettaire en prévention secondaire nécessite l’accord du cardiologue.
Arrêt des anticoagulants et risque embolique
Le risque embolique d’un arrêt d’anticoagulant de 24h dépend du score CHADSVASC mais est en moyenne d’environ 0,03% rapporté à un jour par an (score CHADSVASC).

FA et cardiopathie ischémique: Gestion de la trithérapie (FA)
La cardiopathie ischémique (CI) est l'une des principales conditions physiopathologiques qui favorisent l'apparition de la FA, ainsi c’est entre 10 et 25 % des patients qui développeront une cardiopathie ischémique dans le cadre du suivi. Cette interaction est complexe, en particulier en termes de stratégie anticoagulante et antiagrégante, et durant cette session des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie, l'impact d'un passage en fibrillation atriale chez un patient coronarien dilaté a été abordé.
Chez un patient ayant bénéficié d'une angioplastie avec stent, la première question à se poser est le délai entre le stenting et le passage en fibrillation atriale. Ainsi, selon les Recommandations récentes de la société Européenne de Cardiologie (Figure 1), si le délai est supérieur à 1 semaine après l’angioplastie, la prise en charge impose :
Une seconde situation est un passage en FA avec un délai après l'angioplastie > 12 mois : cette situation impose dans le cas général l'arrêt de tous les antiagrégants et la mise sous anticoagulant avec, là encore, plutôt un AOD. Mais, comme toujours, l'analyse complète du dossier du patient et surtout du haut risque ischémique est indispensable. En effet, en cas de haut risque ischémique et bas risque hémorragique, le maintien du Clopidogrel au long cours peut être proposé selon les recommandations de la société Européenne de Cardiologie.- l'arrêt de la bithérapie antiagrégante et la mise sous anticoagulants en privilégiant les AOD ;- un autre point majeur est l'arrêt du Ticagrélor ou du Prasugrel et la mise sous Clopidogrel seul en association avec l'AOD.

Recommandations de l’ESC 2025 sur l’utilisation des antiagrégants plaquettaires chez les patients en fibrillation atriale (AF).: ACS = infarctus du myocarde; CCS= angor stable et maladie coronaire chronique; PCI= angioplastie coronaire; TAT=trithérapie antithrombotique.
Selon les recommandations européennes actuelles [2]: une période initiale d'une semaine de trithérapie (TAT), suivie de 12 mois d'un inhibiteur de P2Y12, de préférence le clopidogrel, en association avec un anticoagulant direct (AOD) pour les patients atteints de FA et de SCA subissant une angioplastie non compliquée, à condition que le risque de thrombose soit faible et le risque de saignement élevé (classe de recommandation I, niveau de preuve A). Chez les patients où le risque ischémique l'emporte sur le risque de saignement, la trithérapie (TAT) peut être prolongé jusqu'à 1 mois (classe de recommandation IIa, niveau de preuve C). Pour les patients atteints de FA subissant une angioplastie élective, une stratégie d'une semaine de trithérapie, suivie de 6 mois de bithérapie (DAT) si le risque ischémique est faible (classe de recommandation I, niveau de preuve A). Si le risque de thrombose du stent dépasse le risque de saignement, la trithérapie peut être prolongée jusqu'à 1 mois [2]. Pour minimiser le risque de saignement et améliorer les résultats, le traitement antiplaquettaire ne doit pas être prolongé au-delà de 12 mois, quelle que soit la présentation clinique (classe de recommandation III, niveau de preuve B).
Gestion des antiagrégants et anticoagulants en chirurgie dentaire/stomatologie/ORL (Recommandations ESC 2022)



