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Loi(s?) sur la fin de vie.
Loi(s?) sur la fin de vie.20 ans de la loi Cleys-Léonetti : et après ?
Dr Chloé PROD'HOMME
MCU PH de médecine palliative
Soins palliatifs - CHU Lille
Les situations complexes en fin de vie
Les identifier, les nommer, les comprendre
Introduction
Il est courant d’entendre les professionnels de santé parler de «protocole de fin de vie» comportant deux molécules systématiques «morphine» et «midazolam (Hypnovel®)». Mais de quoi s’agit-il en réalité? Quelle est notre intention, en tant que prescripteur, lorsque nous débutons ce type de traitement dans des situations de fin de vie? Est-elle toujours là même? La personne malade en fin de vie a-t-elle toujours les mêmes besoins, les mêmes demandes? Bref, cette protocolisation systématique a-t-elle du sens dans toutes les situations complexes et variées en fin de vie que peuvent contenir la médecine?
En effet, les «situations de fin de vie» ne sont pas toutes identiques, les décisions à prendre ne sont pas toujours similaires et elles se rapportent à diverses lois encadrant les pratiques en fin de vie. Les symptômes des personnes malades peuvent varier, tout comme les souhaits des personnes en matière de soin. La considération du bien change selon les contextes, les personnes, les pathologies et une réponse unique et systématique ne semble donc pas adaptée.
La médecine palliative est une jeune discipline universitaire, qui a pour objectif de transmettre une expertise et des compétences vis-à-vis de l’amélioration de la qualité des soins palliatifs sur tout le territoire, aussi bien en ville qu’à l’hôpital ou en structure médicosociale. La première étape a été d’enrichir le vocabulaire et le langage vis-à-vis des situations de fin de vie; bien nommer pour savoir différentier, bien nommer pour bien comprendre, bien nommer pour pouvoir bien faire, est la première étape d’une démarche éthique dans la pratique médicale.
Cette présentation a pour objectif de présenter différentes situations cliniques de fin de vie, dans le contexte de la prise en soin au domicile, afin de pouvoir les identifier, les nommer, les différentier les unes des autres et les inscrire dans le cadre de loi Français et son évolution. Nous aborderons également au cours de la présentation des pratiques rencontrées ou non en ville, et nous les discuterons au regard des expériences de chacun et de l’évolution du cadre légal.
1. La notion de double effet
La notion de double effet renvoie à l’idée d’une balance bénéfice-risque différente en situation palliative ou de fin de vie par rapport aux situations dites «curatives» ou la réflexion sur la proportionnalité des soins se posent différemment. En situation palliative, il peut arriver que les objectifs des soins changent, la personne malade et le médecin décident de prioriser le soulagement des symptômes et la réduction de la souffrance, par rapport à sa survie ou sa quantité de vie. Alors, on peut chercher à soulager en administrant par exemple un antalgique, même si cela précipite le décès par les conséquences délétères du traitement. Cette notion est inscrite dans le droit français depuis 2005 et la Loi Leonetti. Les conséquences indésirables et «mauvaises» d’une action jugée prioritairement «bonne» n’empêchent pas de faire cette action. Il persiste une règle de proportionnalité, car dans tous les cas, les traitements symptomatiques introduits (le plus souvent antalgique, ou anxiolytique) seront titrés à la dose minimale efficace, afin d’éviter un maximum les conséquences délétères tout en obtenant le soulagement.
2. Les limitations et arrêt de traitement et le refus de soin
Certains traitements peuvent au fur et à mesure de l’évolution de la maladie ou de l’altération de l’état général d’une personne être de moins en moins indiqués. La réflexion sur leur arrêt ou leur non-introduction relève de la réflexion sur la proportionnalité des traitements afin de lutter contre l’obstination déraisonnable. L’obstination déraisonnable est par définition tout actes inutiles, disproportionnés ou n’ayant pour effet que le seul maintien artificiel de la vie. Un traitement peut être considéré comme déraisonnable pour le médecin ou un groupe de médecin ou de soignant, à partir de ses connaissances médicales (il s’agit de la rationalité médicale) mais peut également être considéré comme déraisonnable pour la personne malade.
