• Accueil
  • La polyarthrite rhumatoide

La polyarthrite rhumatoide



Docteur Frédéric MAURY

RHUMATOLOGUE

251 rue Faidherbe

62400 BETHUNE

 

                La polyarthrite rhumatoïde (PR) est certainement le rhumatisme inflammatoire qui  a connu le plus de nouveautés au cours de ces dernières années, avec notamment une révolution concernant les stratégies thérapeutiques qui visent actuellement la rémission, en recommandant l'instauration précoce du traitement le plus adapté associé à un contrôle rapproché de la maladie. Les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur la PR, accessibles sur son site internet, sont un témoignage officiel de cette évolution majeure.

 

Rappel épidémiologique

                La PR atteint 0,3 à 1% de la population générale. Elle peut survenir à tout âge, plus particulièrement entre 40 et 70 ans, avec une prédominance féminine (sex ratio 2,5/1). C'est une pathologie très hétérogène avec tous les degrés entre les formes bénignes non érosives, et les formes sévères, rapidement destructrices.

 

Pourquoi traiter tôt ?

                L'activité de la PR dans les trois premiers mois prédit la rémission à un an. Les patients bénéficiant d'un traitement de fond d'emblée ont à 2 ans une progression du score radiologique d'érosions plus faible par rapport à ceux ayant eu un traitement de fond différé : on parle de fenêtre d'opportunité propice à la mise en rémission. Cette notion est d'autant plus importante si la PR est agressive et comporte des facteurs de mauvais pronostic (voir plus loin les facteurs pronostiques).

 

A) LA PHASE DE DEBUT DE LA MALADIE : pas de temps à perdre!

                1) Diagnostic clinique initial : y penser!

                Il sera évoqué s'il existe plusieurs des signes cliniques caractéristiques suivants :

- raideur matinale > 30 minutes

- durée d'évolution des symptômes > 6 semaines

- arthrite d'au moins 3 articulations parmi les poignets, MCP ou IPP des mains

- douleur à la pression des métatarsophalangiennes

- atteinte symétrique

 

 

Dans d'autres situations, le diagnostic de PR pourra être suspecté devant une ténosynovite des fléchisseurs des doigts avec ou sans canal carpien, une monoarthrite du genou ou du poignet, des arthrites des épaules avec tableau de pseudo PPR... Les situations cliniques sont évidemment diverses dans la vraie vie!

 

                2)  CAT à la première consultation en médecine générale : on proposera un bilan minimal qui comportera :

 

- Bilan d'imagerie : radiographies des mains et poignets de face, des pieds de face et ¾ ainsi que des articulations symptomatiques

- bilan biologique : VS, CRP, Facteur rhumatoïde, Ac anti CCP

- diagnostic différentiel : NFS, transaminases, créatininémie, bandelette urinaire, Ac anti-nucléaires, radiographie de thorax

 

                3)  Avis spécialisé en rhumatologie en « urgence » en cas de suspicion d'arthrite

 

                Cet avis est nécessaire pour le diagnostic qui peut être difficile et l'instauration du premier traitement de fond  qui conditionne souvent la suite de la prise en charge: le rhumatologue confirmera le diagnostic, éliminera les diagnostics différentiels (connectivites, polyarthrites microcristallines, infectieuses...), demandera si nécessaire une imagerie complémentaire (échographie voire IRM) et instaurera le premier traitement de fond adapté au patient. Le réseau de soins dédié à la PR (réseau RIC Nord Pas de Calais) est un outil permettant les échanges rapides entre professionnels concernés par la PR et qui a permis de réduire considérablement le délai moyen de diagnostic de PR dans notre région depuis 5 ans.

 

                4)  Instauration du traitement de fond :

 

                Elle sera proposée par le rhumatologue, en accord avec le patient et son médecin traitant, les objectifs étant d'obtenir la rémission clinico biologique ou au moins un faible niveau d'activité résiduelle, ce qui permettra à moyen et long terme une prévention du handicap fonctionnel , une limitation des conséquences psychosociales et une amélioration de la qualité de vie. Les options thérapeutiques sont débattues paragraphe 6.

