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Les maladies transmises par les animaux


 

Docteur Nathalie VIGET

 

Objectifs

 

Ø En contexte de contact avec animal domestique:

 

-Savoir reconnaître pasteurellose et maladies des griffes du chat, relativement fréquentes, transmises lors d'une morsure ou d'une griffure d'un animal de compagnie.

-Savoir diagnostiquer une toxocarose.

 

Ø En contexte d'exposition professionnelle ou de loisir: randonnée, chasse, travail en forêt, baignade, canoë, pêche...

 

-savoir reconnaitre un érythème primaire migrant, diagnostiquer une maladie de Lyme

-connaitre les circonstances favorisantes pour savoir évoquer une leptopsirose, une FHSR

 

 

Introduction

 

            Les maladies transmises par les animaux sont très nombreuses, impliquant des pathogènes pouvant être bactériens, viraux, parasitaires ou fongiques.

Les modes de transmission sont eux aussi variés: par contact direct avec l'animal infecté (inoculation par morsure, griffure, piqure par arthropode vecteur), par contact indirect voire à distance par aérosol, par l'alimentation.

Elles peuvent impliquer des mammifères domestiques, d'élevage ou de compagnie, des mammifères sauvages, des oiseaux sauvages ou domestiques, des poissons, des reptiles.

Elles peuvent donc survenir en contexte familial, professionnel ou de loisirs.

Seules quelques-unes parmi les plus fréquentes ou ayant été décrites dans notre région seront ici détaillées.

 

1.      Pasteurellose

 

            C'est la complication infectieuse la plus fréquente des morsures et des blessures animales, due à Pasteurella multocida, petit bacille à gram négatif. Les animaux sont souvent porteurs sains au niveau des voies aéro-digestives. La contamination se fait par morsure le plus souvent, mais aussi par griffure ou léchage.

La clinique est remarquable par la brièveté de l'incubation, de 3 à 6h, toujours inférieure à 24h. On doit l'évoquer également devant un caractère inflammatoire intense de la plaie disproportionné par rapport à sa taille. La symptomatologie est également dominée par la douleur. La plaie, le plus souvent au niveau de la main, devient oedématiée, rouge, avec écoulement séro-sanglant, rarement purulent. Peuvent s'y associer une trainée de lymphangite, des adénopathies satellites. Des complications à type d'abcès, de panaris, d'arthrites et d'ostéo-arthrites, de phlegmons des gaines ne sont pas rares et peuvent nécessiter un geste chirurgical. Sur terrain fragilisé (cirrhotique) ou immuno-déprimé, des formes systémiques avec bactériémie et localisations secondaires (pulmonaires, endocardites, urogénitales, digestives, neuro-méningées, ORL, ophtalmologiques) peuvent survenir, parfois fatales. Un syndrome algo-dystrophique est possible après une période de durée variable.

Le diagnostic est suspecté sur les circonstances de survenue et la clinique, il est confirmé par l'isolement de la bactérie dans le prélèvement local et les hémocultures. Il n'existe pas de sérologie.

Le traitement antibiotique est l'amoxicilline en première intention dans la forme aigue (50mg/kg/j).

 

 

2.      Maladie des griffes du chat

 

            Bartonella henselae en est l'agent causal. Les chats hébergent la bactérie dans leur cavité buccale, et la déposent sur leur pelage et leurs griffes pendant la toilette. L'homme se contamine lors d'une morsure ou d'un léchage sur une plaie, les puces du chat peuvent aussi être des vecteurs.

Chez l'immunocompétent, la forme clinique la plus fréquente est "l'adénite régionale subaigüe auto-limitée", apparaissant 2 à 3 semaines après l'inoculation. La porte d'entrée n'est pas toujours retrouvée: plaie cutanée, parfois initialement le siège d'une papule qui peut être nécrotique. Peuvent être présents une fièvre modérée, un syndrome inflammatoire peu intense et une hyperleucocytose. L'adénomégalie est typiquement localisée à un seul territoire, cervical ou axillaire le plus souvent, avec résorption spontanée en quelques semaines le plus souvent, mais peut évoluer vers l'abcédation et la suppuration dans environ 10% des cas. Des formes plus atypiques sont également décrites: syndrome oculoglandulaire de Parinaud (conjonctivite et adénopathie pré-tragienne), formes extra-ganglionnaires surtout chez les enfants (encéphalites, atteintes hépatiques, osseuses, syndromes mononucléosiques). Chez les patients immuno-déprimés, B.henselae peut entrainer une angiomatose bacillaire, une péliose hépatique, des bactériémies. Une endocardite est possible chez les patients porteurs d'anomalie valvulaire.

Le diagnostic repose sur la sérologie, ou l'examen anatomo-pathologique du ganglion et la PCR in situ.

L'abstention thérapeutique est possible dans les formes typiques et localisées, étant donné la résolution spontanée habituelle de la maladie. L'azithromycine est le traitement de première intention, sauf pour les formes compliquées. Lors d'abcédation ou de suppuration, des ponctions évacuatrices ou une exérèse ganglionnaire peuvent être nécessaires.