Dans ce cas, la personne peut exprimer un refus de traitement. Le refus de traitement peut concerner plusieurs types de situation: le refus de traitement de maintien en vie artificielle, le refus de traitement pouvant guérir une pathologie ou prolonger la vie, le refus de traitement de soutien ou symptomatique (comme les antalgiques). Le cadre législatif français autorise depuis 2002 et la loi Kouchner sous condition un patient à refuser un traitement même si cette décision met sa vie en danger. Le refus de traitement, exprimé et réitéré dans un délai raisonnable, après information des conséquences des choix et de l’éventuelle gravité de la situation, doit être respecté par le médecin. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le médecin doit sauvegarder la dignité de la personne malade et la qualité de sa fin de vie. Le refus de traitement a un impact relationnel et peut être lié à une mauvaise qualité de la relation médecin malade. C’est pourquoi il est important de renforcer ou de restaurer la communication (si besoin avec un tiers, un autre médecin), de comprendre les motivations du patient pour mieux les accompagner. Le médecin doit également éliminer les facteurs associés pouvant altérer le jugement ou être responsable de ce refus, et mettre en place un projet de soin adapté.
Dans le cas où le médecin estime être dans le cadre de l’obstination déraisonnable et devoir limiter ou arrêter un traitement, il doit en parler avec la personne malade et obtenir un consentement éclairé dans le cadre d’une codécision. La codécision peut être éclairée par une délibération d’équipe, ou une réflexion entre plusieurs médecins et soignants, ou par l’avis des proches, mais qui n’a pas de valeur légale. Dans la situation où la personne malade n’est pas en état de s’exprimer et de consentir, toute décision de limitation ou d’arrêt de traitement nécessite une procédure collégiale depuis la loi Léonetti de 2005. La procédure collégiale a pour pré requis de rechercher l’avis de la personne malade: prendre en compte ses directives anticipées, à défaut interroger la personne de confiance, à défaut interroger les proches. Il ne s’agit pas de recueillir l’avis de la personne de confiance ou des proches, mais de recueillir le témoignage de l’avis exprimé antérieurement par la personne maladie à sa personne de confiance ou à ses proches. Ensuite, la concertation peut avoir lieu, elle consiste à rassembler le personnel soignant non médical (si possible) et obligatoirement deux médecins sans lien hiérarchique dont le médecin référent et un médecin extérieur à la prise en charge (médecin consultant). La décision doit être tracée dans le dossier médical. La nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés.
3. Les pratiques sédatives
La sédation en situation palliative est la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience. Son but est de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les autres moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre le soulagement escompté. Ces pratiques sont inscrites dans la loi depuis la loi Leonetti de 2005.
La souffrance est définie comme insupportable par le patient qui est le seul à pouvoir apprécier le caractère insupportable de sa propre souffrance, sans opposition entre souffrance physique, psychique ou existentielle.
La souffrance est définie comme réfractaire si tous les moyens thérapeutiques et d’accompagnement disponibles et adaptés ont été proposés et/ou mis en œuvre : sans obtenir le soulagement escompté par le patient, ou qu’ils entrainent des effets indésirables ou inacceptables ou que les effets thérapeutiques ne sont pas susceptibles d’agir dans un délai acceptable.
Il existe différents types de pratiques sédatives:
a. La sédation proportionnée: la sédation pour détresse
La sédation pour détresse est mise en œuvre dans l’urgence lorsque la situation symptomatique est réfractaire à l’ensemble des traitements, jugées insupportable, et que le pronostic vital est engagé (détresse respiratoire aigüe, hémorragie massive…). Elle doit être au maximum anticipé, avec le patient et les équipes pour faire face aux situations d’urgence de manière adaptée: par exemple en informant le patient de la possibilité d’une sédation, en réalisant des prescriptions anticipées, en mettant en œuvre une organisation des soins qui permettent de la mettre en œuvre 24h/24.
