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Le suivi de la femme en périménopause

Le suivi de la femme en périménopause

Dr Katty Ardaens, Hopital Jeanne de Flandre ,  Lille

Cabinet de gynécologie, Seclin.



La périménopause  correspond à la période qui commence avec les premiers signes d’insuffisance ovarienne biologiques et/ou cliniques et se termine à la ménopause, soit après  1 an d’aménorrhée. C’est une période de transition, après  des années de vie « génitale » harmonieuses , tout au moins pour des femmes « normales », qui annonce la faillite définitive et inéluctable de la fonction ovarienne : la ménopause.

Cette phase de transition est une période de turbulence hormonale où alterneront des périodes quasi normales sur le plan biologique ou clinique , des périodes d’hyperoestrogénie et des périodes d’hypooestrogénie. Elle dure généralement plusieurs années et peut débuter plus ou moins tôt dans la vie d’une femme. Elle sera plus ou moins bruyante et peut être vécue assez péniblement par certaines. Elle ne doit être traitée que s’il existe des manifestations cliniques .



Physiopathologie et traduction clinique.


1. La première phase de la périménopause ou périménopause précoce : « ambiance hyperoestrogènique. ». Cycles normaux ou courts.

Le vieillissement ovarien correspond à une diminution qualitative et quantitative du stock folliculaire  qui se traduit avant tout par des perturbations endocriniennes avec baisse de la production d’inhibine B par les cellules de la granulosa et levée du rétrocontrôle négatif exercé par l’inhibine B sur la FSH . Ce phénomène  s’accélère après 40 ans .Cette élévation de la FSH est variable d’un cycle à l’autre . Il peut y avoir des cycles quasi normaux , mais l’élevation de la FSH est souvent à l’origine d’une hyperstimulation « endogène » des ovaires . Les conséquences sont doubles :

      àMaturation folliculaire accélérée dans le temps et parfois maturation multifolliculaire ( risque de grossesse gémellaire) d’où un raccourcissement de la phase folliculaire  qui se traduit en clinique par un raccourcissement des cycles.

     à Hyperoestrogènie par hyperactivité de l’aromatase produite par  les cellules de la granulosa sous l’effet de la FSH. Cette hyperoestrogénie s’observe en préovulatoire  et au cours de la phase lutéale. Elle explique les différents signes cliniques  que résume le syndrome prémenstruel : mastodynies, gonflements , voire prise de poids par rétention hydrosodée, pesanteur pelvienne,  troubles de l’humeur avec angoisse, anxiété , agressivité.

Au delà de ces signes fonctionnels, l’hyperoestrogénie peut avoir des répercussions organiques :

  à sur l’endomètre (hyperplasie, ménométrorragies) , voire hyperplasie atypique qui pourra faire le lit de l’adénocarcinome de l’endomètre.

  àsur le myomètre (augmentation de volume de fibromyomes, révélation d’une adénomyose sous jacente jusqu’alors silencieuse)

  àsur le sein , majoration d’une mastopathie polykystique.

Dans la phase précoce de la périménopause , l’ovulation est conservée mais de moins bonne qualité et le corps jaune est dit « inadéquat ». La sécrétion de progestérone diminue et cette baisse contribue à majorer le syndrome prémenstruel. Toutes ces perturbations concourent à la baisse de la fécondité ,


2. La deuxième phase de la périménopause ou périménopause tardive : « ambiance hypooestrogènique.». Cycles courts et surtout rallongés.

Au fur et à mesure , l’ovaire s’épuise de plus en plus . Le stock folliculaire s’amenuise toujours davantage et les follicules restants deviennent de plus en plus résistants aux gonadotrophines même à un niveau élevé. Toutefois ,  il peut persister quelques follicules « corrects » qui seront encore récepxifs à cette stimulation et une grossesse n’est pas impossible. Mais les cycles deviendront majoritairement anovulatoires et auront tendance à se rallonger. La tendance est plutôt à l’hypooestrogénie avec les signes fonctionnels qui en découlent. : bouffées vasomotrices , suées volontiers nocturnes , troubles du sommeil ( réveil en deuxième partie de nuit , difficultés de rendormissement, sécheresse vaginale, manque d’intérêt sexuel, troubles urinaires) .

Ainsi alterneront des cycles courts quand le follicule mature, mais trop vite, et des cycles longs anovulatoires qui domineront le tableau clinique , quand le follicule a perdu toute récepxivité à la FSH.

Ainsi cette périménopause se traduit par une anarchie des cycles avec alternance de ces phases hyper-hypo qui déroutent les femmes et parfois les cliniciens .

Comment affirmer la périménopause ?