 

 

Rappel: indications de l'antibiothérapie en cas de morsure: La prise en charge d'une morsure débute par le lavage abondant de la plaie, l'antisepsie locale, le parage. L'antibioprophylaxie n'est pas nécessaire pour les plaies propres non dévitalisées, prise en charge avant 6h, de siège anodin, sur terrain sain. Dans les autres cas notamment morsure de chat, plaie profonde ou délabrée, dévitalisée, vue tardivement, sur terrain à risque (diabète, cirrhose, splénectomie..), de localisation à risque (main, face suturée), avec suspicion d'atteinte articulaire ou osseuse, l'antibioprophylaxie doit viser les pasteurelles, les staphylocoques, les streptocoques, les anaérobies. L'association amoxicilline-clavulanate est le premier choix.

 

 

 

 

 

3.      Toxocarose

 

            Elle est due à des larves d'ascaris du chien Toxocara canis le plus souvent ou plus rarement du chat Toxocara cati. Il s'agit d'une impasse parasitaire chez l'homme. La contamination est orale, par consommation d'aliments souillés ou par les mains souillées portées à la bouche (jeunes enfants).

Différentes formes cliniques mineures ou majeures sont possibles. Dans sa forme majeure, rare, survenant plutôt chez l'enfant, la migration des larves à travers l'organisme réalise un syndrome de larva migrans viscérale avec AEG fébrile, atteinte polyviscérale principalement hépatique et pulmonaire. La toxocarose cérébrale est rare, peut se manifester par une comitialité. La toxocarose oculaire est plus fréquente, unilatérale, entrainant une baisse de vision en général rapide, par uvéite et granulome rétinien. Les atteintes mineures sont les plus fréquentes en France, soit asymptomatiques, découvertes sur bilan d'hyperéosinophilie, et de régression spontanée; soit pauci-symptomatiques associant de signes bénins non spécifiques tels fatigue, douleurs abdominales, signes cutanés tels prurit ou éruption prurigineuse.

Le diagnostic est porté par la sérologie ELISA confirmée par Western-blot, associée à l'hyper-éosinophilie et l'élévation des IgE totales, sauf en cas de toxocarose oculaire ou elle peut être négative. Le traitement reste controversé, sauf pour les mesures préventives qui doivent être systématiques et effectuées en premier lieu. L'abstention thérapeutique est proposée dans les formes asymptomatiques ou mineures. Si celles-ci sont persistantes malgré la mise en place de ces mesures, un traitement par albendazole peut être proposé. Dans les formes oculaires et neurologiques, les corticoïdes doivent être utilisé en premier lieu, et les anti-helmintiques ajoutés ensuite seulement si inefficacité, le traitement anti-parasitaire seul risquant d'aggraver les lésions par syndrome de lyse parasitaire. Un examen ophtalmologique systématique avant tout traitement est souhaitable.

 

 

4.      Maladie de Lyme:

 

            La borréliose de Lyme est une maladie bactérienne (Borrelia burdorgferi) transmise par des tiques du genre Ixodes en France. Les régions les plus exposées sont l'Alsace-Lorraine, l'Auvergne, mais des cas sont décrits dans toute la France sauf le pourtour méditerranéen et l'altitude <1500m. La bactérie est injectée par la tique lors du repas infestant, et le risque de transmission augmente avec la durée d'attachement.

La clinique est définie en 3 phases:

-phase primaire: l'érythème migrant est le signe le plus fréquent et le plus spécifique. Il doit être différencié d'une réaction locale liée à l'irritation par la salive de la tique ou à la persistance de la tête. Il peut être accompagné de signes généraux tels que fièvre, céphalées, arthralgies, myalgies, adénopathies. En l'absence de traitement, il disparait en 3/4semaines ou plus.

-phase secondaire: elle peut révéler la maladie, l'érythème migrant pouvant manquer ou passer inaperçu. Elle peut se manifester par une méningite, une méningo-radiculite, une atteinte des nerfs crâniens (paralysie faciale). Des arthralgies précoces sont fréquentes, les arthrites plus rares, touchant les grosses articulations (genou). Les signes cardiaques, ophtalmologiques, ORL, sont plus rares.

-phase tertiaire: peut apparaitre des années plus tard. Elle peut comprendre des manifestations cutanées, neurologiques variées (cérébrales, médullaires, méningites chroniques, tableaux pseudo- psychiatriques ou de démences), articulaires, dont la réponse au traitement peut être incomplète.

Le diagnostic est évoqué devant les circonstances favorisantes ou l'exposition connue à une tique, il est clinique en présence d'un érythème migrant car la sérologie est souvent négative à ce stade. Les données biologiques usuelles sont souvent normales et un syndrome inflammatoire élevé doit faire évoquer un autre diagnostic. La sérologie s'effectue en 2 temps: une technique ELISA de dépistage qui doit obligatoirement être confirmée par un Western blot. Il n’a aucun intérêt à recontrôler la sérologie pour suivre l'efficacité du traitement. En stade tertiaire dans les formes neurologiques douteuses, la détection d'anticorps intra-thécaux affirme le diagnostic.