Une discussion pluridisciplinaire peut précéder ces situations, et l’exploration des désirs du patient vis-à-vis de sa mise en œuvre. Cette sédation peut être légère ou profonde, maintenue jusqu’au décès ou transitoire, selon la situation clinique, les symptômes et la volonté de la personne malade. Les modalités thérapeutiques sont l’utilisation en première intention du midazolam permettant une voie d’abord variée, et par titration de manière systématique car la variabilité inter individuelle de l’efficacité est importante. Certains patients peuvent être résistant, nécessitant l’association à d’autres molécules (neuroleptique sédatifs, propofol…). Le principe de proportionnalité est garanti par la titration initiale.
b. Autres sédations proportionnées
Dans le cadre de symptômes réfractaire et insupportable, chez le patient dont le pronostic vital n’est pas en jeu à court terme, ou chez le patient souhaitant maintenir une vie relationnelle, une pratique sédative peut être mise en œuvre de manière transitoire ou intermittente (par exemple dans le cadre de la douleur liée aux soins, ou d’autres symptômes tels que la souffrance existentielle, le hoquet, la confusion/agitation...)
c. La sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès
La loi du 2 février 2016 dite «Claeys Leonetti» ajoute un nouveau droit pour les personnes malades ayant une maladie grave et évolutive, et dont le pronostic est engagé à court terme (estimé à quelques heures à quelques jours, maximum 15 jours). Dans ces situations, et à la demande d’une personne malade pour souffrance réfractaire et insupportable, une sédation profonde (échelle de RASS = -4 ou -5) et continue jusqu’au décès peut être mise en œuvre. La titration initiale se base sur l’évaluation de la profondeur de la sédation et non sur l’évaluation du confort de la personne malade, et doit être maintenu jusqu’à ce que la personne décède de sa pathologie (quelques heures à quelques jours, puisque le pronostic estimé doit être engagé à court terme).
Deux autres indications de cette pratique sédative existent, pour «souffrance potentielle» c’est-à-dire à la demande de la personne pour accompagner sa décision d’arrêt d’un traitement de maintien en vie, lorsque le décès est attendu à court terme et chez une personne incapable d’exprimer sa volonté, dans le cadre d’une décision collégiale de limitation ou d’arrêt d’un traitement de maintien en vie qui engage son pronostic vital à court terme.
La mise en œuvre de cette sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès dans ses trois indications nécessite une procédure collégiale pour vérifier que les conditions prévues par la loi sont réunies, et ne se réalise donc jamais dans l’urgence. L’accompagnement de la demande de sédation doit impliquer l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire et notamment un entretien psychologique ou psychiatrique indispensable pour toute demande de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Une fois sa mise en œuvre, cette dernière doit être associée systématiquement d’un traitement antalgique, et de l’arrêt de tout traitement de maintien en vie (y compris l’hydratation artificielle ou l’oxygénothérapie).
4. Le suicide assisté
Le suicide assisté consiste à donner les moyens à une personne d’arrêter sa vie, par la prescription d’un produit mortel, le plus souvent par prise orale par le patient lui-même, entrainant en quelques minutes le décès du patient. Cela est actuellement interdit en France mais fait partie du débat de société actuel et du projet de loi voté à l’Assemblée nationale le 27 mai 2025. Il existe d’autre exemple de législation dans d’autres états démocratiques (Oregon 1997, Suisse…). Elle traduit une manifestation sociétale d’une volonté de pouvoir disposer de sa vie et de sa mort, une sensibilité sociétale croissante à l’autonomie qui soutient le désir individuel de choisir sa mort. Cela rentre en tension avec les enjeux de la prévention du suicide, entrainant un traitement inégal de la question selon les populations: certaines, très malades, très âgées ou handicapées pourraient être aidées au suicide alors que d’autres bénéficieraient de soin sous contrainte pour les en protéger. Ce choix sociétal respectant l’autonomie de certain se fait ainsi à l’encontre du devoir de solidarité envers les personnes les plus fragiles, pouvant entrainer un biais social ou une culpabilité de vivre lorsqu’on est dans la situation d’une personne gravement malade.