Le diagnostic de périménopause est essentiellement  clinique et se fait à l’interrogatoire., à la recherche de tous les signes précités. Si , classiquement , la FSH s’élève dans cette période , elle est extrêmement variable d’un cycle à l’autre comme nous le verrons dans les cas cliniques. Le dosage de LH est inutile . Le dosage de l’AMH ( Hormone Anti Mullerienne  ) n’a d’intérêt que dans un contexte d’infertilité, il est beaucoup plus fiable que la FSH et peut être réalisé à n’importe quel jour du cycle. A ce jour , il n’est pas remboursé.


Quelle prise en charge en périménopause ?

Le praticien aura à s’adapxer à chaque cas de figure et le traitement se fera vraiment «  à la carte ».

Plusieurs situations cliniques sont à envisager :

àla patiente n’est pas sympxomatique ou très peu , elle n’est pas  gênée par ses troubles encore modérés et l’abstention est de rigueur.

            à les sympxômes sont gênants et leur gestion est à adapxer au cas par cas.

            à le problème est aussi celui de la contracepxion, qui est proche de celui de la contracepxion après 40 ans.

L’objectif de cette prise en charge est le bien être de la patiente, la prévention de certaines pathologies ( hyperplasie endométriale) et le contrôle de pathologies bénignes préexistantes ( fibromyomes, adénomyose, mastopathies).

Cette période peut être l’occasion de réaliser un examen gynécologique avec frottis. La pesée est incontournable , ainsi que la prise de la TA. La mise en garde sur une prise de poids  fréquente à cet âge, assortie des conseils habituels est toujours utile.

On pourra rarement se dispenser d’examens complémentaires. Un bilan métabolique est indispensable à la recherche d’un syndrome métabolique. Devant des ménorragies , il faudra doser la NFS, la ferritine et la TSH. En cas de ménométrorragies, l’ échographie est l’examen de première intention complétée éventuellement par l’hystérosonographie en cas de doute sur un polype , la biopsie d’endomètre en cas d’hypertrophie à l’écho ou chez la femme de plus de 45 ans . La mammographie en cas de mastose est bien sûr nécessaire.

Dans certains cas ( antécédents familiaux d’ostéoporose, long passé d’anorexie mentale, prise prolongée de corticoïdes…),une DMO peut être  prescrite.

1.Le traitement du syndrome prémenstruel et la prévention de l’hyperplasie endométriale.

 

 à au minimum , un traitement progestatif de 2è partie de cycle en privilégiant les progestatifs dérivés de la progestérone , de la rétroprogestérone , ou de la 19 nor P, du 16è au 25è jour du cycle., ou du 14è au 25è jour Ils peuvent avoir un effet bénéfique sur les sensations de gonflement abdomino-pelvien et présentent l’avantage de régulariser les cycles .Mais ils sont rarement suffisants si le SPM est sévère et il faudra passer à un traitement plus offensif.

 

Le traitement antigonadotrope. , du 5è au 25è jour du cycle :

            * les oestroprogestatifs peuvent représenter une solution confortable , même en l’absence de besoin contracepxif et sous couvert du respect des contre indications nombreuses dans cette tranche d’âge. Ce sujet sera détaillé dans le chapitre contracepxion.

             * le traitement par macroprogestatifs à dose antigonadotrope : il permettra de traiter l’hyperoestrogénie en freinant l’axe gonadotrope  et d’assurer la contracepxion. Il faut recourir aux progestatifs les moins anabolisants possibles , cad les dérivés pregnane (acétate de chlormadinone, médrogestone, acétate de cyprotérone), ou de la 19 Nor progestérone ( Nomac, Promégestone) . Théoriquement, des menstruations surviennent à l’arrêt de la séquence progestative, 3-4j plus tard. Le plus simple est de proposer un schéma  21j-7j d’arrêt , comme la pilule. Il est à noter que ces progestatifs n’ont pas l’AMM dans cette indication. Au fur et à mesure du temps, l’hypooestrogènie commencera à se manifester et  il faudra alors ajouter de petites doses  d’oestrogène  naturel .C’est le traitement de freinage-substitution (TFS).

 

à les  traitements non hormonaux : les IRSS peuvent avoir une place dans le traitement du SPM


2. Le traitement de l’hypooestrogénie.

Il repose sur le traitement de freinage-substitution (TFS). En effet , il est encore trop tôt pour prescrire un traitement de la ménopause qui n’est pas encore installée :  si les phases d’hypooestrogénie deviennent de plus en plus fréquentes , il existe encore des périodes de normo voire d’hyperoestrogénie . Les oestrogènes exogènes associés aux oestrogènes endogènes seraient très mal tolérés et à l’origine de signes cliniques divers : mastodynies , ménométrorragies voire aggravation de pathologies sous jacentes ( myomes , mastopathies).

