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Les dents de laits : diverses situations

Les dents de lait : diverses situations.

Couleur, traumatisme, nombre, hygiène… ce qu’elles nous disent. 

Docteur Matthieu TERNOIS 1,2,3  -  Docteur Monique-Marie ROUSSET 4

 

1 Centre Hospitalier de Roubaix
2
UF de chirurgie-buccale à la Faculté de chirurgie-dentaire de Lille
3
Laboratoire de Virologie EA3610, Univ. Lille, Faculté́ de Médecine, CHU Lille
4
Ancien Professeur des Universités et référent du Département d’Odontologie pédiatrique de Lille

 

Colorations et anomalies de structure

 

Les colorations de la dent sont d’origines très variées. Elles se présentent isolées ou apparaissant dans un contexte général qui oriente la recherche de l'étiologie :

-        pathologies génétiques ou systémiques

-        d’origines nutritionnelles ou toxiques

-        de causes traumatiques ou infectieuses locales

-        de simples colorations de plaque passagères.

 

Les deux anomalies génétiques les plus connues sont :

 

Ø  l’amélogenèse imparfaite, maladie autosomale dominante, avec dysplasie de l'émail qui se traduit par un aspect jaune brunâtre de la dent - généralement la dentine n'est pas atteinte ;

Ø  la dentinogenèse imparfaite, maladie autosomale dominante dans laquelle les dents apparaissent brunes ou gris bleuâtre opalescentes ; les clichés radiographiques montrent des racines courtes et une chambre pulpaire qui n'est pas visible. En principe l'émail n'est pas atteint mais la coloration de la dentine apparaît par transparence.

 

Les anomalies congénitales :

 

La porphyrie congénitale peut provoquer une coloration verte de toutes les dents, qui s’accompagne d’anomalies de structure à la surface de l'émail.

Le rachitisme héréditaire, vitamino D-dépendant, peut avoir pour conséquence des hypocalcémies et des hypophosphatémies. La souffrance fœtale et/ou les troubles nutritionnels ou toxiques pendant la grossesse ont les mêmes résultats sur la formation de l'émail. Toutes ces altérations de structures se manifestent par des colorations secondaires.

 

Les anomalies acquises :

 

Elles résultent essentiellement des propriétés de perméabilité de l'émail ou de la présence de  
défauts de surface ou de subsurface; mais également de l'accumulation de plaque bactérienne qui se colore secondairement. Elles seront donc :

-        Permanentes : si la prescription de tétracyclines à l'enfant, qui provoquait l'apparition de plages grises ou jaunes plus ou moins associées à des anomalies de structure de l'émail, n’est plus d’actualité, on peut encore régulièrement observer des fluoroses, conséquence d’un surdosage. Elles se traduisent par l'apparition de taches blanchâtres et d'hypominéralisation de subsurfaces.

-        Passagères : dues essentiellement à la rétention de substances colorées passant par la cavité buccale (médicaments, colorants alimentaires, thé, café) qui se fixent sur la pellicule de surface ou dans la plaque elle-même.

 

L’origine peut-être également la production de composants colorés par des bactéries chromogènes qui induisent des colorations vertes ou noires surtout au niveau des collets des faces vestibulaires chez les enfants et adolescents.

Ces colorations post-éruptives peuvent être éliminées par un simple brossage ou par nettoyage au cabinet dentaire.

 

Les autres étiologies :"

 

Les traumatismes et les changements microvasculaires qu'ils entraînent peuvent provoquer des hypoplasies de l'émail.

Une infection de la dent temporaire peut entraîner l’apparition d’aplasies avec des plages dépourvues d'émail.

Des troubles nutritionnels et/ou toxiques pendant la croissance peuvent provoquer également des anomalies de structure avec les mêmes conséquences de colorations.

Les MIH (pour syndrome d’hypominéralisation des molaires et des incisives) vont devenir les plus fréquentes des anomalies de structure : leur prévalence est en constante progression, comprise entre 3% et 25% selon les pays, les régions et/ou les classes d’âge. Elles correspondent à des défauts qualitatifs de l’émail, d’origine systémique, affectant une ou plusieurs molaires permanentes, associées ou non à des lésions sur les incisives permanentes. Les étiologies, plurifactorielles, sont d’autant plus difficiles à mettre en évidence que la façon qu’a l’émail de répondre, dépend du stade de l’amélogenèse où il se trouve au moment de l’agression et non de l’origine de celle-ci. L’état de l’émail dépend davantage du stade de l’amélogenése au moment de son agression que de l’origine elle-même de cette agression. C’est pourquoi les étiologies, plurifactorielles, sont d’autant plus difficiles à mettre en évidence.  