5. L’euthanasie
L’euthanasie est un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. L’euthanasie n’est pas l’administration ou l’injection d’un produit qui entraînerait la mort d’une personne qui n’en aurait pas fait la demande, même si la prolongation de sa vie peut sembler dénuée de sens. L’euthanasie utilise des traitements spécifiques à dose létale (barbiturique et curare) par voie IV pour provoquer la mort immédiate du patient (en quelques secondes à minutes), alors que celle-ci n’était pas attendue (la personne vit indépendamment de la technique médicale jusqu’à l’acte d’euthanasie). L’utilisation de morphine ou de benzodiazépine n’est pas considéré comme de bonne pratique vis-à-vis de cet acte d’euthanasie, dans l’ensemble des pays ou cet acte est légalisé. L’euthanasie est interdite actuellement en France, mais fait parti de la loi votée à l’Assemblée nationale le 27 mai 2025 et en cours d’étude au Senat. En Belgique, l’euthanasie est autorisée depuis 2002. Elle concernait 3.2% des décès en 2023, dont 49% ont eu lieu à domicile. Le médecin généraliste prend la décision et réalise cet acte dans 64% des cas.
En conclusion, cette présentation a pour objectif de clarifier les différentes situations de fin de vie et d’aider le médecin à repérer les différentes pratiques dans le cadre de l’évolution législatif actuel. Cette présentation n’aborde pas les enjeux cliniques et relationnelles d’accompagnement d’une personne exprimant un souhait de hâter sa mort. Ces connaissances sont pour autant indispensables à tous dans une société qui légifère autour de l’aide à mourir, notamment pour prendre en compte la situation de crise clinique, souvent transitoire, de la demande de mort, et éviter des décisions hâtives et irréversibles, favorisées par la toute-puissance et/ou l’abandon médical.
Les identifier, les nommer, les comprendre
Introduction
Il est courant d’entendre les professionnels de santé parler de «protocole de fin de vie» comportant deux molécules systématiques «morphine» et «midazolam (Hypnovel®)». Mais de quoi s’agit-il en réalité? Quelle est notre intention, en tant que prescripteur, lorsque nous débutons ce type de traitement dans des situations de fin de vie? Est-elle toujours là même? La personne malade en fin de vie a-t-elle toujours les mêmes besoins, les mêmes demandes? Bref, cette protocolisation systématique a-t-elle du sens dans toutes les situations complexes et variées en fin de vie que peuvent contenir la médecine?
En effet, les «situations de fin de vie» ne sont pas toutes identiques, les décisions à prendre ne sont pas toujours similaires et elles se rapportent à diverses lois encadrant les pratiques en fin de vie. Les symptômes des personnes malades peuvent varier, tout comme les souhaits des personnes en matière de soin. La considération du bien change selon les contextes, les personnes, les pathologies et une réponse unique et systématique ne semble donc pas adaptée.
La médecine palliative est une jeune discipline universitaire, qui a pour objectif de transmettre une expertise et des compétences vis-à-vis de l’amélioration de la qualité des soins palliatifs sur tout le territoire, aussi bien en ville qu’à l’hôpital ou en structure médicosociale. La première étape a été d’enrichir le vocabulaire et le langage vis-à-vis des situations de fin de vie; bien nommer pour savoir différentier, bien nommer pour bien comprendre, bien nommer pour pouvoir bien faire, est la première étape d’une démarche éthique dans la pratique médicale.