Il faut donc maintenir le principe de freination par les progestatifs macrodosés déjà cités, du 5è au 25è jour du cycle et y associer de petites doses d’estradiol naturel ,en fin de séquence progestative,  les 10 derniers jours du progestatif, p.o. ou par voie transcutanée. Au fur et à mesure du temps, l’hypooestrogénie va se majorer , les signes cliniques réapparaissent et il faudra augmenter progressivement la séquence oestrogènique ,les 15 derniers jours du progestatif , puis pendant toute la séquence progestative. Cette adapxation thérapeutique nécessite un suivi régulier et  repose uniquement sur l’interrogatoire , l’objectif étant avant tout le confort de la patiente et le traitement des signes fonctionnels . Les dosages sont inutiles. La survenue de menstruations n’est pas une nécessité en soi.


3. La contracepxion.

            àLes OP doivent être utilisés dans des cas restreints aux patientes indemnes de toute contre indication classique . La préférence va aux OP minidosés à 20µg de 2G , ou OP contenant du 17B estradiol , bien qu’ils ne soient pas recommandés par l’HAS. Pourtant, ils sont finalement très proches du TFS  puisque les progestatifs retrouvés dans ces associations sont le Nomac pour l’un d’entre eux,  dans l’autre il s’agit du Diénogest.

            àLa contracepxion par progestatifs purs est préférable dans cette période où l’on est souvent confronté à des pathologies cardio-vasculaires ou métaboliques .

                   - les microprogestatifs : désogestrel 75 µg, en continu ou l’implant contracepxif à l’étonogestrel : avantage , quasiment pas de C.I., mais risque de mauvais contrôle des cycles ( métrorragies). De plus , cette contracepxion ne permettra pas de gérer les périodes d’hypooestrogènie qui ne tarderont pas à apparaître. Mais ils peuvent représenter une solution transitoire.

                  - le SIU ou DIU au levonorgestrel est une contracepxion particulièrement confortable dans cette situation : peu de C.I. ; il va « gommer » les troubles des cycles et les ménométrorragies en induisant une hypoménorrhée voire une  aménorrhée. Il a un effet curatif sur l’hyperplasie endométriale fréquente à cette période. En cas d’hypooestrogénie, il est très facile d’adjoindre de petites doses d’oestrogènes de préférence par voie transcutanée plus facile à moduler en fonction des signes cliniques. Seul inconvénient , les patientes à forte sympxomatologie mammaire qui relèvent de progestatifs macrodosés.

     * Le DIU–Cu n’est pas le meilleur choix en raison du fréquent raccourcissement des cycles et de la tendance ménorragique . Par contre , s’il est bien toléré , il n’ y a pas de raison de l’enlever.

      *La stérilisation par la méthode ESSURE est toujours possible mais ne règle en rien les troubles de la périménoapuse.


4. Les cas particuliers.

Au delà des troubles fonctionnels , il existe souvent des pathologies organiques associées qui compliqueront la prise en charge.

 

    * Les fibromes . asympxomatiques , ne changent rien à la prise en charge. S’ils se manifestent par des ménométrorragies,  hors myomes sous muqueux de sanction chirurgicale, ils peuvent être contenus par le T.F.S. ou le SIU, dans la mesure où la cavité n’est pas trop déformée.

    * L’adénomyose : T.F.S. ou SIU.

    * L’hyperplasie endomètriale : T.F.S. ou SIU.

    * La mastopathie fibrokystique : T.F.S.


De la périménopause à la ménopause.

Finalement , la difficulté sera d’affirmer le statut de ménopause confirmée   ce diagnostic  est difficile car ,même après de longues périodes d’hypooestrogénie, une reprise de l’activité ovarienne est toujours possible. Sous T.F.S.,  progressivement , l’aménorrhée va s’installer et les signes d’hypooestrogénie  reprenant , il faudra augmenter  la séquence oestrogénique.  Après plusieurs cycles d’aménorrhée, on pourra présumer de l’authenticité de la ménopause et basculer vers un traitement hormonal classique de la ménopause , si la patiente le souhaite. Une autre possibilité est celle de faire une fenêtre thérapeutique  avec test aux progestatifs. Toutefois, il n’est pas rare de se faire surprendre par quelques derniers soubresauts ovariens avec  réapparition de signes d’hyperoestrogénie ( mastodynies, ménométrorragies).



En conclusion, la périménopause est une période de transition souvent pénible pour la patiente. Les turbulences hormonales peuvent être très inconfortables et majorées par la révélation ou l’aggravation de pathologies gynécologiques associées. Des troubles de l’humeur , voire d’authentiques syndromes dépressifs , aggravent la situation. L‘interrogatoire est le meilleur des examens , les dosages hormonaux étant trop fluctuants à cette période . Le traitement repose sur le T.F.S. qui associe progestatifs pregnane ou norpregnane à l’estradiol naturel. Le SIU peut être très pratique et simplifier la prise en charge thérapeutique. Ces 2 opxions permettent par la même occasion d’assurer la contracepxion , une grossesse étant toujours possible , bien que peu probable , mais tellement redoutée par les patientes et souvent à risque. L’évolution vers un THM ( Traitement Hormonal de la Ménopause ) se fera au cas par cas, en fonction de leur souhait .



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