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Les pathologies du muscle

Crampes musculaires

 

Docteur Philippe MEYNIEU

 

 

Définir la crampe musculaire

 

On donne usuellement comme définition à la crampe une contraction musculaire soudaine inconfortable ou douloureuse, durant quelques secondes à plusieurs minutes avec en général une raideur à la palpation du muscle concerné.

L'étirement du muscle ou la contraction du muscle antagoniste permet de résoudre rapidement celle-ci.

La première difficulté pour l'examen d'un patient se plaignant de douleurs ou spasmes musculaires est de savoir s'il s'agit bien de crampes ou d'un autre symptôme. Des perturbations neurologiques ou musculaires peuvent provoquer des sources d'inconfort musculaire ou des douleurs, des spasmes  de toutes sortes.

En électromyographie, la crampe se caractérise par des décharges répétées de potentiels d'unités motrices à haute fréquence >150/sec. Le nombre d'unités motrices activées et leur fréquence d'activation augmente graduellement pendant la crampe puis redescend graduellement avec un train de décharge irrégulier jusqu'à la fin de la crampe.

 

Physiopathologie de la crampe

 

Les études EMG ont permis de montrer que les crampes ont pour origine la décharge spontanée des neurones moteurs, plutôt que provenant du muscle lui même.

 

Étiologies des crampes

 

Crampes d'origine bénigne :

Crampes nocturnes du sujet âgé : Il s'agit de crampes qui réveillent la nuit concernant les pieds et les mollets, pouvant prendre un caractère invalidant.

Crampes liées à l'exercice : Elles surviennent souvent au début d'un programme sportif. Une étude auprès d'étudiants débutant un programme sportif a montré que des crampes survenait chez 95 % d'entre eux. Elles peuvent survenir pendant l'exercice ou après celui-ci.

Les lésions nerveuses périphériques peuvent entraîner des crampes, notamment la SLA, le syndrome post poliomyélite, les neuropathies motrices multifocales, lésions nerveuses, radiculopathies, polyneuropathies. Un des éléments clef du diagnostic sera de déterminer si il y a une faiblesse musculaire, une amyotrophie ou des fasciculations.

Parmi les désordres métaboliques responsables de crampes on compte le troisième trimestre de la grossesse (30 % des femmes enceintes), parfois les crampes perdurent quelques semaines après l'accouchement. Au cours d'une hypothyroidie on peut constater des crampes chez 20 à 50 % des patients. Les crampes nocturnes surviennent chez 50 % des patients présentant une hyperurémie. Les maladies hépatiques, la cirrhose augmente la survenue de crampes.

Un travail musculaire intense dans un environnement chaud peut provoquer des crampes. La réhydratation par de l'eau simple ne résout pas ces crampes qui nécessitent l'apport de sel.

Du fait d'une déplétion brutale du volume extracellulaire, un patient sur trois en hémodialyse se plaint de crampes qui surviennent souvent en fin de la séance de dialyse.

Parmi les causes iatrogènes on retiendra les statines, les agonistes Bêta adrénergiques, le clofibrate, les diurétiques.

Parmi les causes spécifiques on peut mentionner le « syndrome crampes-fasciculations » du à des anticorps anti canaux potassiques voltages dépendant, le syndrome de Satoyoshi, rare, d'origine autoimmune. De même il existe des causes héréditaires rares où les crampes débutent depuis l'adolescence.




Diagnostics différentiels :

 

Les douleurs musculaires dans leur ensemble sont qualifiées de myalgies.

On distinguera de plus d'autres phénomènes comme les myotonies, les contractures, les tétanies ou les dystonies focales qui ne sont pas des crampes malgré les termes « crampe de l'écrivain » ou « crampe du musicien ».