Cette présentation a pour objectif de présenter différentes situations cliniques de fin de vie, dans le contexte de la prise en soin au domicile, afin de pouvoir les identifier, les nommer, les différentier les unes des autres et les inscrire dans le cadre de loi Français et son évolution. Nous aborderons également au cours de la présentation des pratiques rencontrées ou non en ville, et nous les discuterons au regard des expériences de chacun et de l’évolution du cadre légal.
1. La notion de double effet
La notion de double effet renvoie à l’idée d’une balance bénéfice-risque différente en situation palliative ou de fin de vie par rapport aux situations dites «curatives» ou la réflexion sur la proportionnalité des soins se posent différemment. En situation palliative, il peut arriver que les objectifs des soins changent, la personne malade et le médecin décident de prioriser le soulagement des symptômes et la réduction de la souffrance, par rapport à sa survie ou sa quantité de vie. Alors, on peut chercher à soulager en administrant par exemple un antalgique, même si cela précipite le décès par les conséquences délétères du traitement. Cette notion est inscrite dans le droit français depuis 2005 et la Loi Leonetti. Les conséquences indésirables et «mauvaises» d’une action jugée prioritairement «bonne» n’empêchent pas de faire cette action. Il persiste une règle de proportionnalité, car dans tous les cas, les traitements symptomatiques introduits (le plus souvent antalgique, ou anxiolytique) seront titrés à la dose minimale efficace, afin d’éviter un maximum les conséquences délétères tout en obtenant le soulagement.
2. Les limitations et arrêt de traitement et le refus de soin
Certains traitements peuvent au fur et à mesure de l’évolution de la maladie ou de l’altération de l’état général d’une personne être de moins en moins indiqués. La réflexion sur leur arrêt ou leur non-introduction relève de la réflexion sur la proportionnalité des traitements afin de lutter contre l’obstination déraisonnable. L’obstination déraisonnable est par définition tout actes inutiles, disproportionnés ou n’ayant pour effet que le seul maintien artificiel de la vie. Un traitement peut être considéré comme déraisonnable pour le médecin ou un groupe de médecin ou de soignant, à partir de ses connaissances médicales (il s’agit de la rationalité médicale) mais peut également être considéré comme déraisonnable pour la personne malade.
Dans ce cas, la personne peut exprimer un refus de traitement. Le refus de traitement peut concerner plusieurs types de situation: le refus de traitement de maintien en vie artificielle, le refus de traitement pouvant guérir une pathologie ou prolonger la vie, le refus de traitement de soutien ou symptomatique (comme les antalgiques). Le cadre législatif français autorise depuis 2002 et la loi Kouchner sous condition un patient à refuser un traitement même si cette décision met sa vie en danger. Le refus de traitement, exprimé et réitéré dans un délai raisonnable, après information des conséquences des choix et de l’éventuelle gravité de la situation, doit être respecté par le médecin. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le médecin doit sauvegarder la dignité de la personne malade et la qualité de sa fin de vie. Le refus de traitement a un impact relationnel et peut être lié à une mauvaise qualité de la relation médecin malade. C’est pourquoi il est important de renforcer ou de restaurer la communication (si besoin avec un tiers, un autre médecin), de comprendre les motivations du patient pour mieux les accompagner. Le médecin doit également éliminer les facteurs associés pouvant altérer le jugement ou être responsable de ce refus, et mettre en place un projet de soin adapté.
Dans le cas où le médecin estime être dans le cadre de l’obstination déraisonnable et devoir limiter ou arrêter un traitement, il doit en parler avec la personne malade et obtenir un consentement éclairé dans le cadre d’une codécision. La codécision peut être éclairée par une délibération d’équipe, ou une réflexion entre plusieurs médecins et soignants, ou par l’avis des proches, mais qui n’a pas de valeur légale. Dans la situation où la personne malade n’est pas en état de s’exprimer et de consentir, toute décision de limitation ou d’arrêt de traitement nécessite une procédure collégiale depuis la loi Léonetti de 2005. La procédure collégiale a pour pré requis de rechercher l’avis de la personne malade: prendre en compte ses directives anticipées, à défaut interroger la personne de confiance, à défaut interroger les proches. Il ne s’agit pas de recueillir l’avis de la personne de confiance ou des proches, mais de recueillir le témoignage de l’avis exprimé antérieurement par la personne maladie à sa personne de confiance ou à ses proches. Ensuite, la concertation peut avoir lieu, elle consiste à rassembler le personnel soignant non médical (si possible) et obligatoirement deux médecins sans lien hiérarchique dont le médecin référent et un médecin extérieur à la prise en charge (médecin consultant). La décision doit être tracée dans le dossier médical. La nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés.