 

                5) La notion de suivi rapproché «(tight control) » :

                               Lors de la phase initiale, une évaluation mensuelle est requise jusqu'à rémission puis tous les 3 mois. Le rhumatologue recueillera le nombre d'articulations gonflées, douloureuses, la raideur matinale, l'EVA globale activité patient, la VS, pour calculer un indice composite (score DAS 28). La réponse au traitement de fond sera donc évaluée par ce score DAS 28.

 

                              

DAS 28 < 2,6 PR inactive

                               DAS 28 entre 2,6 et 3,2 : PR moyennement active

                               DAS 28 entre 3,2  et 5,1 : PR active

                               DAS 28 > 5,1 : PR très active

 

                On recherchera les effets secondaires des différents traitements, des manifestations extra articulaires éventuelles et on réalisera une surveillance radiologique tous les 6 mois la première année puis annuelle (recherche d 'érosions précoces).

 

                Le spécialiste effectuera une mesure du handicap fonctionnel (score HAQ, chiffré de 0 à 3) et proposera au médecin généraliste de réaliser une évaluation du risque cardio vasculaire puisque la PR est un facteur de risque CV supplémentaire.

 

                6)  Les facteurs pronostiques initiaux : ils déterminent la stratégie thérapeutique

-                                nombre d'articulations gonflées et douloureuses

-                                intensité du syndrome inflammatoire

-                                présence du facteur rhumatoïde

-                                présence d'Ac anti CCP

-                                présence d'érosions en imagerie

-                                score DAS 28 > 3,2

-                                score HAQ > 0,5

 

                7) Débuter le traitement de fond le plus précocement possible : mais quel traitement ?

                On ne peut bien entendu que donner de grandes lignes directrices car chaque malade est un cas individuel et le traitement sera adapté au cas par cas

 

a)  PR active sans signe de sévérité :

Ø METHOTREXATE per os en première intention (NOVATREX® 10 à 15 mg/semaine), associé aux folates (5 mg/ semaine à distance du méthotrexate), avec augmentation des doses toutes les 4 à 8 semaines en fonction de la clinique et de la tolérance (maxi 0,3 mg/kg/sem. soit généralement 20 à 30 mg/sem.). En cas de réponse insuffisante, le recours à la voie parentérale (SC ou IV peut se discuter : METOJECT®).

Ø Gestes locaux si  nécessaires (infiltrations, synoviorthèses...)

Ø Leflunomide (ARAVA® 20 mg/j) ou salazopyrine (2 à 3 g/j) si contre-indication au méthotrexate

 

b)  PR d'emblée SEVERE, avec plusieurs facteurs pronostiques défavorables :

Ø Il existe une possibilité d'associer d'emblée un traitement anti TNFa (infliximab ou etanercept ou adalimumab) au méthotrexate dans de rares cas de PR particulièrement sévères d'emblée.

                8)  Place des Corticoïdes dans la PR débutante : attention!

                La corticothérapie ne doit pas être prescrite sans avis spécialisé, mais éventuellement et uniquement dans l'attente de l'effet des traitements de fond, de manière transitoire, à la dose minimale efficace, ne dépassant pas 10 mg/j de prednisone. Elle ne sera prescrite qu'en association à un traitement de fond après confirmation diagnostique. Le risque de corticodépendance est réel si la stratégie thérapeutique n'est pas bien expliquée au malade et l'augmentation du risque cardio vasculaire inhérent aux maladies inflammatoires chroniques doit nous rendre encore plus prudents.

 

 

 

B) LA PR EN PHASE D'ETAT :

                1) objectifs du traitement de fond : soyons exigeants

-        rémission (DAS 28 < 2,6) ou faible niveau d'activité DAS 28 < 3,2) stable dans le temps

-        prévention et contrôle des lésions structurales radiologiques

-        contrôle de la douleur, amélioration de la qualité de vie, prévention du handicap

-        limitation de l'effet délétère des traitements.