L’exposition au Bisphénol A est une des étiologies possibles.

Si le diagnostic doit être confirmé par un chirurgien-dentiste, les médecins généralistes, les pédiatres, peuvent les reconnaître, ou du moins fortement suspecter leur présence en bouche quand ils sont face à des colorations amélaires localisées, défauts blanc-crémeux ou jaune brun. Au départ, l’émail a sa surface lisse et dure, mais en sub-surface il est mou et poreux. Cette hypominéralisation le rend fragile.

Outre le problème esthétique qu’elles posent – notamment sur les incisives – les dents impactées par le MIH, présentent fréquemment des hypersensibilités : le brossage, douloureux, est difficile et les lésions carieuses évoluent d’autant plus rapidement que les dents sont fragiles. Les échecs de soins ne sont pas rares car ces dents hypersensibles sont difficiles à anesthésier ; ce qui accroît l’anxiété des jeunes patients. Repérer ces lésions en bouche le plus précocement possible et adresser l’enfant à un chirurgien-dentiste permet de préserver toutes ses chances de prise en charge.


Traumatisme de la dent temporaire et séquelles sur la dent permanente


Les étiologies des traumatismes
en denture temporaire dépendent de l'âge de l'enfant :

-        Pour le très jeune enfant, l'apprentissage de la marche, le manque de coordination dans les mouvements et la difficulté qu'il a à amortir ses chutes avec les mains, ou le choc malencontreux contre un objet, sont source de traumatismes.

-        A l'école, c'est la cour de récréation qui est le lieu « le plus risqué ». Puis s'ajoutent les premières leçons à vélo, rollers et autres planches à roulettes.

-        Enfin progressivement arrivent les accidents liés à la pratique d'un sport scolaire ou de loisirs et ceux survenus sur la voie publique.

Malheureusement, viennent s'y ajouter les traumatismes intentionnels de la maltraitance qu’il faut tenter d’identifier.

 

Les conséquences de ces chocs seront différentes suivant l'âge de l'enfant, le type de traumatisme, les dents concernées et la rapidité de la prise en charge.

-        Chez le tout petit, les chocs et les chutes vont provoquer des expulsions, des luxations et des déplacements dentaires.

-        Chez le jeune enfant d'âge scolaire, les fractures coronaires seront souvent multiples dans les accidents de vélo, aggravées par des lésions des tissus mous.

-        La pratique d’un sport aura des conséquences très différentes suivant la direction du choc, son impact, et le type du sport pratiqué.

Ces risques peuvent être amplifiés par la présence de malpositions, de malformations, ou de pathologies générales : la succion d'un doigt ou d'un objet, le manque de résistance d'une dent cariée ou présentant une anomalie de structure, le handicap ; autant de facteurs aggravants qui vont majorer les risques et augmenter les tableaux cliniques.

Quelle qu'en soit l'origine, la prise en charge doit se faire en urgence au cabinet dentaire pour minimiser les séquelles possibles. Le chirurgien-dentiste effectuera un examen clinique et radiologique approfondi. Et il rédigera un certificat initial descriptif qui peut s’avérer indispensable au plan assurance pour préserver l’avenir de l’enfant des conséquences des séquelles possibles sur la dent permanente.

 

Les séquelles sur la dent permanente

 

Plus l'enfant est petit, plus le risque de séquelles sera grand. A 2 ans, la dent permanente sera touchée à plus de 50% alors que les accidents survenus entre 5 et 6 ans n'induiront des séquelles que dans 1/4 des cas.

 

Pourquoi des séquelles ?

La dent permanente est aux « premières loges » s'il y a atteinte de la dent temporaire à cause de sa proximité anatomique avec celle-ci : en effet, au niveau du bloc incisivo-canin, le germe permanent se situe en position apicale et linguale des dents temporaires. Quand l'enfant est très jeune, la dent temporaire n'est séparée du germe de la dent définitive que par 1 mm de lamina dura et quand la résorption commence il n'y a plus qu'une fine couche de matière fibreuse.

