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La sigmoidite diverticulaire


 

Docteur Frank DENIMAL

69 rue de La Louvière

59000 LILLE

 

Une assemblée de  20 spécialistes nationaux épaulée par un groupe de 70 lecteurs s’est réunie en 2006 pour établir des recommandations de pratique sur la prise en charge de la maladie diverticulaire. Une mise à jour a été publiée en 2009 sous forme de dossier thématique. Je vous rapporte ici le résumé de ces travaux.

 

Valeur diagnostique des examens dans la diverticulite ?

 

Les signes cliniques et biologiques de la diverticulite, non spécifiques (douleur abdominale, fièvre, troubles du transit, syndrome inflammatoire biologique), permettent d’orienter vers le diagnostic de diverticulite mais seule l’imagerie permet de l’affirmer.

 

Le cliché d’abdomen sans préparation (ASP) n’a aucun intérêt chez un malade suspect de  diverticulite du côlon.

 

Le lavement aux hydrosolubles ne permet le diagnostic de diverticulite qu’en cas de perforation ou de fistule. Sa principale limite est l’impossibilité d’étudier de façon directe l’atmosphère péri-colique. Il peut même s’avérer dangereux, à risque de perforation en période inflammatoire. Il n’est donc pas recommandé en première intention chez un patient cliniquement suspect de diverticulite.

 

La TDM abdomino-pelvienne, si possible injectée, est l’examen de référence. Elle a un rôle diagnostique et aussi pronostique lié à la recherche de signes de gravité scanographique : présence d’un abcès péri-colique et/ou présence de gaz ou de produit de contraste en situation extradigestive. Il est recommandé de réaliser cet examen à tous les patients cliniquement suspects de diverticulite du côlon et à chaque épisode afin :

 

·         d’établir le diagnostic positif : infiltration péri-colique avec diverticules

·         ou de poser un diagnostic différentiel

·         d’aider à la prise de décision thérapeutique en urgence (drainage d’un abcès, chirurgie en urgence) et à distance.

 

L’examen doit être réalisé dans les 24 heures suivant l’admission des patients hospitalisés ou dans les 72 heures suivant la suspicion diagnostique et la mise en route du traitement antibiotique pour les patients non hospitalisés. En cas de diverticulite non compliquée, les signes radiologiques disparaissent rapidement.

 

La coloscopie est classiquement contre-indiquée en urgence dans ce contexte. Elle s’envisage à distance de la poussée aiguë pour explorer l’ensemble du cadre colique, notamment en cas de doute diagnostique au scanner, avant sigmoïdectomie et chez les patients à risque élevé de cancer recto-colique.

 

(L’IRM n’est pas supérieure au scanner et d’accès plus difficile. L’échographie pelvienne peut écarter une pathologie annexielle en cas de doute.)

 

Traitement médical des diverticulites non compliquées

 

1.      Prévention primaire d’une poussée chez les patients ayant une diverticulose ?

 

Augmenter les fibres dans l’alimentation : INUTILE

Décontamination bactérienne : INUTILE

 

2.      Prévention secondaire de la survenue d’une poussée de diverticulite ? IDEM

 

En l’absence de preuves factuelles, il n’est pas recommandé de modifier la proportion en fibres du régime alimentaire ou de réaliser une décontamination bactérienne seule ou en association à un traitement par amino-salicylés, ou de prescrire des pro biotiques en prévention primaire ou secondaire de la diverticulite.

 

Cependant, l’utilisation des corticoïdes et des anti-inflammatoires non stéroïdiens doit être discutée compte tenu de leur effet potentiellement délétère sur la maladie diverticulaire.

 

3.      L’hospitalisation est-elle nécessaire ?

 

L’hospitalisation ne s’impose que devant une mauvaise tolérance clinique (signe d’irritation péritonéale, impossibilité de maintenir une hydratation orale, absence d’amélioration après 48 à 72 heures de traitement ambulatoire, impossibilité de surveillance ambulatoire, terrain fragilisé), et/ou en cas de signes de gravité scanographiques.

 

4.      Quelle antibiothérapie prescrire ?

 

En ambulatoire, il est recommandé d’utiliser en première intention une antibiothérapie orale associant une pénicilline A et un inhibiteur de bêta-lactamase ou en cas d’allergie une fluoroquinolone associé à un nitro-imidazolé pendant 7 à 10 jours. La durée est à évaluer en fonction de l’évolution.