Gestion péri-opératoire des antiagrégants plaquettaires (AAP) Recommandations ESC 2022
• La CAT dépend d’une part du risque hémorragique selon la procédure – souvent défini de manière pragmatique selon la possibilité ou non de réaliser la procédure sous antiagrégants) et d’autre part du risque thrombotique du patient (selon l’indication et le type d’antiagrégant).
Classification du risque hémorragique
• Risque hémorragique majeur: Arrêter Clopidogrel, maintenir Aspirine seule éventuellement
– Certains actes d’urologie– La plupart des neurochirurgies intracrâniennes– Délabrement important ou grandes dissections– Certains actes de chirurgie hépatique ou thoracique
• Risque hémorragique intermédiaire: maintenir Aspirine seule– majorité des procédures invasives, incluant le pontage aorto-coronarien et les anesthésies locorégionales
• Cas particulier des anesthésies locorégionales (ALR)
– ALR rachidienne / périnerveuse : préférer si possible la rachianesthésie en ponction unique à la péridurale– Le recours au KT péridural / périnerveux expose à une gestion complexe des AAP, il ne doit pas compromettre leur reprise postopératoire
• Risque hémorragique faible: réalisables sous bithérapie antiplaquettaire
– Chirurgie de la cataracte– Certains actes de chirurgie buccodentaire (soins conservateurs, détartrage, avulsions dentaires simples)– Certains actes d’urologie (urétrocystoscopie)– Certains actes d’endoscopie digestive (CPRE sans sphinctérotomie, polypectomie colique < 1cm), d’endoscopie bronchique– Certains actes de chirurgie vasculaire
– Chirurgie cutanée
Quand interrompre et reprendre le traitement AAP ?
• La dernière prise de l’aspirine a lieu à J-3 du geste invasif, J-5 pour le clopidogrel et le ticagrelor, et J-7 pour le prasugrel (+ 2j si neurochirurgie intracrânienne)
• La reprise du (ou des 2) AAP a lieu au plus vite en post-opératoire, en fonction du risque hémorragique, dans les 24-72h pour les anti-P2Y12.
• Gestion péri-opératoire des anticoagulants:
L’arrêt des anticoagulants se discute selon la chirurgie et le risque thrombotique.
• Les gestes invasifs à risque hémorragique faible (= chirurgie mineure, ≈ situations à risque hémorragique faible des anti-agrégants0) sont possibles sous AVK avec INR entre 2 et 3, en l’absence de trouble associé de l’hémostase.
• Les gestes à risque hémorragique élevé (= chirurgie majeure) nécessitent un arrêt des AVK avec INR < 1,5. On distingue alors les situations à risque thrombo-embolique faible (FA sans ATCD embolique, maladie thrombo-embolique à risque modéré) gérées sans substitution par héparine, et les situations à risque thrombo-embolique élevé (valve mécanique, FA avec ATCD embolique, maladie thrombo-embolique à haut risque) qui imposent un relai héparinique.
• La gestion des AOD est calquée sur celle des AVK. Il est toutefois recommandé de les arrêter 24h avant un geste à faible risque hémorragique (où on n’arrête pas les AVK).
Gestion des antiagrégants et anticoagulants en rhumatologie (Anticoagulants and antiplatelets in interventional rheumatologie, BrunoFautrel et al, 2020)

Gestion des antiagrégants et anticoagulants en endoscopie (Recommandations ESGE) 2021
Les 5 points forts
1. Le niveau de risque hémorragique d’une procédure endoscopique est un élément déterminant de la prise de décision sur l’arrêt ou la poursuite d’un traitement anticoagulant ou anti-thrombotique.
2. Le risque cardio-vasculaire lié à l’interruption d’un traitement anticoagulant ou antiagrégant doit être connu et évalué.
3.Le patient doit être informé des risques, aussi bien hémorragiques que thrombotiques, ainsi que de la procédure à suivre en cas de survenue d’une complication retardée.
4. L’aspirine peut être poursuivie, quelle que soit la procédure, sauf en cas d’ampullectomie, et son arrêt en cas de prophylaxie secondaire doit être l’exception, même en cas de saignement.
5. Aucune procédure diagnostique (y compris avec biopsies) ou à faible risque hémorragique ne justifie l’arrêt d’un traitement antiagrégant ou anticoagulant, exception faite de la prise des anticoagulants directs le jour de l’intervention.
Risque hémorragique endoscopique et gestion des antiagrégants plaquettaires
Risque hémorragique endoscopique et gestion des antiagrégants plaquettaires



Risque hémorragique endoscopique et gestion des anticoagulants
En cas d’accident hémorragique sous Anticoagulants direct (AOD) ou AVK il faut systématiquement évoquer la Fermeture de l’auricule gauche:
• FERMETURE D’AURICULE GAUCHE
• FA non valvulaire à haut risque thromboembolique
• CI aux anticoagulants : complication hémorragique grave AOD/AVK
• Patients IRC terminale ou dialysés
• Espérance de vie minimale >2 ans


Conclusions: BI ou TRITHÉRAPIE ANTITHROMBOTIQUE
· On surestime toujours le risque ischémique et sous-estime le risque hémorragique !
En cas d’accident hémorragique sous Anticoagulants direct (AOD) ou AVK il faut systématiquement évoquer la Fermeture de l’auricule gauche:
• FERMETURE D’AURICULE GAUCHE
• FA non valvulaire à haut risque thromboembolique
• CI aux anticoagulants : complication hémorragique grave AOD/AVK
• Patients IRC terminale ou dialysés
• Espérance de vie minimale >2 ans


Conclusions: BI ou TRITHÉRAPIE ANTITHROMBOTIQUE
· On surestime toujours le risque ischémique et sous-estime le risque hémorragique !
o Durée idéale de trithérapie= 1 SEMAINE post angioplastie (prolongée à 1 mois dans de rares cas)
· Quels traitements pour la trithérapie ?
o NE PAS UTILISER les nouveaux P2Y12 blockers, ni les AVK !
· Quels traitements pour la bithérapie au long cours ?
o Clopidogrel + AOD (apixaban = Eliquis)
· Toujours IPP faible dose
· Réévaluation à 6 mois ou 1 an en cas de Syndrome Coronarien aigu (SCA) pour envisager l’arrêt du Clopidogrel
· Fermeture auricule si problème hémorragique
· Réévaluation à 6 mois ou 1 an en cas de Syndrome Coronarien aigu (SCA) pour envisager l’arrêt du Clopidogrel
· Fermeture auricule si problème hémorragique