 

Aucun traumatisme sur la dent temporaire n’est anodin et l’enfant victime d’un traumatisme dentaire doit être systématiquement adressé au chirurgien-dentiste pour une consultation.  

 

Le germe de la dent définitive peut être lésé, soit au moment de l'impact par atteinte directe, soit de façon indirecte par une aggravation de l'état des tissus environnants.

-        Une lésion directe qui va se transmettre à la dent permanente par l’intermédiaire de la dent temporaire, ou directement par le choc, peut provoquer des colorations et dyschromies superficielles rugueuses ou des hypoplasies de l'émail (avec perte de substance de formes diverses) et même des dilacérations dentaires.

-        Une lésion indirecte de la dent permanente, par l’intermédiaire d’une infection de la dent temporaire par exemple, donnera des malformations amélo-dentinaires, des fragmentations du germe, des hypoplasies de l'émail avec perte de substance ou des dégénérescences du germe dentaire ou une croissance de celui-ci.

 

Pour minimiser les risques d'atteinte de la dent permanente, soins et suivis sont indispensables. Et si le soin ou le suivi sont impossibles, le chirurgien-dentiste préférera l'avulsion car une thérapeutique inappropriée ou incomplète entraînera un risque plus grand pour le germe que le traumatisme lui-même.

 

Dans tous les cas, la rapidité et l'efficacité de la prise en charge globale de l'enfant, la motivation des parents et un suivi régulier permettront de limiter – sans toutefois les supprimer totalement – les séquelles possibles du traumatisme.


Les anomalies de nombre

 

Elles se présentent par excès ou par défaut.

 

L’augmentation du nombre de dents ou hyperodontie se rencontre surtout dans les grands syndromes malformatifs et touche principalement la denture permanente.

En denture temporaire, les dents surnuméraires sont souvent associées aux dents natales ou néonatales (présentes à la naissance ou apparaissant dans le mois qui suit).

2000 à 3 000 naissances sont concernées et il s’agit majoritairement (90 % des cas) d’une éruption précoce des dents temporaires.

Mais dans 10 % des cas ce sont des dents surnuméraires qui font leur éruption au niveau des incisives mandibulaires. Elles sont plus souvent rencontrées chez les patients porteurs de fentes alvéolo- palatines que chez les autres. Leur présence engendre une inflammation gingivale et surtout pose des problèmes pour l’allaitement du bébé au sein.

 

Beaucoup plus fréquentes sont les anomalies par défaut du nombre de dents.

Il y a agénésie dentaire, c’est-à-dire absence d’un germe de dent temporaire ou permanente, quand l’odontogenèse s’est arrêtée à un stade très précoce.

Cet arrêt concerne un nombre plus ou moins important de dents : de l’hypodontie s’il y a agénésie de moins de 6 dents, en passant par l’oligodontie quand les agénésies touchent plus de 6 dents, jusqu’à l’anodontie où il n’existe aucun germe.

Globalement, en Europe ces agénésies ont une fréquence d’environ 5% ; les filles sont plus atteintes que les garçons et les dents permanentes beaucoup plus que les dents temporaires qui présentent moins de 1% d’agénésies.

L’étiologie peut être d’origine acquise : séquelles de traumatisme plus ou moins important au niveau de la face, pathologie entraînant la prise de certains médicaments et/ou irradiation, syndrome infectieux du nourrisson.

Mais le plus souvent l’étiologie est d’origine génétique avec agénésies isolées par mutation (parfois accompagnées d’anomalies de forme de la dent controlatérale). Ces agénésies concernent le plus souvent les dents de « fin de séries » (groupe prémolaire, puis groupe incisif).

Les agénésies sont associées aussi à des fentes alvéolo-palatines et surtout aux grands syndromes (plus de 100 syndromes présentent des agénésies dentaires dans leur tableau clinique).

 

Prise en charge

La prise en charge de ces agénésies doit être pluridisciplinaire pour accompagner la croissance, éviter les malocclusions et préserver les fonctions.