 

En hospitalisation, il est recommandé d’utiliser une antibiothérapie, initialement intraveineuse, pendant une durée totale de 7 à 10 jours. La durée est à évaluer en fonction de l’évolution.

 

·         Pénicilline A/inhibiteur de bêta-lactamase                ou

·         Céphalosporines de 3e génération (cefotaxime, ceftriaxone) en association à un nitro-imidazolés.

 

En cas d’allergie aux bêta-lactamines

 

·         Association fluoroquinolone et nitro-imidazolé        ou

·         Association d’un aminoside et nitro-imidazolé        ou

·         Association d’un aminoside et d’un lincosamide.

Lors du relais oral, on peut utiliser le schéma ambulatoire.

 

Traitement des complications de la diverticulite (abcès, fistule et péritonite) ?

 

Leur prise en charge thérapeutique est conditionnée par l’état général du patient et par la gravité de l’infection intrapéritonéale évaluée en 4 stades dans la classification de Hinchey

 

Stade I            Phlegmon ou abcès péri colique

Stade II          Abcès pelvien, abdominal ou rétro péritonéal (péritonite localisée)

Stade III         Péritonite généralisée purulente

Stade IV         Péritonite fécale

 

1.      Indications

 

Stade I de Hinchey : en cas d’échec du traitement médical et/ ou du drainage sous guidage d’imagerie, le traitement chirurgical recommandé est la résection-anastomose éventuellement protégée par une stomie (C). La voie laparoscopique peut être utilisée.

 

Stade II de Hinchey : il est recommandé de drainer sous guidage d’imagerie les abcès de plus de 5 cm de grand axe (C) et de réaliser un prélèvement microbiologique.

 

En cas de succès, une résection sigmoïdienne est recommandée à distance, dans des conditions électives, par résection-anastomose.

 

En cas d’échec ou d’impossibilité de réalisation du drainage, un traitement chirurgical avec résection anastomose ± stomie de protection est recommandé (C).

 

Stade III de Hinchey : il est recommandé de réaliser une résection sigmoïdienne plutôt qu’une stomie de dérivation (B). Le choix entre résection-anastomose (± stomie de protection) et intervention de Hartmann dépend des conditions locales et générales du patient (C).

 

Stade IV de Hinchey : l’intervention de Hartmann est l’intervention de référence. La résection-anastomose protégée par une stomie peut être proposée à la place de l’intervention de Hartmann en fonction des conditions locales et générales (C).

 

2.      Fistule sigmoïdienne

 

Les fistules après poussée de diverticulite compliquée surviennent dans environ 10 % des cas. En cas de fistule sigmoïdovésicale, le traitement chirurgical est recommandé en privilégiant une résection-anastomose en 1 temps. La voie d’abord laparoscopique est possible dans cette indication.

 

3.      Traitement chirurgical à froid de la diverticulite sigmoïdienne

 

Après une poussée de diverticulite prouvée et traitée médicalement, la résection élective sigmoïdienne à froid a pour but de supprimer le risque de récidive (A). Ce risque est estimé à 30 % à 5 ans. Il est augmenté chez les patients de moins de 50 ans, et chez ceux présentant des signes de gravité à la TDM (abcès, fuite d’air et/ou de produit de contraste en extradigestif).

 

Il est recommandé de réaliser une chirurgie prophylactique après une poussée de diverticulite avec signes de gravité scanographiques (B).

 

En l’absence de signes de gravité scanographiques, le bénéfice réel de la chirurgie prophylactique, même après deux poussées, reste à évaluer. Pour cette raison, la chirurgie prophylactique, même après 2 poussées, ne doit pas être systématique.

 

Chez le sujet de moins de 50 ans, après une première poussée de diverticulite même sans signes scanographiques de gravité, du fait d’un risque plus élevé de récidive, la chirurgie prophylactique peut être proposée, mais son bénéfice est discuté.

 

Un délai d’environ deux mois est recommandé après la dernière poussée de diverticulite. Avant cette intervention, la coloscopie est recommandée pour explorer l’ensemble du cadre colique.