3. Les pratiques sédatives
La sédation en situation palliative est la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience. Son but est de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les autres moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre le soulagement escompté. Ces pratiques sont inscrites dans la loi depuis la loi Leonetti de 2005.
La souffrance est définie comme insupportable par le patient qui est le seul à pouvoir apprécier le caractère insupportable de sa propre souffrance, sans opposition entre souffrance physique, psychique ou existentielle.
La souffrance est définie comme réfractaire si tous les moyens thérapeutiques et d’accompagnement disponibles et adaptés ont été proposés et/ou mis en œuvre : sans obtenir le soulagement escompté par le patient, ou qu’ils entrainent des effets indésirables ou inacceptables ou que les effets thérapeutiques ne sont pas susceptibles d’agir dans un délai acceptable.
Il existe différents types de pratiques sédatives:
a. La sédation proportionnée: la sédation pour détresse
La sédation pour détresse est mise en œuvre dans l’urgence lorsque la situation symptomatique est réfractaire à l’ensemble des traitements, jugées insupportable, et que le pronostic vital est engagé (détresse respiratoire aigüe, hémorragie massive…). Elle doit être au maximum anticipé, avec le patient et les équipes pour faire face aux situations d’urgence de manière adaptée: par exemple en informant le patient de la possibilité d’une sédation, en réalisant des prescriptions anticipées, en mettant en œuvre une organisation des soins qui permettent de la mettre en œuvre 24h/24.
Une discussion pluridisciplinaire peut précéder ces situations, et l’exploration des désirs du patient vis-à-vis de sa mise en œuvre. Cette sédation peut être légère ou profonde, maintenue jusqu’au décès ou transitoire, selon la situation clinique, les symptômes et la volonté de la personne malade. Les modalités thérapeutiques sont l’utilisation en première intention du midazolam permettant une voie d’abord variée, et par titration de manière systématique car la variabilité inter individuelle de l’efficacité est importante. Certains patients peuvent être résistant, nécessitant l’association à d’autres molécules (neuroleptique sédatifs, propofol…). Le principe de proportionnalité est garanti par la titration initiale.
b. Autres sédations proportionnées
Dans le cadre de symptômes réfractaire et insupportable, chez le patient dont le pronostic vital n’est pas en jeu à court terme, ou chez le patient souhaitant maintenir une vie relationnelle, une pratique sédative peut être mise en œuvre de manière transitoire ou intermittente (par exemple dans le cadre de la douleur liée aux soins, ou d’autres symptômes tels que la souffrance existentielle, le hoquet, la confusion/agitation...)
c. La sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès
La loi du 2 février 2016 dite «Claeys Leonetti» ajoute un nouveau droit pour les personnes malades ayant une maladie grave et évolutive, et dont le pronostic est engagé à court terme (estimé à quelques heures à quelques jours, maximum 15 jours). Dans ces situations, et à la demande d’une personne malade pour souffrance réfractaire et insupportable, une sédation profonde (échelle de RASS = -4 ou -5) et continue jusqu’au décès peut être mise en œuvre. La titration initiale se base sur l’évaluation de la profondeur de la sédation et non sur l’évaluation du confort de la personne malade, et doit être maintenu jusqu’à ce que la personne décède de sa pathologie (quelques heures à quelques jours, puisque le pronostic estimé doit être engagé à court terme).