 

Évaluation des patients avec de vraies crampes :

 

Après avoir déterminé s'il s'agit de vraies crampes, le défi est d'en identifier la cause. L'histoire clinique et l'examen demeurent la clé du diagnostic étiologique mais des petits détails peuvent apporter un éclairage utile. Par exemple les crampes qui ne surviennent qu'aux mollets et aux pieds la nuit chez un sujet âgé concerne en général des crampes nocturnes bénignes. Des crampes généralisées dans la journée, survenant au moindre effort vont plutôt faire évoquer une maladie du motoneurone. De même la plupart des crampes seront d'étiologie bénigne en l'absence de faiblesse musculaire et d'atrophie. Lorsque les crampes surviennent pendant un effort physique, les apports hydriques et sodiques ainsi que la température seront des facteurs importants. Les fasciculations peuvent être associées à toutes causes de crampes, mais se voient plus fréquemment dans les cas d'altération des neurones moteurs, si elles ne sont pas évoquées par le patient, on les recherchera. On recherchera une histoire familiale de crampes même si les causes héréditaires sont rares. Une perte sensitive révélera une polyneuropathie. Des signes neurologiques centraux tels que des réflexes vifs une spasticité ou des signes pyramidaux feront évoquer une SLA. L’hypothyroïdie peut donner des signes spécifiques.

La suspicion d'une atteinte des neurones moteurs fera réaliser un EMG. L'EMG pourra faire la différence entre des crampes et une myotonie ou une tétanie, et pourra déterminer l'étiologie.

Les examens biologiques utiles sont l'urémie, la créatininémie, la natrémie, bicarbonates, kaliémie, magnésémie, CPK et TSH.

Les CPK peuvent être élevées si les crampes sont fréquentes sans que cela implique une maladie musculaire.

 

Traitement :

 

Traitements non pharmacologiques :

Tout le monde en a déjà fait l'expérience : l'étirement du muscle concerné ou l'activation du muscle antagoniste fait céder rapidement la crampe. De même l'étirement régulier est une stratégie préventive utile. Par exemple une étude a montré que des étirements réguliers trois fois dans la journée permettent de réduire très significativement les crampes nocturnes du sujet âgé. Les étirements avant un exercice sont efficaces pour limiter les risques de crampes. Des exercices modérés et réguliers sont efficaces contre les crampes au cours de la grossesse. Les crampes survenant au cours d'un effort prolongé ou dans un environnement chaud sont prévenues par des apports hydriques associés à du sodium (50 mmol/l), ou des solutés riches en électrolytes comme il s'en vend maintenant dans les magasins de sport ou en grande surface. Toutefois en général ces solutés contiennent moins de sel (10 à 25 mmol/l) pour être plus buvables et sont donc moins efficaces.

Traitements pharmacologiques :

Le sulfate de quinine n'est plus utilisé pour le traitement des crampes en raison d'une balance bénéfice-risque défavorable.

Peu d'études médicamenteuses ont été réalisées, néanmoins on peut retenir l'efficacité de la gabapentine.

Les crampes du troisième trimestre ont fait l’objet de peu d'études, seul les apports en magnésium ont montré un bénéfice modéré.

Une étude a montré que la prise de créatine mono-hydrate pendant une hémodialyse réduit de 60 % la survenue de crampes. Les apports en électrolytes, en vitamine E ou en L-carnitine sont aussi efficaces pour réduire le risque de crampes au cours de l'hémodialyse.

Une étude portant sur des joueurs de football montrait une réduction de l'incidence des crampes par un apport en créatine.

Une étude de 1988 rapportait l’efficacité du Verapamil lors des crampes réfractaires à la quinine.

Pour les crampes survenant au cours d'une cirrhose, la vitamine E réduit la fréquence des crampes.

La vitamine E n'a pas montré d'efficacité en dehors des cas d'insuffisance rénale ou hépatique.

Pour la SLA, aucun traitement n'a montré d'efficacité contre les crampes, même le Tetrahydrocannabinol (THC) récemment essayé, qui bien que bien toléré s'est avéré inefficace contre placebo. Seul le yoga récemment tenté sur quelques patients semble avoir été efficace, mais dans une étude sans groupe placebo...

 

bibiographie :

 

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