Le traitement antibiotique dépend du stade: une béta-lactamine ou une cycline sont les traitements utilisé en pratique. En phase primaire sont recommandés, amoxicilline ou doxycycline entre 14 et 21 jours, la ceftriaxone est privilégiée dans les formes neurologiques en dehors de la paralysie faciale isolée, la doxycycline plutôt pour les formes articulaires.

La prévention repose sur la prévention des piqures de tique, l'examen et le retrait le plus précoce des tiques, l'information sur la maladie. Il n'y a aucun intérêt à effectuer une sérologie systématique en l'absence de symptômes en post-contact. L'antibioprophylaxie spécifique après piqure n'est pas recommandé, elle peut être néanmoins être proposée aux femmes enceintes.

 

 

5.      Leptospirose

 

            Les leptospires sont des bactéries spiralées, et les espèces pathogènes chez l'homme appartiennent à plusieurs serovars différents. Les animaux contaminés, souvent porteurs sains, éliminent leptospira de façon prolongée dans leurs urines et contaminent l'eau et le sol. Le réservoir animal est sauvage (rongeurs) et domestique (chiens, chevaux...). La transmission à l'homme est  majoritairement par voie indirecte, par l'eau et le sol contaminé, la bactérie pénétrant par voie cutanée (excoriation) ou muqueuse (digestive, respiratoire, conjonctivale). Dans 75% des cas l'exposition survient lors d'une activité de loisir aquatique en eau douce. Les territoires Outre-mer sont les plus touchés.

Après une incubation variable entre 2 et 21 jours, 2 formes cliniques principales sont décrites: la forme la plus fréquente est un syndrome pseudo-grippal, sans ictère, pouvant régresser sans traitement en 5 à 6 jours et parfois réapparaitre avec syndrome méningé: la forme ictérique pluri-viscérale, avec des manifestations hépatiques, rénales, neurologique, cardio-vasculaires, pulmonaires, hémorragiques, parfois létales.

Les éléments d'orientation, en dehors de l'exposition, sont la présence d'une hyperleucocytose à polynucléaires, d'une thrombopénie, d'une hyperbilirubinémie conjuguée, d'élévation des transaminases, d'anomalies rénales (insuffisance rénale, hématurie, leucocyturie, protéinurie. La sérologie est l'examen de confirmation mais la séroconversion peut être tardive.

L'antibiothérapie est d'autant plus efficace qu'elle est débutée précocement. La doxycycline peut être proposée en l'absence d'insuffisance rénale et si elle est débutée dans les 3 premiers, sinon l'amoxicilline ou la ceftriaxone sont préférables. Le vaccin ne couvre que quelques sérovars et doit être réservé en cas d'exposition avérée. La prévention repose également sur les mesures de protection individuelle.

 

 

6.      Fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR)

 

            Elle est causée par le virus Puumala (PUU), du genre hantavirus, dont le réservoir en France est le campagnol, qui vit en zone boisée. L'homme se contamine par contact direct (rare) ou inhalation des excrétas infectés, lors d'une activité dite exposante (travail du bois, contact avec bois ou poussières en forêt). Des épidémies sont décrites régulièrement dans le quart Nord-Est du pays.

Après une période d'incubation de 15 jours en moyenne, la clinique débute par un syndrome grippal brutal avec des algies sévères, des troubles de l'accomodation (à rechercher à l'interrogatoire). S'y associent une atteinte rénale, des signes hémorragiques variables, des atteintes respiratoires, cardiaques, neurologiques, digestives ou hépatiques. Sur le plan biologique la thrombopénie est constante pendant la première semaine, la protéinurie massive et fréquente, avec hématurie microscopique et insuffisance rénale dans 50% des cas, régressant totalement.

Le diagnostic est sérologique. Il n'existe pas de traitement spécifique. L'information sur les mesures de prévention est diffusée dans les régions infectées.

 

 

Pour en savoir plus:

 

-Risques infectieux des animaux de compagnie : L Geffray, C Paris, Médecine et maladies infectieuses 2001; 31 suppl 2:126-142

-Diversité des zoonoses. Définitions et conséquences pour la surveillance et la lutte. M Savey, B Dufour, Epidemiol et santé animale 2004,46,1-16

-Toxocarose de l'adulte: H Pelloux. La revue de médecine interne 2004, 25: 201-6

-Toxocarose: actualités diagnostiques et thérapeutiques: JF Magnaval, La lettre de l'infectiologue, tome XXI, n°2, mars-avril 2006.

-16è conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse: Borréliose de Lyme, démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives, mercredi 13 décembre 2006: peut être téléchargé sur infectiologie.com

-rapport HCSP 29 janvier 2010: mieux connaitre la borréliose de Lyme pour mieux la prévenir

-Pilly 2012:chapitres pathologies d'inoculation, bartonelloses, borrelioses

-sites internet des CNR Borrélia, CNR fièvres hémorragiques, CNR leptospirose, CNR bartonelles/rickettsies

-santé.gouv.fr: dossier zoonoses

-invs.santé.fr: dossier zoonoses