 

La résection sigmoïdienne prophylactique pour diverticulite doit être réalisée au mieux sous laparoscopie par un opérateur entraîné à cette technique (B). L’âge > 75 ans et l’obésité ne sont pas des contre-indications à la laparoscopie (B). La charnière recto sigmoïdienne doit être emportée avec la résection (C). L’extension de la colectomie en amont du sigmoïde n’est pas justifiée même en présence de diverticulose étendue au côlon car elle ne diminue pas le risque de récidive. De même, l’extension de la diverticulose sur le côlon ne modifie pas l’indication opératoire de sigmoïdectomie (C).

 

Prise en charge d’une hémorragie d’origine diverticulaire

 

Elle représente 25 à 40 % des causes d’hémorragie digestive basse. Dans plus de 85 % des cas, l’hémorragie diverticulaire cesse spontanément sous traitement médical conservateur et uniquement 35 % des patients nécessitent au moins une transfusion. Le taux de récidive hémorragique est faible après un premier épisode ne dépassant pas les 15 %, mais passe à 50 % après un second épisode.

 

Stratégie diagnostique en cas d’hémorragie digestive basse

 

Le but est de localiser le plus précisément possible le site hémorragique sur le côlon, afin de réaliser, si nécessaire, une chirurgie la plus limitée possible.

 

En cas d’hémorragie basse abondante et/ou mal tolérée, il faut réaliser :

·         une fibroscopie digestive pour éliminer une cause haute responsable du saignement

·         une anuscopie pour éliminer une cause basse évidente

La stratégie dépend ensuite du retentissement hémodynamique et/ou des besoins transfusionnels du patient (plus ou moins de 6 culots dans les 24 dernières heures).

En fonction de la disponibilité et des habitudes, peuvent être réalisées :

 

·         une coloscopie totale sur un côlon préparé pour tenter de préciser le siège et la cause de l’hémorragie. Un geste thérapeutique d’hémostase sur un diverticule peut être réalisé dans le même temps ;

·         une TDM avec injection iodée intraveineuse pour localiser l’origine du saignement sur le cadre colique ; elle tend à remplacer l’angiographie dans cette indication.

 

Stratégie thérapeutique en cas d’hémorragie d’origine diverticulaire

 

En cas d’état hémodynamiquement instable ou de dépendance transfusionnelle (plus de 6 culots dans les dernières 24 heures), un traitement actif est recommandé :

 

·         un traitement endoscopique, après une préparation colique rapide, peut être proposé en première intention ;

·         l’embolisation radiologique, dans les centres ayant l’expérience de cette technique, peut être proposée à la place du traitement endoscopique.

·         le traitement chirurgical en urgence est recommandé en cas :

 

Ø  d’impossibilité ou d’inefficacité des autres traitements.

Ø  d’une persistance ou d’une récidive précoce de l’hémorragie, avec transfusion massive ou répétée.

 

Cette chirurgie sera, dans l’idéal, une colectomie segmentaire après localisation préopératoire du site hémorragique ; la colectomie totale « à l’aveugle » doit être limitée aux seuls patients présentant des diverticules diffus du côlon et pour lesquels la localisation précise en préopératoire du saignement s’est révélée impossible.

 

Références:

 

·         Complications de la diverticulose colique : Recommandations

Gastroenterol Clin Biol 2007; 31: 3S5-3S10

·         Y Panis - Introduction Colon Rectum (2009) 3 : 4

·         E Buc - Recommandation sur la prise en charge des complications de la diverticulose sigmoïdienne Colon Rectum (2009) 3 : 5-9

·         M Zappa, V Vilgrain, M Zins - Quelle imagerie en urgence dans la diverticulite sigmoïdienne ? Colon Rectum (2009) 3 : 10-15

·          JL Dupas – Traitement médical de la diverticulite sigmoïdienne Colon Rectum (2009) 3 : 16-19

·         JH Lefevre, Y Parc – Colectomie élective pour diverticulite chez le patient âgé de moins de 50 ans ? Les arguments contre  Colon Rectum (2009) 3 : 27-29

·         L Maggiori, F Bretagnol, Y Panis – Diverticulite sigmoïdienne : pour la sigmoïdectomie à froid chez le sujet jeune  Colon Rectum (2009) 3 : 30-33