L'acné


Docteur Daniel PLANTIER

 

L'acné pose essentiellement une difficulté de traitement. Car si la reconnaître est aisé, plus subtil est de choisir le traitement qui aura le plus de chances d'être suivi.

Quand on sait qu’une femme sur cinq environ présente une acné durant toute la période adulte, qu’une acné s’installe en moyenne pour 8 années, que certaines cicatrices sont acquises pour la vie, on comprend l’intérêt d’expliquer l’éventail thérapeutique, lui-même fonction de la diversité des tableaux, variables au long de la maturation de la peau chez un même sujet. Ainsi les avis thérapeutiques ouvrent à de multiples réponses. Les patients aiment savoir qu’il existe pour chaque cas des solutions. Mais il faudra être attentif à l’observance. Quel qu’il soit, le traitement est durable, émaillé de poussées, voire de résistances, et finalement assez contraignant.

 

Pourquoi classer l’acné ?

pour en faire un diagnostic de certitude,

pour en établir le degré,

pour orienter le traitement de départ,

pour en assurer le suivi comparatif,

pour adapter les stratégies.

 

Diagnostic de certitude :

Il est facile de reconnaître les lésions élémentaires de l’acné vulgaire: hyper-séborrhée, avec microkystes et comédons, papules et nodules inflammatoires, pustules, pigmentations post inflammatoires et cicatrices, en pic à glace, en v, en w, chéloïdes et lésions fibreuses enkystées.

C’est un trouble de l’appareil pilo-sébacé, parfois annoncé dès 8 ans par des signes de rétention, mais l’acné typique est celle du jeune adolescent, papulo-pustuleuse. Le passé familial est classique.

 

Il faut en distinguer quelques pathologies, parfois d’ailleurs intriquées de façon chronique : dermite séborrhéique avec folliculite fongique, folliculites bactériennes à pyogènes, mais aussi acné rosacée, ou autres modifications plus saisonnières: kératose pilaire, miliaire sudorale.

L’acné rosacée se différencie par l’absence de rétention et l’abondance de phénomènes vasculaires et inflammatoires, télangiectasies, papules, pustules.

D’autres dermatoses en compliquent parfois l’évolution : impétiginisation.

Le dermatologue vous aidera à en différencier la sarcoïdose, certaines formes de syphilis, angiofibromes, syringomes, mais aussi surtout les fausses acnés : acnés iatrogènes avec lésions uniformes disséminées sortant des zones séborrhéiques (corticoïdes, isoniazide, anticonvulsivants, lithium), ou bien acnés professionnelles ou toxiques (iodides et halogénides, boutons d’huile, tabagisme, Favre et Racouchot).

Degré de sévérité :

Les acnés graves nécessitent une prise en charge spécialisée : acné nodulo-kystique, acné conglobata, acné fulminans, acné compliquée de furonculose ou streptococcie, SAPHO syndrome.

La sévérité d’une acné outre ces cas extrêmes nécessite une « échelle » de critères, ni trop simpliste comme celle des recommandations de la HAS ni trop complexe comme celles, inutilisables en pratique quotidienne, du comptage des lésions par zone atteinte. L’échelle du Groupe Expert Acné est commode et reproductible.

Pas de lésion, une pigmentation résiduelle et un érythème peuvent être présents

Pratiquement pas de lésion. « La personne parle d’acné mais je ne vois rien mais en me rapprochant je vois de rares comédons ouverts ou fermés dispersés et rares papules »

Acné Légère mais facilement identifiable : moins de la moitié du visage est atteinte. Quelques comédons ouverts ou fermés et quelques papulo-pustules bien visibles.

Acné Moyenne avec plus de la moitié de la surface du visage atteinte et nombreuses papulopustules et nombreux comédons ouverts ou fermés. Surtout pas plus d’un nodule.

Sévère avec tout le visage atteint, couvert de nombreuses papulo-pustules, comédons ouverts ou fermés et rares nodules (moins de trois)

Très sévère. Acné très inflammatoire recouvrant le visage avec plus de trois nodules.

 

Orienter le traitement de base :

L’échelle du GEA permet un schéma simple de traitement reposant sur les topiques rétinoïques et les topiques anti-inflammatoires, les kératolytiques, aidés souvent d’un traitement oral, gluconate de zinc, tétracyclines.

Retenir que les antibiotiques locaux n’ont pas vraiment de place dans l’acné, exceptée, et pour quelques jours, l’érythromycine locale.

Les traitements locaux permettant une seule application par jour sont préférés pour une meilleure observance. Rétinoïdes topiques ou/et peroxyde de benzoyle sont de première intention dans tous les stades, mais on y adjoint un traitement oral (cyclines ou gluconate de zinc) à un grade moyen (grade 3) ou plus sévère.