Les thérapeutiques existent (traitement orthodontique, prothèse amovible, etc), et doivent être mises en place le plus précocement possible, surtout dans les cas d’anodontie où la réhabilitation passe par des prothèses amovibles dès l’âge de 2-3 ans. Elles favorisent le développement et la croissance harmonieuse de la face et permettent la mise en place correcte des fonctions de déglutition, mastication, et phonation.

Réévaluées et changées régulièrement, elles accompagnent l’enfant jusqu’à l’âge adulte où d’autres thérapeutiques peuvent être envisagées.

 

Conséquences sur l’enfant

Les anomalies qui touchent la denture de l’enfant - altérations de teinte, de forme ou du nombre de dents avec le plus fréquemment une insuffisance - vont avoir un retentissement immédiat sur le développement physique de l’enfant avec apparition possible de dysfonctions et de mauvaises habitudes d'hygiène alimentaire et buccodentaire.

Et ce, quelle que soit l’anomalie.

Le développement psychologique du jeune patient n’est pas épargné car l’enfant ressent très vite « sa différence », surtout quand l'impact esthétique est lourd : les parents cherchent rarement à agir avant l'apparition des dents permanentes, alors que de nombreuses solutions existent, dès la denture temporaire.

Plus l'enfant est pris en charge précocement, plus il aura de chances d’avoir une croissance harmonieuse et une intégration sociale réussie.

 

Hygiène alimentaire et bucco-dentaire, complémentation fluorée et allaitement

La prévention de la carie dentaire est un problème de santé publique et concerne tous les professionnels de santé.

Si l’état bucco-dentaire des enfants s’est grandement amélioré grâce aux campagnes de prévention, 20% des enfants présentent un taux de caries élevé. La survenue d'une pathologie carieuse dépend de plusieurs facteurs et du milieu buccal. Quand le pH de la cavité buccale descend à 5, il y a déminéralisation des tissus. Mais entre 6 et 5 la zone est déjà dangereuse : si l’enfant présente une sensibilité personnelle ou s'il mange des aliments qui s'éliminent lentement, les différentes familles de bactéries s'installent. Un pH acide et des aliments sucrés sont les principales causes des délabrements dentaires importants.

 

Les erreurs de comportement alimentaire peuvent débuter dès les premiers mois de la vie (biberon sucré à toute heure ou pour l’endormissement). Les pathologies carieuses touchent très vite la denture temporaire et on observe la « carie précoce du jeune enfant » très tôt. On a alors formation d'une cavité qui sera colonisée par les bactéries : l’ennemi public n°1 est le streptoccoque mutans.

 

Si l'activité carieuse est faible, il ne représentera qu'1% de la flore normale, mais ce chiffre passera à 15% en cas d'activité carieuse élevée.

La colonisation de la cavité buccale se fait le plus souvent par transmission (cuillère que l'on goûte). Cette transmission est + fréquemment mère fille, mais existe également en mère fils, ou père ou fratrie.

 

L’étiologie peut être aussi une alimentation riche en « sucres cachés ».

Si les bonbons sont bien identifiés comme augmentant le risque, ni l'enfant, ni les parents ne se méfient des biscuits et gâteaux ou des boissons « aux fruits » pris pour le goûter. De même, les céréales et les fruits secs persistent longtemps en bouche et cette difficulté d'élimination peut les rendre plus cariogènes qu’un bonbon qui va rapidement disparaître de la cavité buccale.

 

D’autres étiologies sont la prise de médicaments sucrés (sirop ou homéopathie) que l’enfant va absorber juste avant l'endormissement ou l’existence d'un important reflux gastrique non traité ou insuffisamment traité entraînant les mêmes pathologies carieuses.

Interroger le jeune patient sur ses habitudes alimentaires (grignotage, choix des aliments) peut permettre de diminuer le risque carieux d'une façon importante car il est plus difficile, même pour les parents, d'imaginer qu'il y a des sucres dissimulés dans les biscuits salés.

Quelques conseils simples peuvent être :

·       Boire de l'eau (seule boisson essentielle) sans, bien entendu, y ajouter de sirop.

·       Ne jamais terminer un repas par un yaourt (acide et sucre).

·       Manger le fromage après le dessert (la caséine du lait diminue la déminéralisation).

·       Privilégier la paille pour boire jus de fruits, boissons aux fruits ou coca.

 

Une « bonne conduite » d'hygiène bucco-dentaire sera le corollaire indispensable aux conseils alimentaires.