 

2) pourquoi changer de traitement de fond ? On en discutera si

-        effets indésirables

-        insuffisance d'efficacité (jugée entre 12 et 24 semaines)

-        échappement thérapeutique

-        impossibilité de réduire une corticothérapie

-        insuffisance d'efficacité structurale (radios comparatives)

 

Plusieurs situations vont se succéder chez un même malade au cours du temps:

                               a) QUE FAIRE EN CAS D'ECHEC AU PREMIER TRAITEMENT DE FOND PAR METHOTREXATE?

                Les options sont nombreuses et ne peuvent être catégoriques. L'utilisation des traitements ciblés anti TNFa apparaît cependant logique dans cette situation en l'absence de contre-indication.

 

1)      méthotrexate associé à un anti TNFa si PR très active (DAS > 5,2) ou corticodépendance ou aggravation radiologique

 

·         ETANERCEPT (ENBREL®) : biothérapie anti récepteur soluble du TNFalpha, tt ambulatoire, SC, 50 mg/semaine

·         ADALIMUMAB (HUMIRA®) : biothérapie anti TNFa (Ac humanisés), tt ambulatoire, 40 mg/14 jours, SC

·         INFLIXIMAB (REMICADE®) : biothérapie anti TNFa (Ac chimériques), hospitalier, 3 à 5 mg/kg/8 semaines, voie IV

 

2) ARAVA® (leflunomide) ou SALAZOPYRINE® (sulfasalazine) si PR peu active (DAS 28 entre 3,2 et 5,1)

 

                               b) QUE FAIRE EN CAS D'ECHEC AU  TRAITEMENT DE FOND PAR METHOTREXATE associé à  UN ANTI TNFa?

 

                               Cette situation est loin d'être exceptionnelle puisque l'on estime qu'environ 30% des patients ne répondent pas à un premier traitement anti TNFa essayé suffisamment longtemps (3 à 6 mois)

 

1) Le plus souvent, on essaiera un deuxième anti TNFa en association à un traitement de fond conventionnel

 

2) Des alternatives sont maintenant disponibles grâce à des stratégies thérapeutiques innovantes faisant appel au  METHOTREXATE associé à  une autre biothérapie

 

·         RITUXIMAB (MABTHERA®) : biothérapie anti CD20 (anti lymphocytaire B) : perfusions IV de 1 gramme, hospitalières, à J0, J 14  puis en moyenne 1 fois par an

·         ABATACEPT (ORENCIA®) : biothérapie bloquant la coactivation du lymphocyte T, voie IV, hospitalière, 1 fois par mois

·         Très prochainement (2009) : biothérapie anti IL6

 

C) ROLES DU MEDECIN GENERALISTE dans la PR

 

1.                               Connaître les effets secondaires des traitements, en particulier du méthotrexate, du leflunomide et des biothérapies anti TNFa. On insiste essentiellement sur le risque augmenté de maladie infectieuse (bactérienne, virale, mycosique...) et la surveillance dermatologique des tumeurs cutanées non mélaniques. Le risque principal du méthotrexate est la survenue d'une pneumopathie allergique d'hypersensibilité (fièvre, toux sèche, dyspnée) justifiant l'arrêt immédiat du traitement et un avis spécialisé urgent.

 

2.                               Connaître les surveillances biologiques obligatoires en particulier pour le méthotrexate et le léflunomide. Pour le méthotrexate, NFS, transaminases, créatininémie tous les mois les trois premiers mois puis tous les 1 à 3 mois ensuite.

 

3.                               Savoir faire arrêter un traitement transitoirement en cas de surinfection, de chirurgie programmée ou non programmée. Il n est pas nécessaire d'interrompre le méthotrexate en cas d'intervention de chirurgie orthopédique mais il faudra arrêter les anti TNF avec l'accord du rhumatologue.

 

4.                               Informer les autres spécialistes de la spécificité des traitements de la PR (chirurgiens, anesthésistes, urgentistes...); importance du dossier médical partagé fourni par le réseau RIC Nord Pas de Calais (chaque patient possède un classeur personnalisé relatant ses traitements).