Certains éléments cliniques péjoratifs pousseront à moduler ce schéma simple : hyper-séborrhée, atteinte du dos, femme enceinte, pigmentation, précocité, poids.

Cependant cette thérapeutique devra être suivie, avec surveillance des effets thérapeutiques et secondaires, adaptation à la saison (frimas, soleil), aux modifications hormonales (contraceptifs, grossesse, ménopause) ou générales.

Le traitement d’attaque doit être poursuivi trois mois avant de juger de son efficacité.

Savoir que nombre de traitements sont déconseillés (et même certains cosmétiques), voire interdits durant la grossesse (rétinoïques locaux dont l’adapalène, tétracyclines). Que ces dernières peuvent être photo-sensibilisantes, que des lupus ont été induits par des tétracyclines (minocycline).

Comprendre qu’une résistance doit pousser à orienter vers le dermatologue. Si l’isotrétinoïne est une molécule d’efficacité spectaculaire, sa prescription obéit à des règles drastiques de prescription avec surveillance pré-/per-/post-thérapeutique, et risque médicolégal relatif aux embryo-fœtopathies. La tentative de suicide à laquelle elle pourrait exposer a fait sensation dans les médias et rend bien des parents réfractaires.

Beaucoup d’idées fausses entourent toujours l’acné : régime, activité sexuelle, conseils d’esthéticiennes non averties (masque à l’argile, comédogènes), bienfaits du soleil.

Le suivi comparatif grâce à cette échelle reproductible permettra d’adapter le traitement.

Il est facile de s’y exercer comme cela est réalisé devant diapos durant ce cours du Formathon.

Les résultats des traitements locaux sont aidés de quelques gestes médicaux : nettoyage de peau (démonstration durant le Formathon), peelings.

Nettoyage de peau codifié QZJB004 avec matériel peu onéreux, lancettes, lame de bistouri de 11, tire-comédons jetables.

Certaines nouvelles thérapeutiques émergent : LASERS CO2 pour les peelings, mais aussi DIODES en lumière bleue, infrarouge et PhotoThérapie Dynamique qui seront toujours des compléments et non des traitements omnipotents.

Une acné de grade 1 ou 2 résistant au traitement seul se verra complétée d’un traitement oral par cyclines ou gluconate de zinc.

Une acné de grade 3/4/5 résistant à plusieurs mois de traitements oraux (au moins 3 mois) conduit à la prescription d’isotrétinoïne, en restant aussi très attentif aux acnés plus modérées mais dont l’évolution est cicatricielle avec séquelles plus importantes que ne le voudrait leur acné, et donc recours à l’istrétinoïne par prévention des séquelles cicatricielles. Ce traitement est logiquement entre les mains du dermatologue.

 

Chez la jeune femme, à l’instauration d’une contraception orale, le choix devra tenir compte de l’acné. Les progestatifs de nombreuses pilules sont des dérivés chimiques de testostérone, avec effet aggravant sur l’acné. Les contraceptifs hormonaux sont classés par climat androgénique ou anti-androgène. Les implants progestatifs font un recrutement d’acné considérable.

Il faut donc aussi, en dehors de ces cas provoqués par les progestatifs, détecter les signes cliniques endocriniens, associés souvent incomplètement, qui conduiront à suspecter une hyper-androgénie de base. Un simple régime peut être le traitement de l’acné qui résiste, dans le cadre d’une hyper-androgénie banale de la jeune fille en surpoids. Les tableaux plus complets doivent faire orienter vers l’endocrinologue

En dehors des acnés résistantes, qui sont souvent des acnés familiales, nodulo-kystiques, ne pas oublier d’adresser au dermatologue les acnés à rapide évolution cicatricielle. Par ailleurs, après cure efficace d’une acné, les LASER CO2, la dermabrasion, et les peelings au Phénol restent les thérapeutiques de référence permettant de gommer les cicatrices affichantes, à côté des techniques de relèvement de cicatrice et comblements que maîtrisent nombre de dermatologues. Des exemples sont donnés au cours du Formathon.

 

 

La prise en charge de l’acné est donc tout autre chose qu’une prescription isolée sur une ordonnance renouvelable et un large éventail de possibilités répondra à chaque cas. L’acné « vulgaire » n’a rien d’ennuyeux à cause de cela et les patients sont très reconnaissants de l’aide et de l’attention portées à leur cas particulier qui attend un bouquet de solutions particulières. Chasser les idées fausses, expliquer la stratégie, adapter à l’évolution, c’est le bon plan.