Le brossage doit commencer avec l'apparition de la première dent : nettoyer avec une compresse au début, puis peu à peu tous les soirs avec la brosse à dents. 

Le brossage doit être régulier, surtout le soir, à cause de la diminution du flux salivaire la nuit. Le jeune patient doit se doter d’une brosse à dents personnelle et adaptée à son âge, et en changer souvent ; il doit se brosser les dents au minimum 2 fois par jour en employant une technique de brossage adaptée à son âge.

Pour obtenir un brossage efficace, il faut recommander la participation active des parents jusque 3 ans. Puis, progressivement, les parents vont laisser l'enfant acquérir son autonomie tout en surveillant le brossage qui se fera ensuite avec et en même temps qu'eux. L’aide parentale pour le brossage du soir sera maintenue jusqu'à environ 7 ans, ce qui permettra d'insister sur l'importance de suivre un trajet toujours dans le même sens afin de n'oublier aucun endroit. 

L’émail n'est pas statique dans la cavité buccale

Il connaît des phases de déminéralisation et de reminéralisation. Les micro-organismes installés dans la plaque dentaire, rencontrent des glucides fermentescibles : plus l'apport de sucres est fréquent, plus la production acide va persister et provoquer une déminéralisation, et l'on passe de l'émail sain à un émail carié.

Mais si la salive en apportant du calcium et du phosphore remplit bien son rôle tampon, et que l'on fournit du fluor sous forme topique, le phénomène est réversible et l'émail se reminéralise.

 

L’allaitement plus ou moins prolongé : oui bien sûr, mais avec certaines précautions

 

Les bienfaits de l’allaitement maternel ne sont plus à démontrer. La tétée correspond à un mouvement physiologique complexe mettant en jeu tous les muscles de la langue, des ptérygoïdiens latéraux, des orbiculaires des lèvres et des buccinateurs. Elle participe au développement de la respiration nasale. La déglutition s’effectue avec la langue et la mandibule en avant. Participant ainsi à la croissance antéro-postérieure mandibulaire, l’allaitement maternel diminue de façon notable les risques de malocclusion et les tics de succion.

Néanmoins, lorsque cet allaitement maternel perdure après l’apparition des premières dents de lait, surtout si la diversification alimentaire est initiée, il importe d’expliquer aux parents la nécessité d’un nettoyage des dents du bébé après la tétée. En effet, les dernières études scientifiques rejoignent les constations cliniques du quotidien et notent une recrudescence des Caries Précoces des Jeunes Enfants (CPJE) en lien avec des allaitements prolongés et l’endormissement du bébé au sein et a fortiori du jeune enfant.

Il faut donc rappeler aux parents que dans le lait il y a des sucres et notamment beaucoup de lactose qui, rapidement à 37°C, se transforme en acide lactique, et attaque les surfaces dentaires durant toute la nuit. Les bactéries - présentes en nombre – ont alors tout le loisir d’agir, faisant le lit d’un développement carieux très rapide.

Pour éviter cela, le simple passage d’une compresse humidifiée sur toute la surface des dents de l’enfant, même endormi diminue fortement le risque carieux. Ce nettoyage peut se faire dès l’apparition de la première dent, voire même avant.

Cette régularité d’hygiène après la dernière tétée ou le dernier biberon deviendra une habitude pour l’enfant avant qu’il ne s’endorme pour la nuit et permettra l’acquis futur de bonnes habitudes.

 

Le fluor

 

Si le risque cariogène est élevé, il faut obtenir en priorité une modification des mauvaises habitudes et conseiller des thérapeutiques par apport topique de fluor (dentifrice fluoré, application de vernis fluoré ou réalisation de gouttières utilisant un gel très fluoré). Aucune prescription fluorée ne peut se faire sans un bilan préalable de l'apport quotidien en fluor dont bénéficie le jeune patient. Une supplémentation en fluor nécessite aussi d’évaluer le risque carieux individuel de l'enfant (pathologies existantes, problème génétique comme une amélogenèse imparfaite, etc).