Deux autres indications de cette pratique sédative existent, pour «souffrance potentielle» c’est-à-dire à la demande de la personne pour accompagner sa décision d’arrêt d’un traitement de maintien en vie, lorsque le décès est attendu à court terme et chez une personne incapable d’exprimer sa volonté, dans le cadre d’une décision collégiale de limitation ou d’arrêt d’un traitement de maintien en vie qui engage son pronostic vital à court terme.
La mise en œuvre de cette sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès dans ses trois indications nécessite une procédure collégiale pour vérifier que les conditions prévues par la loi sont réunies, et ne se réalise donc jamais dans l’urgence. L’accompagnement de la demande de sédation doit impliquer l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire et notamment un entretien psychologique ou psychiatrique indispensable pour toute demande de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Une fois sa mise en œuvre, cette dernière doit être associée systématiquement d’un traitement antalgique, et de l’arrêt de tout traitement de maintien en vie (y compris l’hydratation artificielle ou l’oxygénothérapie).
4. Le suicide assisté
Le suicide assisté consiste à donner les moyens à une personne d’arrêter sa vie, par la prescription d’un produit mortel, le plus souvent par prise orale par le patient lui-même, entrainant en quelques minutes le décès du patient. Cela est actuellement interdit en France mais fait partie du débat de société actuel et du projet de loi voté à l’Assemblée nationale le 27 mai 2025. Il existe d’autre exemple de législation dans d’autres états démocratiques (Oregon 1997, Suisse…). Elle traduit une manifestation sociétale d’une volonté de pouvoir disposer de sa vie et de sa mort, une sensibilité sociétale croissante à l’autonomie qui soutient le désir individuel de choisir sa mort. Cela rentre en tension avec les enjeux de la prévention du suicide, entrainant un traitement inégal de la question selon les populations: certaines, très malades, très âgées ou handicapées pourraient être aidées au suicide alors que d’autres bénéficieraient de soin sous contrainte pour les en protéger. Ce choix sociétal respectant l’autonomie de certain se fait ainsi à l’encontre du devoir de solidarité envers les personnes les plus fragiles, pouvant entrainer un biais social ou une culpabilité de vivre lorsqu’on est dans la situation d’une personne gravement malade.
5. L’euthanasie
L’euthanasie est un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. L’euthanasie n’est pas l’administration ou l’injection d’un produit qui entraînerait la mort d’une personne qui n’en aurait pas fait la demande, même si la prolongation de sa vie peut sembler dénuée de sens. L’euthanasie utilise des traitements spécifiques à dose létale (barbiturique et curare) par voie IV pour provoquer la mort immédiate du patient (en quelques secondes à minutes), alors que celle-ci n’était pas attendue (la personne vit indépendamment de la technique médicale jusqu’à l’acte d’euthanasie). L’utilisation de morphine ou de benzodiazépine n’est pas considéré comme de bonne pratique vis-à-vis de cet acte d’euthanasie, dans l’ensemble des pays ou cet acte est légalisé. L’euthanasie est interdite actuellement en France, mais fait parti de la loi votée à l’Assemblée nationale le 27 mai 2025 et en cours d’étude au Senat. En Belgique, l’euthanasie est autorisée depuis 2002. Elle concernait 3.2% des décès en 2023, dont 49% ont eu lieu à domicile. Le médecin généraliste prend la décision et réalise cet acte dans 64% des cas.
En conclusion, cette présentation a pour objectif de clarifier les différentes situations de fin de vie et d’aider le médecin à repérer les différentes pratiques dans le cadre de l’évolution législatif actuel. Cette présentation n’aborde pas les enjeux cliniques et relationnelles d’accompagnement d’une personne exprimant un souhait de hâter sa mort. Ces connaissances sont pour autant indispensables à tous dans une société qui légifère autour de l’aide à mourir, notamment pour prendre en compte la situation de crise clinique, souvent transitoire, de la demande de mort, et éviter des décisions hâtives et irréversibles, favorisées par la toute-puissance et/ou l’abandon médical.