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Dépistage et surdiagnostic- Liberté de prescription et surmédicalisation

Dépistage et surdiagnostic. Liberté de prescription et surmédicalisation

 

Traquer une maladie présente ou à venir est toujours présentée comme la garantie d’un bénéfice certain  Plus on dépiste tôt, plus la maladie sera prise «à la racine» et guérie ou au moins mieux prise en charge.

Nous sommes à l’ère du dépistage, tous azimuts  avant la conception, après la naissance, à l’âge de la maturité et lors de la sénescence.

En un mot la médecine a pour finalité première de chercher les signes annonciateurs prédictifs ou signifiants d’une pathologie. Elle s’engouffre dans cet espace sans fin, nourrie d’images, de chiffres, de statistiques collectives qui s’emparent de la singularité.

Quel avenir plus radieux que cet usage généralisé de toutes les technologies possibles, disponibles sans fin pour protéger l’humain de l’adversité ?

Veut on prédire les caractères prédictifs de la rupture d’une plaque d’athérome  dans la carotide ? La recherche se passionne, l ’argent afflue et l’embarras commence … Car les circonstances qui vont favoriser cette rupture sont si complexes que le découragement s’empare des chercheurs, à moins d’une innovation médicamenteuse qui profitera des études pour proposer ses services, en réduisant la complexité au bénéfice de son usage.

Le dépistage est un diagnostic précoce pas une prévention !

Ainsi dépister n’a de sens pour la médecine que si elle mobilise son expertise, son savoir faire technique. L’utilité réelle est seconde.

L’exemple récent de l’interrogation, suivie du découragement courageux par l’HAS de l’intérêt du dosage du PSA dans le dépistage du cancer de la prostate, est paradoxalement une avancée à l’honneur de la médecine. Encore que la dernière conférence de consensus de 1995 sur le dépistage du cancer de la prostate avait conclu de façon identique. Mais il a été bien difficile d’aller à l’encontre du marché du dépistage, qui n’en a pas tenu compte, marché  toujours difficile à interrompre. Le marché  du futur compte sur le dépistage plus que sur les traitements.

Mais s’intéresse-t-il à la  prévention ? Assurément non.

La médecine parle avec ferveur sans cesse de prévention mais n’y voit guère son intérêt. Pourra-t-elle breveter une prévention ? Quelle technologie y sera utilisée ? Une vraie prévention a besoin de l’apport des autres sciences sociales : anthropologie, ethnologie, psychologie, pour imaginer et scénariser des pratiques innovantes qui prennent en compte la complexité ses comportements.

Mais ce n’est plus de la médecine. Que la pauvreté et les comportements sociaux soient à la source de plus de maladies que les gênes n’intéresse pas la médecine, la prévention  si !

Dépister sera toujours préféré à prévenir, traquer à accueillir.

La vraie prévention est l’intelligence de la médecine,  son humilité, sa vision à long terme. Le dépistage, loin d’être inutile bien sûr, en est sa figure spectaculaire, valorisante à court terme. Mais dépister est bien loin de prévenir…

 

La surmédicalisation est un des symptômes les plus marquants de notre culture, envahie par le marché qui prend au piège le Politique et le Droit. La médecine devient plus défensive que mue par le discernement.

Ainsi la répétition des frottis vaginaux  en-deçà de 5 ans n’a aucun sens, et en tout cas encore moins avant 25 ans (en raison des faux positifs), pas plus que la surveillance échographique régulière des nodules thyroïdiens, que le contrôle du PSA (1408 examens pour dépister un cancer dont l’évolutivité est inconnue), que la radio du crâne après un traumatisme, que le dosage des marqueurs tumoraux, que l’électrophorèse systématique des protéines, que la recherche des anticorps anti Epstein-Barr devant une fatigue, que l’IRM des genoux pour l’arthrose. Ne pas oublier qu’il faudra examiner 2000 femmes pendant 10 ans pour éviter la mort par cancer du sein  d’une seule femme … Avec un risque de sur-traitement, de fausses alertes.

Mais le dogme de « dépister tôt, c’est mieux » est considéré comme une évidence et un progrès définitif !

La question contemporaine demeure de la liberté  pour un médecin de dire «NON» ou de la soumission aux désirs toujours croissants des consommateurs dans la désinvolture économique la plus irresponsable.