 

5.                              Connaître les spécificités des traitements de la PR concernant les vaccinations, le désir de grossesse ou le désir de procréation chez l'homme. De façon générale, tous les vaccins vivants seront contre indiqués sous immunosuppresseurs au contraire des vaccins tués. L'utilisation du méthotrexate, du leflunomide et des anti TNF rend nécessaire l'utilisation d'une contraception chez la femme en âge de procréer.  Sous  méthotrexate, il faudra 3 mois d'arrêt avant conception (homme comme femme). La grossesse est  possible après arrêt de l'enbrel (3 semaines), humira (3 mois), remicade (3 mois). Il n'y a pas de contre indication à la conception pour l'homme sous anti TNFa.

 

6.                               Penser aux comorbidités, en particulier cardiovasculaires, ostéoporotiques voire tumorales. La PR est un facteur de risque d'ostéoporose reconnu. La pathologie cardiovasculaire est la cause principale d'augmentation de la mortalité dans la PR. Le surisque de lymphomes au cours de la PR est connu et estimé à 2 par rapport à la population générale.

 

D) CONCLUSION et  MESSAGES CLES

 

- il existe une fenêtre d'opportunité au début de la maladie rendant licite un traitement intensif et précoce dans l'espoir de mettre la maladie en rémission ou en très faible activité

 

- les exigences thérapeutiques ont été modifiées par l'arrivée sur le marché de nouvelles thérapeutiques, en particulier anti TNFa

 

- on ne doit plus seulement soulager le patient mais aussi voir plus loin et prévenir les destructions articulaires donc les déformations, le handicap et la chirurgie

 

- la présence conjointe de facteurs rhumatoïdes et d'Ac anti CCP chez un malade présentant une ou plusieurs arthrites rend hautement probable le diagnostic de PR

 

- le méthotrexate est le traitement de fond de référence de la PR, seul ou en association

 

- il existe un risque de 1% d'allergie pulmonaire sous méthotrexate (grave)

 

- grossesse et méthotrexate : 3 mois d'arrêt avant conception (homme comme femme)

 

- le risque néoplasique n'apparait pas augmenté sous anti TNFa après 10 ans d'utilisation, à l'exception des cancers cutanés non mélanomateux

 

- le risque infectieux sous anti TNFa est augmenté

Penser aux infections, surtout au début du traitement

Vacciner annuellement contre la grippe

Vacciner les malades tôt contre le pneumocoque

Respecter les règles de prévention de la tuberculose avant de démarrer un anti TNF a

 

- grossesse et anti TNFa : possible après arrêt de l'enbrel (3 semaines), humira (3 mois), remicade (3 mois)

 

- il existe clairement une augmentation du risque cardiovasculaire dans la PR (x 1,5 à 2)

 

 

Bibliographie

 

1- Polyarthrite rhumatoïde : recommandations professionnelles de l'HAS (septembre 2007) ; téléchargeables sur www.has-sante.fr

 

2- Traitements anti-TNF alpha et suivi de la tolérance : fiches élaborées par le Club Rhumatismes et Inflammation (CRI), section de la Société Française de Rhumatologie (SFR),  Rev. Rhum. Nov. 2008 Vol 75 Hors série n°5

 

3- Utilisation du méthotrexate dans la Polyarthrite rhumatoïde : établissement de recommandations pour la pratique clinique à partir de données de la littérature et d'opinions d'experts. S. Pavy et al. Rev. Rhum. Nov 2005 Vol 72 Suppl. 2,  pp S25-S60

 

4 -  L'évaluation clinique et biologique dans la prise en charge de personnes souffrant de PR. T Pham et al, Rev. Rhum. , Nov 2004 ,Vol. 71, suppl.5, pp S123-S156

 

5 – Le site du CRI Club Rhumatismes et Inflammation www.cri-net.com , avec toutes les fiches téléchargeables concernant les anti TNF alpha

 

6 – le site de la SFR Société Française de Rhumatologie www.rhumatologie.asso.fr