La mise au point de l’AFFASPS sur l’utilisation du fluor dans la prévention de la carie dentaire avant l’âge de 18 ans, recommande : 

·       de ne pas faire de supplémentation fluorée pour les nourrissons de moins de 6 mois ;

·       ensuite, seuls les enfants à risque carieux élevé peuvent bénéficier d’un apport fluoré par voie systémique ;

·       tous les enfants de 6 mois à 3 ans, à risque carieux élevé ou non, doivent bénéficier d’un brossage avec un dentifrice fluoré (≤ 500 ppm).


Éducation à la santé et Éducation thérapeutique

 

L’anxiété vis-à-vis des soins dentaires concerne toujours une partie de la population : en France, la prévention bucco-dentaire n’est pas suffisamment intégrée et la peur du chirurgien-dentiste, qui perdure, retarde ou compromet la pratique d’un examen annuel. Examen pourtant conseillé pour éviter une pathologie installée.

 

D’autre part, les consultations, souvent motivées par un épisode douloureux, compliquent le premier contact du chirurgien-dentiste avec l’enfant.

 

L’information et les échanges entre professionnels de santé sont donc des moyens essentiels pour améliorer la santé bucco-dentaire et diminuer l’incidence carieuse. L’enjeu est de les mobiliser tous dans une démarche commune et complémentaire autour de l’enfant et de ses parents.

 

La prévention doit être la plus précoce possible. Elle doit toucher les parents dès la grossesse, période au cours de laquelle ils sont souvent plus réceptifs aux messages dans l’intérêt de l’enfant.

Plus tard, quand le contact s’établira directement avec l’enfant, il faudra systématiquement y associer la famille pour pérenniser les bonnes habitudes.

En effet, les mauvaises habitudes d’hygiène alimentaire et bucco-dentaire entraînent surpoids et pathologies carieuses. Une alimentation saine améliore l’état buccodentaire des enfants.

Les enfants sont perméables aux messages positifs et à l’installation d’une relation de confiance avec les multiples acteurs de santé qu’ils rencontrent. Cependant les professionnels de santé doivent s’impliquer pour créer et pérenniser des passerelles entre eux, travailler dans le même sens et disposer d’un langage commun pour potentialiser et pérenniser l’information donnée.

 

Un accompagnement plus ciblé peut alors être mis en place pour une éducation à la santé, voire même une éducation thérapeutique pour les enfants qui souffrent d’un diabète.

En effet, les conséquences du diabète sur la sphère buccodentaire sont bien connues et une démarche raisonnée de la prise en charge globale du jeune diabétique s'accompagne impérativement d'une prévention de la maladie carieuse, avec suppression des grignotages, limitation des apports sucrés, et lutte contre le surpoids et l'obésité.

Le chirurgien-dentiste ne peut, à lui seul, changer une perception insuffisante de l'importance d'un bon état buccodentaire pour l'équilibre du diabète. Le relais du médecin généraliste et la création des réseaux ville–hôpital permettront au mieux ces prises en charge.

L'implication du patient, acteur à part entière de sa propre santé, est indispensable : l'éducation thérapeutique a montré depuis longtemps son efficacité dans le maintien de sa qualité de vie.

Les chirurgiens-dentistes sont partie prenante dans la prévention de l’obésité et du diabète. Et certains, à l'hôpital comme à la ville, se forment maintenant spécifiquement à l'ETP pour aider l’enfant à garder la bonne santé buccodentaire qui contribuera à l’équilibre de son diabète.


Ce qu’il faut retenir

Agir sur le risque en :

-Évitant la prescription de fluor chez le nourrisson les 6 premiers mois de la vie

-En rappelant les bonnes règles d’hygiène alimentaire et bucco-dentaire

-Encourageant les contrôles réguliers chez le chirurgien-dentiste

Se souvenir :

-Qu’aucun traumatisme sur dent temporaire n’est anodin et qu’il faut adresser systématiquement l’enfant au chirurgien-dentiste en cas de traumatisme, même léger

-Que les dents temporaires se soignent et qu’une dent infectée peut avoir de lourdes conséquences sur la denture permanente

-Qu’il faut participer au dépistage des MIH et réagir en adressant précocement au chirurgien-dentiste l’enfant porteur de colorations et/ou de pertes de structures sur les dents permanentes

-Que l’allaitement prolongé peut comporter des risques de carie précoce du jeune enfant et qu’il est indispensable de nettoyer les surfaces dentaires après la dernière tétée du soir.


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